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LES NOUVEAUX BENEFICIAIRES DES RETRAITES D'ENTREPRISE

Dossier | publié le : 05.06.2007 | Guillaume Le Nagard

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LES NOUVEAUX BENEFICIAIRES DES RETRAITES D'ENTREPRISE

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Après avoir fait face aux urgences - retraite des cadres et fermeture des régimes aux engagements trop lourds -, les entreprises considèrent désormais les populations moins «sensibles» vis-à-vis de la retraite, comme les jeunes et les non-cadres. Et élaborent des politiques globales pour accompagner tous leurs salariés.

Place aux jeunes ? Après s'être efforcées de parer à l'urgence, notamment pour les cadres, beaucoup d'entreprises affichent une approche de plus en plus prospective des retraites de tous les salariés. L'ensemble des populations sont considérées, y compris les «moins sensibles» face aux enjeux de la retraite : les non-cadres, dont le taux de remplacement (montant de la retraite comparé à celui du dernier salaire) sera moins défavorable que celui des cadres, et les plus jeunes, plus éloignés de la retraite et, jusqu'ici, plus soucieux de pouvoir d'achat immédiat. Or, l'inquiétude travaille maintenant toutes les générations, si l'on en croit le baromètre Ipsos pour l'Union mutualiste retraite, qui révélait, en avril dernier, que 88 % des jeunes actifs de 25 à 35 ans se font du souci pour le montant de leur future retraite. Les trois quarts pensent qu'ils doivent commencer à épargner dès à présent pour disposer d'un niveau de vie suffisant une fois à la retraite. Et ce constat vaut en particulier pour les ouvriers (77 %).

Rôle de l'entreprise

« Après avoir souvent abordé l'enjeu des retraites par les outils d'épargne mis à disposition, et en fonction d'un certain nombre de priorités - la fermeture ou la restriction de régimes à prestations définies, le redimensionnement de régimes à cotisations définies, la question de la retraite des cadres -, les entreprises réfléchissent de plus en plus en termes de politique de retraite, en définissant le rôle qu'elles veulent jouer dans ce domaine », indique Benoît Meyer, responsable du pôle retraite du cabinet d'actuaires Adding.

Près de quatre ans après la réforme des retraites engagée par la loi Fillon, les entreprises ont pu prendre du recul. La totalité des grandes sociétés, mais aussi des grosses PME, ont désormais engagé une réflexion. Les postures sont assez faciles à définir : certaines, les plus rares, considèrent qu'elles n'ont pas de responsabilité en matière de retraite, d'autres veulent informer et mettre à disposition des outils d'épargne (ouverture d'un Perco, notamment), les dernières souhaitent aussi contribuer aux retraites de leurs salariés par une politique d'abondement sur le Perco ou la création d'un régime à cotisations définies (art. 83).

Association de régimes

« Dans les grandes entreprises, indique François Cheynet, responsable de l'activité retraite et avantages sociaux du cabinet Towers Perrin, le dispositif typique associe un Perco pour tous les salariés, un régime à cotisations définies (art. 83) pour les cadres, et un régime à prestations définies (art. 39) pour les cadres dirigeants. » Ces régimes collectifs obligatoires, dans lesquels l'employeur cotise pour partie ou en totalité (art. 39) sur un contrat d'assurance (lire aussi le tableau p.30), existaient bien avant la réforme de 2003 et ils peuvent, en effet, être restreints à une population donnée de l'entreprise.

Faible coût

L'intérêt «généraliste» du Perco, plan d'épargne retraite collectif, créé par les équipes de François Fillon, lui a permis de s'imposer largement dans le paysage de l'épargne salariale. « Il répondait à la demande des salariés, son ouverture ne coûtait pas cher à l'entreprise, car, dans de nombreux cas, l'abondement était faible, et il s'adressait à toutes les populations », poursuit François Cheynet. Sans compter les avantages fiscaux et sociaux du dispositif : pour l'employeur, des abondements défiscalisés et exonérés de charges sociales jusqu'à un montant confortable ; pour le salarié, pas d'imposition sur une sortie en capital (lire aussi le tableau p. 30).

La courbe de progression du Perco est, en effet, exponentielle depuis 2004 et s'est encore accélérée en 2006. L'Association française de gestion (AFG) signale, ainsi, qu'au 31 décembre dernier, plus de 37 000 entreprises en étaient équipées, soit 61 % de plus que l'année précédente.

Le rôle décisif de l'abondement

Mais, si 1 177 524 salariés sont potentiellement couverts, seuls un peu plus de 200 000, soit un sur six, y ont investi une partie de leur épargne. C'est dire que, dans la définition d'une politique de retraite, l'abondement est déterminant. Il est d'autant plus nécessaire que les sommes doivent rester investies jusqu'à la retraite, hormis quelques cas de déblocage, dont l'acquisition d'une résidence principale.

