Après la lame de fond soixante-huitarde, les sociologues avaient parié sur la réduction des inégalités entre les classes. Les sociologues, mais aussi, apparemment, les syndicats, puisque cet objectif semble avoir représenté l'essentiel du compromis implicite entre les travailleurs et leurs patrons pendant les trente glorieuses : les premiers renonçant au renversement du capitalisme contre des espèces sonnantes et trébuchantes leur donnant accès aux attributs de la classe moyenne.

Les revendications syndicales, pendant une bonne trentaine d'années, ont d'ailleurs consisté à réclamer «les sous» qui permettaient d'être membre actif de la société de consommation. Paradoxalement, les historiens futurs de cette société retiendront, sans doute, comme l'une des caractéristiques du début du XXI^e siècle, le retournement de la tendance à la réduction de ces inégalités amorcée après-guerre. Cette inflexion est le résultat de la mise en oeuvre des politiques néolibérales qui se sont succédé et amplifiées depuis les années 1970. Elles ont clairement mis fin au cadre socio-institutionnel de la croissance économique que nous avons connu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, tous deux sociologues, montrent l'intérêt d'une approche systémique des inégalités entre catégories sociales. Celle-ci se révèle particulièrement pertinente lorsque les inégalités sont interdépendantes, cumulatives et tendent à se reproduire. Ce qui est le cas dans une société de classes.

Alain Bihr est professeur de sociologie à l'université de Franche-Comté, à Besançon.

Roland Pfefferkorn est professeur de sociologie à l'université Marc-Bloch, à Strasbourg.