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Nouveau Code du travail : aux DRH de juger !

Les pratiques | publié le : 05.02.2008 |

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Nouveau Code du travail : aux DRH de juger !

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« C'est plus clair », affirme le ministère du Travail. « Non, c'est plus compliqué », rétorquent les praticiens. Réécrit à droit constant, le Code du travail adopte une nouvelle présentation qui bouleverse les habitudes. Voici les repères pour s'y retrouver.

Le 15 février 2005, le ministre chargé du travail, Gérard larcher, lançait officiellement la recodification du Code du travail. L'idée était de le rendre plus maniable pour ses utilisateurs. Le plan, la numérotation, les conventions d'écriture, la présentation des règles ont donc été modifiés.

Après trois ans de travaux, le nouveau Code, mené par les services du ministère, en concertation avec les partenaires sociaux, entrera en vigueur au mois de mai.

Table des correspondances

La numérotation des articles a changé. Elle s'ouvre désormais sur 4 chiffres (partie, livre, titre, chapitre). Cela parce que dans l'ancienne numérotation à 3 chiffres, toutes les combinaisons étaient prises. Grâce à leur élargissement, les dispositions nouvelles trouveront place. Ainsi, l'article L 321-1-1, (alinéa 1) devient L 1233-5. La conversion se fera grâce à une table qui paraîtra au Journal officiel en même temps que les décrets, fin février.

Mais, dès la mi-avril, sur le site Internet du ministère du Travail, deux outils, d'accès immédiat et gratuit, seront disponibles. «Codacode»est un logiciel qui traduira la correspondance. En pièce jointe, il fera figurer l'article rédigé. «Codité» est un répertoire rangé par dispositions qui fonctionnera par mots clés ; si l'on tape, par exemple : «transfert», l'article L 122-12, (alinéa 2) s'affichera.

Symbolique

L'ancien Code commençait par le contrat d'apprentissage, celui d'aujourd'hui s'ouvre sur les discriminations. Cela ne change pas la portée normative du texte. Seulement, désormais, avant d'entrer dans le vif du sujet, le Code rappelle les principes fondamentaux des libertés individuelles et collectives.

Complexités inutiles écartées

Les articles trop longs ont été réécrits. Ainsi, le L 227-1, relatif au compte épargne-temps, comptait 70 lignes et comportait 26 renvois. Il est devenu un titre à part entière, scindé en «objet et mise en place» ; «constitution des droits» ; «utilisation, gestion et liquidation», le tout rangé en partie III. Résultat : une douzaine de renvois seulement. La lisibilité y gagne.

Terminologie

Les conventions d'écriture ont été modernisées. Ainsi, on ne parlera plus de délai-congé mais de préavis. A remarquer, le terme d'employeur, parce qu'il correspond au choix rédactionnel des directives européennes, a été substitué à ceux de chef d'entreprise, chef d'établissement, entrepreneur. Si les chefs d'établissement, dans les entreprises à établissements multiples, pourraient se sentir dégagés de certaines anciennes responsabilités, comme celle du respect de la santé et de la sécurité, attention, la nouvelle terminologie ne remet pas pour autant en cause la responsabilité déléguée par l'employeur.

Migrations vers d'autres codes

Réglementées par d'autres codes, certaines professions, en ce qui concerne leurs dispositions particulières spécifiques, les rejoignent. Il s'agit des assistants-maternels (Code de l'action sociale et des familles), des salariés agricoles (Code rural), des marins et transporteurs (futur Code des transports), des mineurs (Code des mines), du personnel des industries électriques et gazières (futur Code de l'énergie), des fonctionnaires (futur Code de la fonction publique). Les dispositions particulières concernant des professions spécifiques (artistes spectacle, employées de maison, enfant mannequin, journaliste, VRP), qui ne possèdent pas de code en propre, restent dans le Code du travail, partie VII.

Déclassements

Les travaux ont donné lieu à environ 500 opérations de reclassement de la loi au règlement. Ainsi, les mentions chiffrées : montants, niveaux et pourcentages régulièrement révisés sauf si leur détermination représente une garantie pour le salarié ou s'inscrit de façon pérenne dans le Code du travail. Exemple : la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle a été maintenue dans la partie législative, mais ses modalités de versement à différentes dates ont été renvoyées au décret. L'expérience montrera si, comme le craignent les partenaires sociaux, un décret, qui nécessite la consultation du Conseil d'Etat, est plus facile à changer qu'une loi.

Des avocats et des procureurs assez critiques

Les spécialistes auraient voulu un Code du travail repensé plutôt que réécrit. Mais les craintes d'une socialisation du droit du travail pour les uns et d'une révision à la baisse des droits des salariés pour les autres font obstacle.

Bernard Teyssié

Responsable du master 2 droit et pratique des relations de travail de Paris-2 Panthéon-Assas et directeur scientifique de La Semaine juridique-social.

« Ce nouveau Code ne répond guère à l'objectif de simplification, car sa structure et son organisation interne ont été substantiellement compliquées par l'introduction d'un nombre considérable de subdivisions internes. S'il est permis d'y voir une oeuvre intellectuelle de grande qualité, elle relève plus d'une vision doctrinale du droit que de considérations pratiques. Son plan, à quelques améliorations près, pourrait être celui d'un traité du droit du travail à l'intérieur duquel a été intégrée la législation en vigueur. Du point de vue pratique, les utilisateurs vont devoir s'interroger systématiquement sur la portée des textes découpés, déplacés, parfois au moins partiellement réécrits. Les gains d'accessibilité et d'intelligibilité risquent d'être faibles. Il est certain que l'insécurité juridique va s'accroître. Il faudra attendre pour savoir si les dispositions de l'ancien Code transfusées dans le nouveau sont toujours interprétées de la même manière par la Cour de cassation. Des évolutions ne sont pas à exclure en raison : 1) des modifications qui, dans le cadre de la recodification, sont apportées aux dispositions légales ; 2) de leur insertion dans des titres ou chapitres nouveaux. Le contexte pèse souvent sur l'interprétation du texte. »

Claude-Emmanuel Triomphe

Cofondateur de l'association Travail-Emploi-Europe-Santé, ancien inspecteur du travail.

« Les choses sont un peu plus organisées, c'est tout. Il n'y a pas, à proprement parler, de recodification puisqu'il n'y a pas réécriture. Pour cela, il aurait fallu prendre son temps et rediscuter des principes fondamentaux du droit du travail, car, sur beaucoup de points, celui-ci est décalé de la réalité. Le Code du travail a pour faiblesse de ne pas être pensé autour de principes fondateurs, mais autour d'un classement thématique des dispositions légales. En cela, il mérite d'être révisé. »

Stéphane Béal

Président de la commission juridique de l'ANDRH, avocat au cabinet Fidal.

« A partir du moment où il y a réécriture, il y a risque d'interprétation nouvelle du Code, notamment par les prud'hommes. Cela est source d'erreurs pour les praticiens et signifie un flot supplémentaire de contentieux. Je pense qu'on ne peut pas parler d'opération à droit constant, car la déclassification de toute une partie législative en décrets introduit un risque de modification plus grand aujourd'hui

pour les parties concernées. »

Philippe Masson

Responsable du collectif Droits, libertés, actions juridiques de la CGT.

« Au début du processus, il n'y a eu aucun débat avec les partenaires sociaux sur la finalité de l'opération. Des questions essentielles ont été éludées : d'où vient la complexité du droit social ? Comment est-il appliqué et quels sont les obstacles éventuels à la mise en oeuvre de certaines dispositions ? Quel bénéfice peut-on attendre d'une modification à droit constant touchant uniquement la présentation et la rédaction du Code du travail ? La concertation a été insuffisante. La commission de travail des partenaires sociaux s'est réunie une vingtaine de fois. Les experts lui ont soumis les textes préparés par l'administration, ils ont noté ses remarques et les ont retenues ou pas, selon leur bon désir. »

Vanessa Cailly

Juriste CFDT.

« Le résultat est probant. Le Code est devenu plus lisible. Mais nous regrettons l'abandon de l'impératif pour l'indicatif, moins fort dans les esprits. Nous avons été écoutés en commission de travail des partenaires sociaux. Ainsi, concernant le plan, la durée du travail, qui figurait dans la partie «relation individuelle», a été classée, après nos remarques, dans la partie durée du «travail/salaire». De même, nous avons pu limiter la redistribution de parties législatives en parties réglementaires. »

PROPOS RECUEILLIS PAR P. S.

L'essentiel

1 Le nouveau Code du travail s'appliquera le 1er mai 2008. De 1 891 articles législatifs, il passe à 3 652. Mais, plus courts, ils se laissent approprier plus facilement. Chacun peut déjà en juger en consultant la partie législative, validée par le Conseil constitutionnel.

2 Sur le fond, rien ne change, mais un gros effort d'adaptation est demandé aux praticiens, il va falloir jouer avec les tables de correspondances. Le ministère du Travail est confiant, les partenaires sociaux, méfiants.

3 La pratique permettra de voir si le risque d'une période de flottement, qui va naturellement accompagner les premières mises en oeuvre, est compensé par les améliorations de lisibilité promises.

Des classements différents

Contrat. La clé de lecture est, désormais, la finalité du contrat. Est-ce un contrat de droit commun classique ? Une disposition en faveur de l'emploi ? De la formation ? Ainsi, les contrats aidés, en tant que modalité ayant pour finalité l'emploi, se retrouvent dans la partie Emploi (partie V). L'apprentissage, suivant la même logique, dans la partie VI, celle dévolue à la formation professionnelle.

Durée du travail. Du livre II «conditions du travail», elle permute en partie III «durée/salaire». Les auteurs du nouveau Code ont voulu d'abord bien poser les outils de la contractualisation en partie I et II. Et seulement en partie III, les matières sur lesquelles employeur et salarié contractualisent. De plus, la durée du travail est devenue un sujet à part entière, car elle aurait aujourd'hui un caractère hybride. En effet, la loi, les conventions collectives et le contrat de travail la déterminent. Néanmoins, cette réorganisation suscite la critique, car sa présentation est jugée éclatée. D'un côté, ce qui concerne la mensualisation de la rémunération, et, de l'autre, les jours fériés, les indemnités de départ en retraite, les indemnisations maladie. Ce sont les dispositions de la loi de 1978 qui ont été nouvellement codifiées, elles ont été rangées sous des intitulés spécifiques intuitifs. Ainsi, l'indemnité complémentaire en cas de maladie est à chercher sous le thème de la maladie (partie III).

GPEC. Elle a divorcé de l'emploi, qui, en partie V, est conduit par la logique des dispositions relatives à des aides de l'Etat en sa faveur. Or, la GPEC est une disposition qui ressort de la négociation collective, elle rejoint donc la partie II, celle des «relations collectives de travail». De plus, conçue pour éviter, à long terme, les PSE (plans de sauvegarde de l'emploi), dont les dispositions se retrouvent dans les relations individuelles de travail, la GPEC a été détachée du licenciement.

Santé et sécurité. La nouvelle rédaction fait apparaître plus clairement la responsabilité des uns et des autres puisqu'elle fait figurer dans des intitulés distincts les obligations de l'employeur et celles du salarié. Dans les faits, l'interprétation de la chambre criminelle de la Cour de cassation a toujours réduit la portée de la responsabilité salariale, mais n'a jamais nié qu'elle existait.