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Enquête

12 questions pour réussir sa négociation

Enquête | publié le : 24.10.2006 | Marie-Pierre Vega

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12 questions pour réussir sa négociation

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Trois experts répondent aux principales questions que pose à la DRH la mise en place d'une GPEC.

Avant la négociation

Comment présenter la démarche de GPEC aux partenaires sociaux pour lancer la négociation ?

Pour Pierre Le Cohu, avocat associé du cabinet Barthélémy & Associés, « il y a deux façons pour l'employeur de présenter la démarche. Soit a minima, parce que c'est une obligation légale ; soit parce que l'entreprise a intérêt à mieux maîtriser son évolution en se dotant d'un instrument de gestion pertinent, avec la participation des partenaires sociaux ». Elvie Déon, directeur associé d'Algoé, recommande, de « ne jamais aborder la démarche GPEC de manière frontale, sous l'angle direct des effectifs et des rémunérations, mais de l'appréhender sous l'angle de la professionnalisation ». Jean-Luc Verreaux, directeur du pôle stratégie et emploi de BPI, préconise, lui, de communiquer aux partenaires sociaux « un rapport stratégie et emploi qui synthétise les grandes tendances d'évolution de l'entreprise et leur traduction en termes d'emploi ».

Pendant la négociation

Sur quoi doit-on négocier ?

La négociation porte sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise, sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi et les salaires. Elle est également consacrée à la mise en place d'une GPEC, ainsi que sur les mesures susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, de VAE, de bilan de compétences et d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés. Cette négociation doit avoir lieu en même temps que celle sur les conditions d'accès et de maintien dans l'emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle. Elle peut également porter sur le contenu des accords de méthode.

Concrètement, comment procéder ?

Pierre Le Cohu conseille de négocier un accord de méthode pour définir le cadre de la discussion : « Il s'agit de faire un état des lieux en matière d'effectifs, d'emplois et de compétences. A cet effet, il faut établir des outils de type description des fonctions, cartographie des métiers. A partir de là, les partenaires sociaux réfléchissent aux évolutions de l'entreprise sur les trois ans à venir, sur la base de la présentation de sa stratégie globale. Celle-ci doit être traduite en termes d'effectifs, de métiers et de compétences. » La question qu'on se pose, alors, est : comment passer de la structure actuelle de métiers à la structure souhaitée des métiers à venir ? « Il faut définir les moyens d'accompagnement qui seront mis en oeuvre, tels que la formation, la VAE, le bilan de compétences, la mobilité. Mais cette liste n'est pas limitative et elle peut aussi inclure, par exemple, une réorganisation du temps de travail. »

Quel est le bon niveau de négociation ? L'entreprise ? Le groupe ?

Pour Jean-Luc Verreaux, « il n'y a pas de bon niveau dans l'absolu. On peut conclure un accord-cadre de groupe que chaque entreprise déclinera ». Mais, si les problématiques d'emploi des diverses sociétés ou activités du groupe sont très différentes, « il faudra conclure un accord-cadre tellement général qu'il n'aura pas d'intérêt », précise-t-il. Donc, il faut plutôt « négocier par activité ou par entreprise ».

Faut-il négocier sur les moyens financiers ? Humains ?

Le sujet divise les experts. Pour Pierre Le Cohu, « il faut négocier les moyens humains et financiers que l'entreprise compte mettre en place pour faire aboutir cette démarche, même si la loi ne le prévoit pas, comme, par exemple, le temps de délégation syndicale supplémentaire, les formations pour les négociateurs, le recours à un expert ». En revanche, selon Jean-Luc Verreaux, « il est impossible pour une entreprise de s'engager sur un budget pour trois ans. L'expérience le montre. Quand on met en place un dispositif de mobilité ouvert sur un an, on constate des écarts entre ce qui avait été budgété et ce qui est nécessaire ».

Quelles sont les difficultés des entreprises ?

Yves Duplaix, associé chez Unilog Management, en charge des activités de stratégie RH, voit, lui, plusieurs écueils : « L'une des principales difficultés des entreprises est de mailler finement la cartographie des compétences avec la stratégie de l'entreprise. A ce jour, aucun outil ne permet ce maillage immédiatement. Par ailleurs, les DRH se heurtent parfois à des obstacles statutaires. Selon telle ou telle convention collective, un salarié exerçant le même métier et utilisant les mêmes compétences qu'un de ses collègues ne peut pas avoir le même emploi, en raison de leur différence de coefficient. Enfin, autre problème, propre à la culture du DRH, la difficulté de travailler en mode projet, c'est-à-dire de lancer des démarches participatives avec l'ensemble des responsables opérationnels. »

Peut-on lier accord de GPEC et accord de méthode ?

Jean-Luc Verreaux en est convaincu : l'esprit de la loi lie accord de GPEC et accord de méthode. Une circulaire d'application de décembre 2005 encourage même les négociateurs à inclure dans l'accord de GPEC « des dispositions relatives à la procédure applicable en cas de licenciement collectif ». Il s'agit bien là d'un accord de méthode conclu à froid. Nous préconisons donc d'arriver à un accord global sur l'emploi, qui lie accord de GPEC et accord de méthode. Pierre Le Cohu reconnaît, toutefois, que, dans la pratique, « un accord de méthode portant sur une GPEC ne constitue pas la solution idéale. Dans ce cas, le GPEC arrive trop tard ».

Faut-il conclure un accord ?

Conclure un accord n'est, en aucun cas, une obligation. L'obligatoire est uniquement d'engager une négociation et de débattre de bonne foi.

Que se passe-t-il pour les entreprises qui ont déjà négocié un accord ?

Là encore, les avis divergent. Selon Jean-Luc Verreaux, « les entreprises qui ont déjà négocié un accord ont généralement prévu une commission de suivi avec des clauses de révision de l'accord ». Donc, « avec ou sans loi, elles rouvrent régulièrement les négociations ». Pierre Le Cohu indique, a contrario, qu'elles sont obligées d'ouvrir une négociation.

La négociation qui n'aboutit pas fait-elle courir un risque à l'employeur ?

Si les licenciements économiques surviennent, l'employeur pourra se voir reprocher de n'avoir pas prévu en temps utile ce risque, de ne pas l'avoir anticipé par des mutations ou des reclassements, au besoin au moyen d'actions de formation et d'adaptation. Les licenciements pourraient même être reconnus sans cause réelle et sérieuse.

Après la négociation

Un plan social peut-il se faire retoquer faute de GPEC ?

Oui. C'est le sens de la décision du tribunal de grande instance de Paris, qui a suspendu, le 5 octobre dernier, le projet de restructuration de NextiraOne, ancienne filiale d'Alcatel, qui prévoyait la suppression de 322 emplois (lire l'article p. 24).

Faut-il prévoir une commission de suivi ?

Jean-Luc Verreaux le conseille fortement : « Il faut régulièrement réactualiser la GPEC. La GPEC est une démarche paritaire, c'est bien que les partenaires sociaux restent associés à son application et à son suivi via une telle commission, qu'on peut aussi appeler observatoire des métiers, c'est plus engageant. »

Même écho du côté d'Algoé et de Barthélémy & Associés.

La GPEC dans la loi sur la participation et l'actionnariat salarié

Ce nouveau chapitre de la loi sur la participation et l'actionnariat salarié, présentée le 3 octobre à l'Assemblée, comprend, notamment, un article additionnel à l'article 14, qui prévoit d'associer le comité d'entreprise à la négociation trisannuelle sur la GPEC. Un autre article additionnel prévoit d'inciter « les partenaires sociaux de l'entreprise à inscrire dans les accords de GPEC des mesures préventives de développement de l'activité dans les bassins d'emploi potentiellement concernés par des restructurations programmées ». Ces mesures « préventives seront prises en compte pour évaluer le respect par les entreprises de leurs obligations de réindustrialisation ».

Selon Pierre Le Cohu, avocat au cabinet Barthélémy & Associés, « le fait d'associer le CE aux discussions n'est pas très innovant ». En revanche, « les mesures préventives de développement de l'activité sont plus intéressantes. Cela montre que la GPEC est aussi un enjeu de gestion des RH et de l'emploi externe à l'entreprise. Dans cette formulation, il y a la notion de mobilité de l'emploi. La loi prend en compte le fait qu'une carrière ne se fait plus entièrement dans une même entreprise. C'est un symbole très fort ».

Les aides financières

Pour toutes les entreprises

Le gouvernement vient d'obtenir l'alignement du régime fiscal et social de la GPEC sur celui des plans de sauvegarde de l'emploi. Cette mesure, inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, présenté au Conseil des ministres le 11 octobre, vise à exonérer de charges sociales les mesures prises dans le cadre d'un accord de GPEC. Cette exonération de charges s'appliquera, par exemple, aux aides à la création d'entreprise, à la mobilité géographique, ou encore à la formation. Ainsi, si, dans le cadre d'un accord signé avec les partenaires sociaux, un salarié part volontairement d'un poste menacé, la somme qu'il touchera sera exonérée de charges. Elle ne le sera pas s'il quitte un poste qui ne fait pas partie des postes menacés.

Cet avantage sera, toutefois, subordonné à des garde-fous : la nécessité d'un accord collectif ; l'absence d'opposition de l'autorité administrative à la qualification d'emploi menacé ; l'accès du salarié à un emploi stable, la validation de ce projet de reclassement par le comité de suivi. Mais tous les syndicats ne sont pas convaincus de l'efficacité de la nouvelle mesure : « La GPEC a pour but d'assurer l'employabilité des salariés, en faveur de l'évolution des emplois d'une entreprise. Elle ne doit pas servir à gérer des modalités de rupture des contrats de travail », insiste Alain Lecanu, secrétaire national de la CFE-CGC.

Pour les plus petites

Les petites entreprises (moins de 250 salariés) peuvent, elles, solliciter l'appui d'un consultant, via l'Anact. Il existe, en fait, trois types de conventions : une convention individuelle conclue entre l'Etat et l'entreprise, une convention interentreprises et une convention de sensibilisation.

La première, la convention individuelle, permet à l'entreprise de choisir librement un consultant. L'Etat prend en charge jusqu'à 50 % des coûts de conseil externe, sans dépasser 15 000 euros. Cette convention est conclue pour une durée d'un an maximum et prévoit un bilan six mois après son terme.

La seconde, la convention interentreprises, est conclue au niveau d'un bassin d'emploi, d'une filière économique ou d'un secteur d'activité. Le consultant élabore un plan de GPEC pour chaque entreprise, mais prévoit des projets collectifs. L'aide de l'Etat, limitée à 50 % du coût d'intervention du consultant, est plafonnée à 12 500 euros par entreprise.

Enfin, il existe des conventions de sensibilisation, conclues avec des organismes professionnels, ou des structures territoriales comme, par exemple, les chambres de commerce, les comités de bassin d'emploi, les groupements d'employeurs. Dans ce cas, l'aide de l'Etat peut atteindre 70 % du coût total du projet.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega