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Une boîte sans règles de jeu

Enquête | publié le : 11.07.2006 | E. F.

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Une boîte sans règles de jeu

Crédit photo E. F.

Fair Play, de Lionel Bailliu, en salles au mois de septembre, présente une vision totalement désidéologisée, anti-manichéenne, et ludique de l'entreprise, où, faute de règles, les relations humaines tournent au cauchemar.

Fair Play est l'histoire de quatre collègues de travail, tous cadres, qui se retrouvent en dehors du bureau pour faire du sport. L'intrigue se noue et se dénoue au cours de séquences d'aviron, de squash, de parcours santé, de golf et de canyoning. L'épilogue se passe à la piscine.

Alexandre (Jérémie Rénier), un jeune cadre entré depuis peu dans l'entreprise (l'activité n'est pas précisée), a laissé échapper un contrat. Jean-Claude (Benoît Magimel), son collègue et partenaire d'aviron, lui explique que, s'il a échoué, c'est par candeur, et que, pour réussir dans la vie, il faut subordonner ses moyens (en l'occurrence coucher avec la cliente) à ses fins (lui faire signer le contrat).

Gagner la partie

Convoqué à une partie de squash par son patron, Charles (Eric Savin), très déçu par cet échec, Alexandre se voit proposer le marché suivant : il garde son poste s'il gagne la partie. Appliquant le principe que lui a appris Jean-Claude, Alexandre finit par gagner et obtient, en prime, de s'occuper d'un gros contrat qui devait revenir à Jean-Claude. Pendant un parcours de santé, ce dernier, jaloux, fait pression sur l'assistante, Nicole (Marion Cotillard), qui détourne de l'argent, pour qu'elle fasse échouer le contrat d'Alexandre. Il obtient, également, qu'elle porte plainte contre Charles pour harcèlement sexuel (afin qu'il prenne sa place). Dès lors, la position de Charles devient précaire.

Au cours d'une partie de golf, le propriétaire de l'entreprise, Edouard (Jean-Pierre Cassel), qui se trouve aussi être le beau-père de Charles, menace ce dernier de le remplacer si la plainte n'est pas retirée. Ces multiples intrigues se dénoueront finalement au cours d'une descente mortelle en canyoning.

Fair Play n'a pas l'ambition de décrire de manière réaliste le monde de l'entreprise. Le film se déroule, d'ailleurs, en dehors des lieux de travail. Lionel Bailliu, qui l'a réalisé et en a écrit le scénario, admet volontiers que son propos n'est pas de faire un «film social». Il ne cherche pas, non plus, à dénoncer la violence des relations de travail, les petits chefs autoritaires, ou le harcèlement, mais à en démonter les mécanismes psychologiques. Ici, la vision de l'entreprise est stylisée, Mais elle n'est pas sans rapport avec la réalité.

Objectifs individuels

Ainsi, l'entreprise de Fair Play n'est pas le collectif que les spécialistes du management aimeraient qu'elle soit : les salariés poursuivent leurs objectifs individuels sans se soucier des intérêts de leur employeur, et même contre ses intérêts. Georges Pessis, délégué général du festival de films d'entreprise du Creusot, où Fair Play a été projeté, y reconnaît la vie dans certaines sociétés, « où les cadres passent leur temps à se glisser des peaux de banane ». De ce fait, la solidarité et la fraternité entre salariés sont totalement absentes du film. A la place, la règle de vie collective proposée - mais pas respectée - est, précisément, le fair play.

Parce que les salariés représentés ne sont que des individus, il n'y a pas, dans cette entreprise, d'intérêts de classe. Le patron n'est pas le «salaud» du Crime de Monsieur Lange (Jean Renoir, 1936), mais un être doté de psychologie, qui peut apparaître comme un véritable psychopathe (lorsqu'il manage ses troupes), comme un mari désarçonné (lorsqu'il apprend que sa femme veut le quitter), ou encore comme un chômeur potentiel. De même, les salariés ne sont pas uniquement des victimes de l'oppression patronale. Nicole, qui subit le harcèlement de son chef, vole aussi sa société. « Nicole traite son entreprise comme son entreprise la traite », relève Lionel Bailliu.

Approche psychologique

Grâce à cette approche psychologique, nonidéologique, et plutôt bien informée, de l'entreprise (certains dialogues semblent tout droit tirés de séminaires de motivation), Fair Play évite l'écueil d'un traitement manichéen du harcèlement moral. Lionel Bailliu, lui-même ex-cadre dans une grande société, s'est, en effet, renseigné sur ce sujet en lisant la presse et l'ouvrage de Marie-France Hirigoyen (*). Il en a retenu une leçon : « Dans les histoires de harcèlement moral, la perversité du chef et la capacité d'absorption de la victime vont ensemble. »

(*) Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien, Syros, 1998.

sauf le respect que je vous dois

> Réalisatrice : Fabienne Godet. Acteurs principaux : Olivier Gourmet (François Durrieux). Dominique Blanc (Clémence Durrieux). Julie Depardieu (Flora). Marion Cotillard (Lisa ).

Fair Play

> Réalisateur-scénariste : Lionel Bailliu. Acteurs principaux : Benoît Magimel (Jean-Claude). Marion Cotillard (Nicole). Jérémie Rénier (Alexandre). Eric Savin (Charles).

Auteur

  • E. F.