Dans l'univers des travaux publics, parler de «métiers d'hommes», c'est faire honneur à la profession. Mais on concédera rarement que ceux-ci sont exposés à une souffrance psychique. L'entreprise Serpollet (groupe Serfim) a bien sa batterie d'indicateurs de risques comme les autres entreprises du secteur. Mais rien sur le stress : la direction s'attache, avant tout, à améliorer la performance économique de ses chantiers, à réduire le risque physique au travail et à fidéliser ses salariés. Or, en visant simultanément ces trois objectifs, Serpollet a pris plusieurs initiatives qui contribuent à une prise en compte collective... du stress.

Cette démarche remonte à près de dix ans. A l'époque, cette PME lyonnaise centenaire, spécialisée dans la pose de réseaux de gaz, d'électricité et de télécoms, avait engagé deux politiques structurantes de qualité et de santé-sécurité. Résultat : une réduction par trois du nombre d'accidents de chantier depuis 1997 (15 accidents en 2006). Sur la même période, l'effectif est passé de 180 à 240 salariés, tandis que le chiffre d'affaires a plus que doublé, dépassant les 29 millions d'euros en 2006.

« Nous avons beaucoup réfléchi sur l'organisation en amont du travail, en créant un bureau d'études intégré », explique Emmanuel Guirand, responsable des ressources humaines. Ce service établit la feuille de route des managers depuis maintenant huit ans. « C'était devenu une nécessité, poursuit le RRH. Chaque chantier entraîne de la coactivité. Nos salariés peuvent côtoyer, chaque jour, des gens qu'ils ne connaissaient pas la veille : des intérimaires, des riverains, le client du client, les maîtres d'oeuvre... Les aléas sont nombreux. Notre bureau d'études nous permet de les réduire en préparant des prestations globales, clés en main. C'est le meilleur moyen d'éviter, pour nos managers, des instructions de travail paradoxales qui les conduiraient, par exemple, à percer une tranchée au mauvais endroit. »

L'entreprise vient de lancer, par ailleurs, un programme de formation pour ses managers avec le Centre permanent de maîtrise (Greta Nord-Isère), qu'elle a baptisé «Ecole de l'encadrement». Il s'agit, notamment, de modules courts (deux jours) en management et en communication, pour apprendre à «déminer le terrain» du travail en équipe.

« Cette offre est enfin adaptée à l'activité des TP, souligne Emmanuel Guirand. Nous avons augmenté les postes de management de proximité. Beaucoup de nos salariés y accèdent par promotion interne, avec un CAP ou un BEP. Il fallait les aider à prendre plus d'assurance. » Le dispositif est opérationnel depuis mai 2006. Tous les chefs d'équipe, les chefs et conducteurs de chantier doivent y participer. Ils étaient 27 dans ce cas en 2006, ils seront 46 en 2007.

Ces expériences viennent s'ajouter à des actions classiques d'accueil et de tutorat, ainsi qu'à un plan d'investissement d'un million d'euros par an pour moderniser les engins de chantier. L'entreprise peut se féliciter d'un turn-over de 3 % à 4 % et d'un taux d'absentéisme «marginal». Serpollet a obtenu, en mars 2005, la certification Ohsas 18001, une norme internationale en matière de santé et de sécurité au travail.

« Il existe chez Serpollet une volonté d'anticiper les chantiers pour éviter les situations d'agitation, remarque Marie-Françoise Arquillière, médecin du travail spécialisée dans la branche BTP. Il y a, dans cette entreprise, un encadrement jeune, qui est sans doute plus disposé à s'affranchir de la culture des aînés. Car le thème du stress n'est jamais abordé dans les entreprises de TP. Comme si c'était tabou, alors que cela ne choque plus personne dans le secteur bancaire, par exemple. »

> Activité : BTP, pose de réseaux.

> Effectifs : 240 salariés.

> Chiffre d'affaires 2006 : 29 millions d'euros.