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L'évaluation, une pratique juridiquement encadrée

Enquête | publié le : 14.11.2006 | C. L.

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L'évaluation, une pratique juridiquement encadrée

Crédit photo C. L.

Si l'entreprise a le droit d'évaluer le travail de ses salariés, elle se doit de suivre un balisage très strict fondé sur l'objectivité et la loyauté.

Le Code du travail est très clair : le pouvoir de direction conféré au chef d'entreprise lui permet d'évaluer le travail de ses salariés. Le but, évidemment, étant de contrôler la bonne exécution du contrat de travail et d'apporter, le cas échéant, une aide permettant au collaborateur de progresser. D'ailleurs, les salariés ne peuvent s'y soustraire. « Dans l'intérêt des deux parties », prévient Cyril Catté, avocat du cabinet Gibier, Souchon, Festivi & Rivierre.

C'est dans cet esprit que la cour d'appel de Grenoble s'est prononcée, le 13 novembre 2002, sur une procédure de ranking mise en place chez Hewlett Packard. Les juges l'ont admise dans la mesure où cette procédure permettait « de fixer les augmentations de rémunération en fonction de la performance relative des salariés ».

Un autre jugement, cette fois du tribunal de grande instance de Grenoble, le 23 mai 2002, avait considéré que le classement des salariés en cinq catégories ayant pour but de déterminer leur performance individuelle, appréciée par rapport aux performances réalisées par des salariés exerçant une fonction comparable, était admissible, dès lors qu'il implique le déclenchement de programmes de remise à niveau pour les moins bien classés.

Montée en puissance des contentieux

Pour autant, la montée en puissance des contentieux en matière de discrimination, avec, en toile de fond, les systèmes d'évaluation des entreprises, prouve que le sujet n'est pas si simple. L'exercice d'appréciation des salariés renferme plusieurs obligations si une direction veut justifier une différence de traitement entre ses collaborateurs. Certes, il y a le fameux principe «à travail égal, salaire égal », dénoncé en 1996 dans l'arrêt Ponsolle. Toutefois, cette notion d'égalité ne signifie pas que toute différence est illicite. Condition sine qua non : que les critères qui fondent cette dernière soient objectifs. Dans cette logique, les systèmes d'évaluation doivent également reposer sur des éléments objectifs, transparents et contrôlables.

« Les éléments quantitatifs, comme le respect d'un budget, entrent tout à fait dans ce cadre. Mais que dire de tous ces nouveaux domaines d'évaluation très qualitatifs, liés au comportement, comme, par exemple, la sensibilité culturelle, le courage ou la conviction ? », s'interroge Sylvain Niel, avocat du cabinet Fidal. Autrement dit, le seul moyen pour l'entreprise de se défendre est d'affirmer : « Ils n'ont pas le même salaire, pas la même évolution professionnelle car ils n'ont pas les mêmes compétences, et je le prouve. »

Des grilles d'évaluation neutres

Mais, là aussi, les employeurs se heurtent à un écueil. « Quel que soit le processus retenu, les évaluateurs, tant dans les grands groupes que dans les PME, répugnent à noter trop sévèrement leurs subordonnés. A l'arrivée, les grilles d'évaluation sont neutres. En cas de licenciement pour insuffisance professionnelle ou de contentieux en discrimination, l'employeur a un dossier vide », signale Agnès Cloarec-Mérendon, avocate au cabinet Latham & Watkins. Là se situe la première limite de l'exercice.

La seconde a trait à la loyauté du procédé. Ainsi, tout collaborateur doit être informé des méthodes et techniques d'évaluation professionnelle mises en oeuvre à son égard. Plus généralement, c'est le comité d'entreprise qui doit être consulté, sans oublier la Cnil dès lors que l'entreprise manipule des fichiers nominatifs. Par ailleurs, les informations demandées ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles. Exit, donc, les procédés fantaisistes comme la morphopsychologie et la numérologie, voire « certains tests de personnalité qui ont tendance à faire intrusion dans la vie privée du salarié », considère Cyril Catté. Le contenu des évaluations doit, enfin, rester confidentiel.

Effets induits

Pour Sylvain Niel, l'entreprise doit aussi veiller aux effets produits par les outils d'évaluation : « Le ranking et le 360° sont particulièrement dangereux car ils créent un stress chez les salariés mis en concurrence. A l'employeur d'y associer un accompagnement approprié pour aider ses collaborateurs et ses managers à bien appréhender l'exercice, comme des modes d'emploi explicites, voire des formations. » Face au risque de stress et à l'incidence sur la rémunération, Agnès Cloarec-Mérendon conseille d'informer et de consulter le CHSCT. Finalement, tous les acteurs de l'entreprise sont concernés par cet acte de management hautement individualisé.

Auteur

  • C. L.