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Après un plan social, il faut accompagner les «survivants»

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 19.06.2007 | Gina de Rosa

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Après un plan social, il faut accompagner les «survivants»

Crédit photo Gina de Rosa

Suite à un plan social, ceux qui restent dans l'entreprise, «les survivants», développent souvent un mal-être et du stress qui peuvent nuire au redémarrage de l'activité. Les directions doivent agir pour remotiver les cadres et les Etam, les plus vulnérables dans ce contexte.

E & C : Vous avez démontré, dans votre ouvrage*, les conséquences humaines pour les salariés qui restent dans l'entreprise après un plan social, «les survivants». Que représentent-elles comme enjeux pour l'entreprise ?

Delphine Philip de Saint Julien : Tout dépend de ce que l'entreprise souhaite faire par la suite. Est-ce qu'elle veut garder ses salariés ? Garder leurs compétences ? Car l'entreprise doit pouvoir rebondir et survivre à la crise. C'est le premier enjeu. Le deuxième est que les salariés, qui ont subi un choc, aient toujours envie de travailler, de s'impliquer, de s'engager. Il y a donc, d'une part, un enjeu économique, d'autre part, un enjeu social, celui de redynamiser les salariés, de recréer un nouveau et meilleur climat social. Car, au moment de la restructuration ou de la délocalisation, il y a du stress, parfois des phénomènes d'épuisement psychologique et physique. Un autre enjeu est celui des compétences. Au moment du plan social, elles n'étaient sans doute plus en adéquation avec les besoins de l'entreprise. Il va donc falloir reformer les salariés, leur donner une nouvelle employabilité afin qu'ils restent.

E & C : Quels sont les comportements des salariés qui représentent un risque pour l'organisation ?

D. P. d. S. J. : Un trop grand stress et le mal-être des «survivants». Le risque pour l'entreprise est qu'ils ne soient plus du tout impliqués ni performants. Cela a des conséquences sur le chiffre d'affaires. Les recherches ont démontré qu'à court terme, le plan social peut avoir un effet bénéfique, mais, globalement, à long terme, il est plutôt négatif. Juste après le plan social, les ratios financiers sont améliorés, mais, ensuite, ils diminuent, voire la situation empire. C'est pour cette raison que certaines entreprises enchaînent les restructurations. Cela dépend, bien sûr, de la cause du plan social, si elle est structurelle ou conjoncturelle.

E & C : Comment les «survivants» manifestent-ils leurs sentiments d'injustice et d'insécurité, et comment peut y réagir l'entreprise ?

D. P. d. S. J. : Mes recherches ont toujours porté sur les cadres et les Etam. Ainsi, j'ai constaté que les cadres qui avaient déjà vécu un plan social vivent encore plus mal les suivants. Globalement, ce sont eux qui subissent le PSE de plein fouet, parce qu'ils sont les premiers relais entre la direction et les Etam. On a mesuré, en réaction, beaucoup de conduites addictives, des problèmes de santé, de dépression, etc. Et les cadres seniors se mettent en attente de mesures de préretraite ou de leur retraite. Cela veut dire qu'ils ne sont ni motivés, ni impliqués, ni résilients.

Cette baisse de motivation crée un phénomène en cascade. Comment faites-vous pour motiver une équipe si vous-même n'êtes pas motivé ? Pour que les personnes restent dans l'entreprise, la direction peut jouer sur différentes variables. Il faut à la fois augmenter l'implication des cadres et Etam et diminuer leur engagement au travail. En effet, suite à des restructurations, les «survivants» peuvent avoir tendance à faire du présentéisme. Les Etam et les cadres ne quittent plus leur bureau ou leur atelier. Ils veulent trop bien faire. Et, très rapidement, ils s'épuisent. La difficulté est qu'il faut diminuer leur stress mais les maintenir, malgré tout, sous la pression économique du quotidien. En revanche, pour les Etam, il faudra baisser cette pression. C'est ce qui ressort des réponses aux questionnaires que je leur ai fait parvenir au cours de mes recherches.

Pour que les cadres restent après un plan social, l'entreprise doit également diminuer leur sentiment d'injustice. Pour cela, l'attention portée aux règles et procédures du plan social, au-delà de l'application du droit du travail, c'est-à-dire liée à la «justice procédurale», est très importante. Il faut que les choses soient «bien faites». Par ailleurs, ceux qui partent doivent être correctement indemnisés, financièrement, mais aussi concernés par des actions de formation, des conventions de reclassement, etc. ; c'est ce qu'on appelle la «justice distributive». Dernier élément essentiel, la «justice interactionnelle» : les supérieurs hiérarchiques doivent apporter des explications claires sur les raisons du plan social, sur les mesures mises en oeuvre. Une direction peut donc jouer sur ces trois niveaux.

E & C : Pensez-vous que l'obligation de négocier une GPEC avant un PSE peut améliorer le sort des survivants ?

D. P. d. S. J. : La GPEC va permettre à ceux qui restent d'être davantage employables. La DRH, dans le cadre d'une GPEC, détermine quels sont ses besoins et ses ressources en termes de compétences et d'emplois. Elle devra mieux les anticiper, notamment en optimisant son plan de formation. Le salarié pourra y gagner, car si vous incitez les salariés à se former, à se qualifier, à obtenir éventuellement des diplômes, ils seront en meilleure adéquation avec l'avenir de leur entreprise. Néanmoins, nous n'avons pas encore assez de recul et d'historique sur ce sujet pour en mesurer les effets actuellement. La loi incite à faire un lien entre la GPEC et le plan social. Or, les entreprises n'ont pas encore bien mesuré les contraintes de ce lien ; dont l'absence pourra éventuellement ralentir la mise en oeuvre d'un plan social, voire l'atténuer.

* Cadre juridique et conséquences humaines d'un plan social (éd. L'Harmattan, mai 2007).

L'introuvable sécurité de l'emploi, P. Auer et B. Gazier, Flammarion, 2006.

La négociation, J. Rojot, Vuibert, 2006.

Le stress au travail, P. Légeron, Odile Jacob, 2003.

Delphine Philip de St Julien est maître de conférence en GRH. Elle est titulaire d'un DEA en gestion des ressources humaines et son doctorat, en 2002, a porté sur «Les survivants : vers une gestion différenciée des ressources humaines», qui a fait l'objet d'une publication en 2005 (éd. L'Harmattan).

Elle vient de publier, notamment, un article intitulé «Pour une approche stratégique des plans sociaux et de leurs survivants», dans la revue Humanisme et entreprise, n° 282, avril 2007.

Auteur

  • Gina de Rosa