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C'est quelqu'un qui m'a dit que... tu supprimerais les 35 heures !

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 22.01.2008 |

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C'est quelqu'un qui m'a dit que... tu supprimerais les 35 heures !

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C'était à tout le moins l'ambition affichée par le président de la République au cours de ses récents voeux à la presse, suivie par un vigoureux rétropédalage pour tenter de désamorcer les critiques de l'opposition lui reprochant la remise en cause d'un acquis social qualifié de majeur.

Cette annonce visait, en réalité, non pas à « supprimer » les 35 heures, ce qui n'a pas vraiment de sens, mais à aller plus loin dans les assouplissements, notamment en augmentant encore le nombre d'heures supplémentaires par une suppression pure et simple du contingent. Les partenaires sociaux ont donc été saisis de cette question, qui sera examinée fin mars en vue d'un projet de loi pour le printemps.

Il s'agirait donc de nourrir une fois encore le monstre qu'est devenue la législation sur le temps de travail en France. Faut-il véritablement apporter une nouvelle pierre à l'édifice construit par pas moins de 19 lois entre le 21 juin 1936 (loi sur les 40 heures) et le 22 août 2007 (loi Tepa) ? Le point d'orgue de la complexité a été atteint avec le régime d'exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires.

L'urgence n'est donc pas à l'ajout d'un nouvel assouplissement à ceux existants : la possibilité de fixer le contingent d'heures supplémentaires par accord de branche étendu ou par accord d'entreprise (2004), le relèvement du contingent «réglementaire», passé de 130 heures (2000) à 180 heures (2003) puis à 220 heures (2004), ou encore la mise en place du temps choisi (article 212-6-1 nouveau et 212-15-3 modifié du CT) ou la refonte du compte épargne temps (2005), etc.

Résultat, notre pratique quotidienne nous montre à quel point la réglementation de la durée du travail est ignorée par les entreprises, petites ou grandes. Combien de forfaits en jours prévus par des contrats de travail sans que la convention collective ne le permette ou pour des cadres qui ne bénéficient d'aucune autonomie, de dépassements d'horaires non rémunérés ou payés par des «primes», malgré le risque de poursuites pour travail dissimulé, d'heures de trajet non rémunérées, de jours «RTT» qui disparaissent des compteurs, de repos compensateurs non décomptés, d'horaires individualisés qui ne donnent pas lieu à un décompte quotidien et hebdomadaire, etc. ?

Le courage politique voudrait que l'on remette à la portée de tous les règles applicables à la durée du travail pour redonner un contenu à l'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » en rendant la réglementation accessible à tous. Ainsi, en particulier, le législateur devrait permettre aux nombreuses entreprises ne disposant pas de délégués syndicaux de négocier les mêmes aménagements (forfaits en jours des cadres, RTT sur l'année, contingent d'heures supplémentaires, heures complémentaires des temps partiels, etc.) que celles qui peuvent conclure des accords collectifs.

Plus grave encore, certains effets d'annonce sont en totale contradiction avec la réalité juridique. Que penser du « travailler plus pour gagner plus » lorsque l'on sait qu'il relève du seul pouvoir de direction de l'employeur de décider du nombre d'heures supplémentaires réalisées par un salarié ? Et que dire du fameux « rachat de RTT » alors que de nombreux jours de repos ne sont pas pris, sans pour autant donner lieu à leur contrepartie légale, à savoir le paiement d'heures supplémentaires ?

Souhaitons donc une réforme en profondeur... Sans improvisation.

Mohamed Oulkhouir est avocat au cabinet Eversheds, membre d'Avosial.