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La «responsabilité sociale» d'Unilever à l'épreuve

Enquête | publié le : 15.04.2008 |

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La «responsabilité sociale» d'Unilever à l'épreuve

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En annonçant 254 suppressions de poste dans son usine Miko-Cogesal de Saint-Dizier (Haute-Marne), Unilever a déclenché une forte mobilisation. Les syndicats ont obtenu des aménagements substantiels, mais continuent de dénoncer l'absence de véritables interlocuteurs.

A l'usine Miko-Cogesal de Saint-Dizier (Haute-Marne), les salariés étaient sur le pied de guerre depuis le 13 novembre, tout comme les élus locaux d'une ville dont le glacier fait partie du patrimoine industriel historique. L'annonce de 254 suppressions d'emploi sur un effectif de 493 personnes a, ainsi, suscité une forte mobilisation régionale. C'est essentiellement ce combat qui a permis l'aboutissement des négociations, le 8 avril dernier, avec des positions largement assouplies par la direction de l'usine et du groupe anglo-hollandais.

En attendant, la méthode employée au départ et l'absence de concertation préalable ont déclenché une bataille juridique et lancé un débat sur le processus de négociation au niveau européen. « En quatre mois, 25 réunions ont permis des avancées notables », indique pourtant la direction du groupe en France. Ce n'est pas l'avis d'Hervé Mazelin, délégué CGT de Miko : « Du 13 novembre au 25 février, aucune réunion n'a permis d'avancer. Ce n'est qu'à partir de ce comité d'entreprise mémorable, qui a duré trois jours, que le conflit est entré dans une phase décisive. »

Quinze jours de «drôle de guerre»

A cette date, les pressions exercées pour obtenir l'accord sur le plan social sont telles que les syndicats menacent de porter plainte pour extorsion de signature. S'engagent alors quinze jours d'une «drôle de guerre» durant laquelle les salariés amplifient la grève, engagent des recours juridiques, notamment pour faire plier Miko, qui menace de ne pas payer les salaires des non-grévistes (lire Entreprise & Carrières n°894), et multiplient les opérations médiatiques - telles des quêtes de soutien dans les grandes surfaces et devant la mairie.

Repli stratégique

Le protocole d'accord témoigne d'un repli stratégique de la direction. Aux 254 suppressions de poste initialement prévues se substituent 180 licenciements, 30 postes étant maintenus et 44 autres transformés en temps partiel. Vingt personnes bénéficieront d'une mesure de départ volontaire avantageuse : plafonnée à 90 000 euros, la prime de préjudice des travailleurs licenciés se monte à un mois de salaire, toutes primes confondues, par année travaillée. Dix personnes ont accepté une mutation dans le groupe, sur 35 postes offerts. Une entreprise de logistique doit reprendre une partie du site Cogesal-Miko, pour 60 embauches d'anciens «Miko». Environ 80 personnes pourraient rester sans solution, mais les syndicats se réjouissent, d'ores et déjà, d'une belle victoire.

« Sur le plan national, le conflit de Miko fera date. Nous avons été soutenus par l'ensemble des sites français d'Unilever et établi des liens avec des dizaines d'autres usines en lutte. Mais il est trop tôt pour évaluer les répercussions dans les autres unités européennes d'Unilever : les salariés n'y bénéficient pas des mêmes protections juridiques que les travailleurs français », estime Hervé Mazelin.

Unilever, qui prévoit 10 000 à 12 000 suppressions de poste en Europe, au cours des prochaines années, doit s'attendre à d'autres résistances. « Nous pouvons accepter des restructurations pour raisons économiques lorsqu'une GPEC élaborée sur le long terme permet d'éviter des coupes sombres dans les effectifs. Mais nous n'avaliserons jamais un plan social consistant à casser de l'emploi dans un site viable et même rentable : Miko a dégagé, l'an dernier, 11 millions d'euros de bénéfices ! », rappelle Gérard Cazorla, délégué CGT, représentant de la France au comité d'entreprise européen d'Unilever et secrétaire du comité d'entreprise de Lipton à Gémenos (13).

Représentativité

Le conflit a également soulevé la question du fonctionnement des mécanismes de représentativité. Estimant avoir été privés de leur droit au dialogue par la nomination, peu avant l'annonce du plan social, d'un dirigeant venu appliquer les consignes de la direction européenne d'Unilever, les salariés de Miko se sont rendus au Parlement européen de Strasbourg pour exiger une refonte du droit des comités d'entreprise. « Nous voulons pouvoir discuter avec l'échelon décisionnaire réel », précise Ralph Blindauer, avocat du comité d'entreprise.

Miko-Cogesal

• Secteur : agroalimentaire.

• Effectifs : 496 salariés.

• Chiffre d'affaires 2007 : 120 millions d'euros.