Ainsi, France Télécom a-t-elle renégocié, cette année, les règles d'abondement sur son Perco, ouvert en 2006, pour les rendre plus favorables aux petits salaires. L'accord prévoyant une négociation annuelle de ses modalités, la direction et les partenaires sociaux l'ont ainsi amélioré sur les premières tranches. L'abondement est, en effet, passé de 100 % sur les 300 premiers euros, puis de 50 % sur la tranche 300 à 600 euros, à 150 % sur les 200 premiers euros et à 120 % de 201 à 350 euros, et enfin à 20 % jusqu'à 700 euros. De sorte qu'un même abondement de 300 euros bénéficiera, désormais, à un versement de 200 euros contre 300 euros l'année dernière. Alors que la tranche de versement supérieure à 350 euros sera moins bien servie qu'auparavant.

Vers moins d'injustice

Pour certains des partenaires sociaux, les choix d'abondement peuvent d'ailleurs contribuer à réduire ce qu'ils considèrent comme l'injustice de ces dispositifs, plus favorables aux catégories ayant des capacités d'épargne importantes. Le Perco de France Télécom n'avait été, jusqu'ici, souscrit que par 20 % des salariés, mais il est vrai que la date de signature n'avait pas permis d'y verser la participation, abondable.

Chez Lilly France, notamment sur le site de Fergesheim, la direction cible en particulier les salariés de moins de 37 ans, sa moyenne d'âge, pour les inciter à préparer le plus tôt possible leur retraite. Le Perco signé en 2006 favorise d'ailleurs les petits versements (lire p. 32).

Chez Sanofi-Aventis, ce sont encore les règles de l'abondement, plutôt généreux, y compris pour le secteur pharmaceutique très en pointe sur le dossier des retraites, qui expliquent l'investissement de 19 000 salariés sur 25 000 dans le plan d'épargne retraite. Mais l'abondement du Perco n'est pas le seul outil favorisant l'épargne des salariés jeunes et non cadres. Un régime collectif obligatoire, type article 83, peut parfois y pourvoir. Moins souple pour l'employeur que l'épargne salariale, il est généralement réservé aux cadres.

Obligation de cotisation

La direction de Coca-Cola Entreprise a, par exemple, considéré qu'il lui revenait de contribuer, mais aussi de contraindre tous les salariés à cotiser pour leur retraite. Avec les partenaires sociaux, elle a choisi un régime à cotisations définies pour l'ensemble de l'effectif, issu de la transformation d'un régime à prestations définies (art. 39) pour les seuls cadres (lire Entreprise & Carrières n° 780). Même si les cotisations employeur et salarié sont différentes pour les cadres et les non-cadres. Par ailleurs, l'entreprise a lancé un Perco où, pour les trois premières années, de 2005 à 2007, les abondements sont dégressifs de 200 % pour 100 euros à 10 % sur 1 000 euros, sans compter un montant fixe de 198 euros par salarié.

Autre population désormais sensible aux dispositifs d'épargne retraite : les fonctionnaires et assimilés, dont la durée de cotisation et les règles de calcul des pensions ont été modifiées. La Caisse des dépôts réfléchit, par exemple, à la mise en oeuvre d'une épargne salariale retraite. Rendue accessible aux fonctionnaires par la loi de régulation des activités postales du 20 mai 2005, l'épargne salariale vient de faire son entrée à La Poste, qui a même, dès le départ, doublé la mise, ajoutant un Perco à son plan d'épargne groupe (PEG) pour les 300 000 postiers, dont 200 000 fonctionnaires. Même si, pour le coup, les cadres les mieux payés, population à fidéliser, seront susceptibles d'aller chercher les niveaux d'abondement maximaux (lire p. 34).

Des PME encore timides

Cet élargissement des dispositifs de retraite à des populations de plus en plus diversifiées reste bien sûr freiné par la timidité des PME. Mais la loi sur la participation et l'épargne salariale, signée en décembre dernier, devrait alimenter la négociation dans des entreprises de plus en plus nombreuses. Elle précise, notamment, que les accords de participation devront s'accompagner d'un PEE pour permettre d'y investir les primes générées, et que toute entreprise disposant d'un PEE depuis au moins cinq ans devra entamer une négociation sur un dispositif de retraite.

L'essentiel

1 Quatre ans après la réforme Fillon, les grandes entreprises veulent élaborer des politiques de retraites pour tous leurs salariés.

2 Après avoir souvent traité d'urgence la situation des cadres, plus affectés par la dégradation des régimes de retraite, elles élargissent le spectre, vers les Oetam et les plus jeunes.

3 Les Perco, ouverts à tous, sont souvent privilégiés, mais dans ce cas, les politiques d'abondement sont déterminantes pour les salariés ayant de faibles capacités d'épargne.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard