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Un an apres, les effets se font attendre

Enquête | publié le : 27.02.2007 | Emmanuel Franck

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Un an apres, les effets se font attendre

Crédit photo Emmanuel Franck

La loi du 23 mars 2006 sur l'«égalité salariale entre hommes et femmes» crée plusieurs obligations pour les entreprises, dont celle de négocier sur les écarts de rémunérations. Un an après son vote, ses effets se font encore attendre. Seules quelques entreprises pionnières se sont réellement attaquées à ce chantier.

Depuis la loi de 1907 autorisant l'épouse à disposer de son salaire, l'égalité des femmes et des hommes devant le salaire a progressé, mais, en 2002, l'écart moyen était toujours de 19,5 % en défaveur des premières selon l'Insee. La loi sur l'«égalité salariale entre hommes et femmes» s'est donc fixé comme objectif de supprimer les écarts salariaux d'ici au 31 décembre 2010. Au vu de cette première année d'existence, l'objectif paraît encore lointain.

La loi crée plusieurs obligations pour les entreprises. Ces dernières doivent, notamment, produire un diagnostic sur les écarts de salaire, neutraliser l'effet du congé maternité sur l'évolution du salaire, et, pour les sociétés dotées d'un délégué syndical, ouvrir des négociations sur ces écarts dans les douze mois suivant la promulgation de la loi. Il semble que ces nouvelles obligations n'aient, pour le moment, pas produit d'effets.

Un an de perdu

La liste des indicateurs devant figurer dans le diagnostic n'a été décrétée qu'en décembre. « On a perdu un an », regrette Marie-Line Brugidou, déléguée nationale à la CFE-CGC, en charge de l'égalité professionnelle. En outre, ces indicateurs sont trop généraux pour décrire la réalité des discriminations salariales, selon Rachel Silvera, économiste, spécialisée sur l'égalité professionnelle (lire l'entretien p. 27). Par ailleurs, la neutralisation des congés maternité était déjà acquise dans nombre d'entreprises, même si, « en général, ces dernières ne prennent en compte que le salaire fixe et pas la part variable », relève Pascal Bernard, président de la commission égalité femmes/hommes et diversité de l'ANDCP, et DRH d'Eau de Paris.

Reste l'obligation d'ouverture de négociations sur les écarts de salaires. Il n'existe pas, aujourd'hui, de statistiques officielles sur les accords signés. La présentation aux parlementaires d'un premier bilan de la loi, par Catherine Vautrin, ministre déléguée à l'Egalité des chances, qui devait avoir lieu mi-février, a finalement été annulée. Il faudra donc sans doute attendre le prochain bilan de la négociation collective de la Dares pour se faire une idée du volume de ces accords.

Pas d'effet spécifique

De son côté, l'Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises (Orse) a dénombré une soixantaine d'accords d'entreprise sur l'égalité professionnelle - ne traitant pas forcément des salaires -, dont six accords postérieurs au 23 mars 2006. L'Orse relève aussi huit accords de branche en quatre ans, auxquels il faut ajouter le récent accord dans la métallurgie. On ne constate donc pas d'effet spécifique de la loi de mars 2006 sur la production d'accords. « [...] les branches et les entreprises doivent se doter d'outils pour agir concrètement en ce domaine et il leur appartient de s'emparer du sujet pour que ces moyens soient les plus adaptés possibles à leur situation », reconnaît le ministère de l'Egalité des chances.

Pour l'heure, les directions départementales du travail (DDTEFP) enregistrent encore les accords salariaux d'entreprises, nombreux en cette période de l'année. Contactées, celles du Nord-Pas-de- Calais et de Paris indiquent que les entreprises commencent, depuis la rentrée, à intégrer la question des écarts de salaires dans leurs accords salariaux. Mais obligation de négociation ne veut pas dire obligation de résultats.

Sensibiliser

« La loi n'a pas terrorisé les entreprises qui ne veulent rien faire », constate Pascal Bernard. Mais les entreprises ne sont pas seules en cause. De peur que les augmentations réservées aux femmes ne pénalisent les augmentations générales, les syndicats hésitent aussi à s'engager. A la CFDT, on reconnaît qu'il faudra encore sensibiliser les négociateurs à cette question. Pourtant, quelques entreprises pionnières ont mis en place des mesures susceptibles de réduire effectivement les écarts. Air France a, ainsi, décidé de faire un diagnostic affiné de la situation, et en a confié l'élaboration à un expert extérieur.

Secteurs en pointe

Les secteurs en pointe sont la banque et l'assurance, deux domaines très féminisés, socialement avancés, et qui réalisent d'énormes bénéfices. HSBC, LCL et Barclays ont, ainsi, dégagé des enveloppes financières réservées aux femmes (lire p. 24 et p. 26). Leurs modalités de distribution diffèrent cependant. LCL et Barclays les réservent à des augmentations de salaires, tandis que HSBC attribue cette enveloppe à la promotion de «l'équité», dont l'égalité salariale est une composante. Barclays a choisi de l'affecter automatiquement en privilégiant les salariées les moins rémunérées ; HSBC et LCL y mettent une condition de performance individuelle. Un moyen de tendre vers l'égalité salariale sans se priver d'un outil de motivation.

L'essentiel

1 Votée le 23 mars 2006, la loi sur l'égalité salariale entre hommes et femmes donne un an aux entreprises pour ouvrir des négociations sur ce sujet.

2 Par ailleurs, la loi impose aux entreprises une obligation de diagnostic sur les écarts de salaire et de neutralisation du congé maternité.

3 Un an après son vote, les effets de la loi sur une réduction effective des écarts de salaires sont imperceptibles, faute de statistiques, mais aussi faute d'une réelle appropriation du dossier par les acteurs.

Auteur

  • Emmanuel Franck