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RESTRUCTURATIONS

Enquête | publié le : 15.04.2008 |

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RESTRUCTURATIONS

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De Mittal à Miko, en passant par Kléber et Ford, ou encore Nokia en Allemagne, l'emploi industriel européen est victime d'une vague de restructurations importante. Retour sur ces dossiers, la plupart très conflictuels, faute d'une capacité - ou d'une volonté - d'anticipation de la part des entreprises.

Arcelor Mittal, Ford, Miko, Salomon, Kleber-Michelin en France, Nokia en Allemagne... : les restructurations industrielles dans des entreprises multinationales font la une de l'actualité sociale européenne depuis plusieurs mois. Accélération des effets de la mondialisation ou processus d'adaptation permanent ? En tout état de cause, la France a perdu un demi-million d'emplois industriels depuis cinq ans, dont 50 000 en 2007. L'avalanche des annonces de suppressions d'emploi a relancé les débats sur la désindustrialisation, et sur la capacité des différents acteurs - partenaires sociaux et pouvoirs publics nationaux ou locaux - à les anticiper et à en atténuer les effets.

« Un pays qui n'a plus d'usines est un pays qui n'a plus d'économie », affirmait Nicolas Sarkozy, le 4 février dernier, devant les sidérurgistes de Mittal à Gandrange. Mais sa promesse de maintenir l'activité d'aciérie sur le site n'a pas été tenue, Mittal annonçant la fermeture partielle et la suppression des 575 emplois de l'aciérie, le 2 avril dernier. Tout au plus, le géant de la sidérurgie accepterait-il d'investir sur le site de Florange, à proximité.

Réaffirmation du rôle de l'Etat

De la même façon, la reprise en main au ministère de l'Economie, par les services de Christine Lagarde, du dossier Ford Blanquefort (33), ne semble pas, pour l'instant, accélérer l'émergence de solutions pour ce site girondin qui sera totalement privé de commandes à partir d'avril 2010.

Le fonds national de réindustrialisation, annoncé par le président à la veille des élections municipales, traduit la volonté du gouvernement de réaffirmer le rôle de l'Etat dans la gestion des restructurations et de la revitalisation des territoires, alors que la mission interministérielle sur les mutations économiques, créée par Jean-Pierre Raffarin, en 2003, pas plus que les contrats de site, n'avaient pu faire preuve de leur efficacité.

Une affaire d'entreprise

Les grandes fermetures de site actuelles semblent, en tout cas, accréditer l'idée qu'une restructuration, malgré ses effets sur le territoire, reste avant tout une affaire d'entreprise. Leur autre point commun paraît être l'impréparation sur le plan social, l'amélioration des conditions d'arrêt de production n'étant obtenue que par une mobilisation intense après l'annonce de la décision.

A Gandrange, comme à Bochum, en Allemagne, chez Nokia, à Bruxelles chez Volkswagen ou à Saint-Dizier (Miko-Unilever), sans préjuger des résultats du traitement à chaud de ces dossiers et des efforts déployés pour reclasser et reconvertir, en aval des décisions d'arrêt de production, celles-ci semblent avoir été peu anticipées ou, en tout cas, communiquées tardivement aux représentants des salariés et aux pouvoirs publics.

« Dans une majorité de pays européens, les pratiques les mieux développées concernent l'indemnisation des salariés et les procédures de retrait du marché du travail (préretraites, invalidité...), constate Claude-Emmanuel Triomphe, responsable international d'Astrées (issue de l'Université européenne du travail et de Développement & Emploi). Les reclassements, les redémarrages et créations de nouvelles activités sont plus marginaux. L'obligation légale de revitalisation est une spécificité française. » Mais souvent considérée comme une sanction financière, elle ne garantit pas une réflexion en amont.

Information défaillante

Pour les multinationales européennes, l'information des salariés à un niveau transnational est encore très défaillante. Une étude de l'université de Manchester, auprès de plus de 400 élus de comités d'entreprise européens (CEE) dans 24 pays, indique que seulement un CEE sur quatre est informé par la direction centrale et consulté à temps avant la décision, des informations sur les restructurations n'atteignant le CEE que trop tard ou pas du tout. Les salariés de Miko (lire p.25), en lutte depuis novembre dernier contre leur maison mère Unilever, qui prévoyait l'arrêt de plusieurs lignes dans une usine bénéficiaire, sont, ainsi, allés exiger au Parlement européen de Strasbourg la révision de la directive de 1994 sur les CEE. La Commission, elle, fait, en tout cas, un lien étroit entre les restructurations et cette révision.

Négociation transnationale

Certaines entreprises n'ont pas attendu pour conforter la capacité des acteurs à anticiper et à négocier au niveau transnational : Schneider a, ainsi, signé avec la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) un accord européen sur l'anticipation des changements, qui ressemble à une forme de GPEC européenne. Il assure au CEE une information annuelle sur les évolutions de l'activité en Europe et s'engage sur une politique d'anticipation et de formation. Danone, en 2001, ou Total, en 2004, ont négocié des accords visant à limiter les conséquences des restructurations.

Le constructeur automobile américain GM a fait de même en Europe à de multiples reprises, par exemple, autour du projet d'intégration de Fiat, finalement avorté, puis pour la fermeture de son usine anglaise de Luton. Parmi les principes mis en avant : la volonté d'éviter des fermetures de site en partageant les charges entre usines. Les syndicats du groupe ont, de leur côté, signé une «promesse de solidarité européenne» en 2005, laquelle les a, par exemple, amenés, en août 2006, à convenir qu'aucun site n'accepterait la construction du nouveau modèle Astra et qu'aucune négociation nationale ne serait menée avec la direction, de sorte que le CEE en conserve la prérogative.

Une telle stratégie n'a pas évité la fermeture du site portugais d'Azambuja, qui a cessé sa production en décembre 2006. Le CEE de GM a néanmoins obtenu un accord sur des compensations exceptionnelles.

L'essentiel

1 La multiplication des annonces de fermeture de sites industriels interroge une nouvelle fois sur les moyens de prévenir la «casse sociale» en Europe.

2 Kléber, Mittal, Miko, Ford, Nokia Bochum, VW Bruxelles... : dans la plupart des cas, les compensations accordées, voire la poursuite de l'activité, doivent plus à la mobilisation qu'à une réflexion menée en amont.

3 Dans ces dossiers transnationaux, les partenaires sociaux réclament des procédures d'information-consultation plus transparentes et un rôle accru du CE européen.

Schneider esquisse une GPEC européenne

- Schneider Electric a signé, le 6 mars dernier, un accord de groupe sur la GPEC, avec les six syndicats présents. S'il vise à donner aux 20 000 collaborateurs français une meilleure visibilité de la stratégie du groupe et de ses conséquences, ainsi qu'à faciliter leur adaptation, il avait été précédé d'un accord européen sur l'anticipation des changements et le développement du dialogue social, signé le 12 juillet dernier avec la FEM (Fédération européenne des métallurgistes).

- Par cet accord-cadre, négocié avec le bureau du CEE et des membres de la FEM, le groupe s'engage à promouvoir « une pratique active du dialogue social sur les évolutions d'organisation nécessaires » et à multiplier les outils d'adaptation « tels que plans de compétences, entretiens de compétences [...], développement de politiques de formation adéquates ». Il institue aussi une information annuelle du CEE sur la stratégie du groupe, son éventuel impact sur l'évolution des besoins en compétences et sur les évolutions de marché pouvant avoir un impact sur l'activité.

- « Au niveau européen, il s'agit d'une initiative assez nouvelle en l'absence de législation très précise sur le sujet, explique Isabelle Barthès, senior policy adviser de la FEM. L'enjeu de l'anticipation est au coeur de la réflexion européenne. »