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Enquête

Les enjeux de la réforme

Enquête | publié le : 01.04.2008 |

Depuis le 24 janvier, les partenaires sociaux négocient une réforme de la représentativité des organisations syndicales. Entreprise & Carrières a demandé à des observateurs du syndicalisme d'éclairer les enjeux de cette négociation.

Chaque jeudi, depuis fin janvier, les délégations de la CGT, de la CFDT, de FO, de la CFE-CGC et de la CFTC, ainsi que la délégation patronale, représentant le Medef, la CGPME et l'UPA, se réunissent au siège du Medef pour tenter de trouver un accord sur les règles de représentativité des syndicats. Ils négocient à la demande du gouvernement, qui leur avait donné jusqu'au 31 mars pour aboutir. Les partenaires sociaux ont prévu deux séances supplémentaires, les 9 et 10 avril. Une loi pourrait être votée dès ce printemps.

Entreprise & Carrières a demandé à sept experts du syndicalisme, de sensibilités différentes, d'éclairer les enjeux de cette négociation. Il s'agit de Gérard Adam, conseiller de la rédaction d'Actualité, la revue de l'UIMM ; d'Annette Jobert, sociologue au CNRS ; de Dominique Labbé, professeur à l'IEP de Grenoble ; d'Hubert Landier, directeur de la Lettre du management social ; de Jean-Marie Pernot, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires) ; de Jean-Dominique Simonpoli, directeur de l'association Dialogues, et de Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail (IST). Leur point de vue est complété par celui d'un opérationnel : Marc Veyron, DRH de Champion.

Avantages et sacrifices

Les experts s'accordent sur le fait que les syndicats souffrent d'un déficit de légitimité à représenter les salariés, alors même qu'ils négocient en leur nom. Ce hiatus pose problème dès lors que les accords qu'ils négocient ne débouchent plus seulement sur des avantages pour les salariés, mais aussi sur des sacrifices, soulignent Annette Jobert et Dominique Labbé. Il est également un frein au développement de la négociation collective, estiment Gérard Adam et Jean-Marie Pernot. A l'arrivée, tous estiment qu'il faut en finir avec la présomption irréfragable de représentativité, réservée, depuis 1966, aux cinq confédérations, et qui leur donne, notamment, le droit incontestable de négocier des accords. Mais, par quoi la remplacer ? Là, les avis des experts divergent parce qu'ils ne sont pas d'accord sur ce qui fonde la légitimité d'un syndicat.

Critères de représentativité

Pour Dominique Labbé, Bernard Vivier et Gérard Adam, cette légitimité repose sur le nombre d'adhérents. Pour Annette Jobert, Jean-Marie Pernot, Hubert Landier et Jean-Dominique Simonpoli, en revanche, l'audience d'un syndicat, mesurée par une élection, est un bon critère de représentativité. Parmi les défenseurs de l'élection de représentativité, on trouve également Jean-Paul Jacquier, animateur du site clesdusocial.com et auteur de L'introuvable dialogue social (Presses universitaires de Rennes, 2008). Hubert Landier rappelle cependant qu'un syndicat a aussi besoin d'une « capacité d'action », qui dépend du nombre d'adhérents.

Pour les tenants d'un syndicalisme d'adhésion, la finalité d'une réforme de la représentativité est la resyndicalisation des salariés et l'évolution de la culture des syndicats vers plus de responsabilité et de proximité avec les salariés. La perspective est le moyen et long termes. Cela suppose, selon Dominique Labbé, qu'il soit mis fin à un financement externe des syndicats leur permettant de fonctionner pratiquement sans adhérents. Bernard Vivier met l'accent sur la reconnaissance des compétences acquises au cours des mandats syndicaux comme moyen de renouveler les appareils, et sur les contreparties à l'adhésion.

Syndicalisme d'adhésion ou d'audience

Dans les négociations en cours, le syndicalisme d'adhésion est défendu par la CFE-CGC, la CFTC et, dans une moindre mesure, par FO. Il sert aussi d'argument à une partie du patronat, principalement à l'UIMM.

Les tenants d'un syndicalisme d'audience proposent de remplacer la présomption irréfragable de représentativité par une présomption simple, fondée sur l'audience, elle-même mesurée à intervalles réguliers par une élection. A partir d'un certain seuil d'audience, les syndicats accèdent à des droits, dont celui de négocier des accords. Entre eux, les débats portent sur l'élection à retenir (nationale, de branche ou d'entreprise ; à un ou deux tours), sur le niveau du seuil d'audience déclenchant la représentativité (un seuil élevé exclut des syndicats ; un seuil bas crée un risque d'émiettement), sur les conditions de validité des accords (droit d'opposition ou majorité d'engagement) et sur la valeur juridique d'un accord (peut-il être opposable à des normes de niveau supérieur, y compris à la loi ?). Annette Jobert, Jean-Marie Pernot, Jean-Dominique Simonpoli et Hubert Landier sont tous d'accord pour que le seuil d'audience donnant droit à la représentativité soit suffisamment élevé pour favoriser des alliances entre syndicats, pour qu'on passe à la majorité d'engagement, soit immédiatement, soit après une période transitoire, et pour que la branche et la loi conservent leur rôle régulateur. La perspective est le moyen terme : un cycle électoral, soit quatre ans.

Thèse de l'audience

La thèse de l'audience est défendue par la CGT, la CFDT, et la partie du patronat la plus favorable à une évolution des règles en vigueur. Elle semble aussi avoir les faveurs du gouvernement. Dans la négociation en cours, c'est elle qui tient la corde. Cela ne veut pas dire qu'elle s'imposera, la signature d'un accord n'étant absolument pas acquise.

L'essentiel

1 La représentativité des syndicats est promise à une réforme que les partenaires sociaux négocient en ce moment.

2 Entreprise & Carrières a interrogé huit spécialistes des questions syndicales sur les enjeux de cette réforme.