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Enquête

Le testing, véritable outil de GRH

Enquête | publié le : 12.12.2006 | Véronique Vigne-Lepage

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Le testing, véritable outil de GRH

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Le groupe de grande distribution Casino a décidé de faire tester ses procédures de recrutement par un cabinet extérieur. Objectifs : disposer d'un outil d'évaluation fiable, et inciter l'encadrement à un comportement vertueux.

Le groupe Casino a réuni, le 8 novembre, pour la première fois, son «comité diversité». Composé de sept membres de la direction et de sept représentants des organisations syndicales, il est l'instrument de suivi de l'accord social de groupe pour la lutte contre les discriminations, signé le 14 octobre 2005 à la suite du programme européen Equal «Lucidité».

Au centre de cette première réunion : le lancement, en 2007, d'un testing des procédures de recrutement, dans le cadre d'un second programme européen, «Averroès»*. « Ce qui est mis en place, aujourd'hui, pour les procédures de recrutement, n'est pas un testing à but judiciaire, mais un protocole à but statistique », précise Eric Cédiey, chargé du projet à ISM Corum, le cabinet expert qui pilote Averroès. Il s'agit de l'un des indicateurs de suivi, plus large que le diagnostic de 2005 et pérenne, que Casino souhaite intégrer aux autres indicateurs de GRH. »

Candidature de référence

Concrètement, Casino va comparer le traitement réservé à deux types de candidatures : l'une, dite de référence, l'autre, potentiellement discriminable en raison de l'origine supposée du candidat. Si le protocole précis est en cours de discussion, il est certain que ce testing ne pourra pas ouvrir de voie au pénal. Les deux profils de candidats testés, similaires en tous points sauf sur l'aspect induisant potentiellement une discrimination, étant fictifs.

Véritable outil de management

Reste à définir les moyens par lesquels les candidatures fictives sont présentées (courrier, appel téléphonique, présentation physique), les critères d'une différence de traitement (réponse négative immédiate, demande d'envoi d'un CV...), ou encore jusqu'à quel stade du processus de sélection on poursuit l'analyse, etc. Les résultats devront, enfin, être significatifs statistiquement. Le volume des tests et leur fréquence restent également à définir.

Conformément à l'accord social, ce testing et ses méthodes seront présentés aux différents niveaux hiérarchiques, mais ni ces derniers, ni la direction, ni les syndicats ne sauront quand et où les tests seront réalisés par ISM Corum.

Tous les établissements de plusieurs sociétés du groupe pourront être concernés. « Le but est que les cadres, avertis, fassent attention à leurs pratiques, poursuit Eric Cédiey, et que cela devienne un véritable outil de management. » En amont, des formations à la lutte contre les discriminations ont été organisées pour les cadres et un guide des bonnes pratiques de recrutement a été conçu par la direction. Les résultats seront présentés régulièrement aux membres du comité diversité.

Evaluation des progressions de carrière

A côté du testing, Casino envisage de créer un deuxième outil d'évaluation des progressions de carrière. Celles-ci seraient mesurées par analyse, dans les statistiques RH : des « critères discriminants relatifs à l'origine supposée des gens - nom et prénom, lieu de naissance », explique Eric Cédiey. Un diagnostic, fondé sur le même principe, réalisé dans trois établissements (Entreprise & Carrières n° 770 du 28 juin 2005), avait déjà révélé l'existence de discriminations à l'embauche et méritait d'être approfondi quant aux progressions de carrière.

« L'objet de ce travail n'est pas de rechercher la véritable origine des gens, mais ce qui peut induire une discrimination : nom à consonance étrangère, couleur de peau », précise Eric Cédiey. Cependant, de nombreuses incertitudes pèsent sur les modalités de mise en oeuvre : une modification de la loi informatique et libertés est intervenue en août 2004, soit après la déclaration, par Casino, de l'analyse sur les trois établissements. « Il faut obtenir une autorisation, et la Cnil vient de relancer des auditions publiques en vue de revoir à nouveau ses recommandations. »

Une démarche pragmatique

Quoi qu'il en soit, pour Gérard Massu, directeur des relations sociales du groupe, « cette phase de mise en pratique d'outils de mesure des avancées est la plus importante ». Il estime que « rien n'aurait été fait sans la volonté partagée de la direction, de la CGT et de la CFDT, ainsi que des autres organisations syndicales, ni sans notre accompagnement par des spécialistes apportant une méthodologie et une neutralité ». Selon lui, « en matière de discriminations, mieux vaut convaincre que contraindre. Il faut donc beaucoup communiquer, accepter les dérapages, parce que l'entreprise n'a pas tous les éléments culturels et éducatifs en main, les traiter au fur et à mesure et voir comment on peut avancer. C'est une démarche très pragmatique ».

De son côté, Thierry Ménard, représentant de la CGT, l'une des chevilles ouvrières de l'accord, estime que l'on pourrait aller encore plus loin en « donnant plus de moyens aux organisations syndicales jusque dans les établissements de moins de 50 salariés, pour que les délégués locaux puissent également suivre l'application de l'accord ».

(*) Actions visant l'égalité sans distinction de race, de religion ou d'origine dans l'emploi et les services.

groupe casino

> Effectifs moyens 2005 : 73 505 salariés.

> Chiffre d'affaires 2005 : 17 milliards d'euros.

> Résultat opérationnel 2005 : 855 millions d'euros.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage