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Adecco-Adia veut développer une offre de main-d'oeuvre étrangère

Enquête | publié le : 13.05.2008 |

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Adecco-Adia veut développer une offre de main-d'oeuvre étrangère

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Les entreprises de travail temporaire peuvent, désormais, faire venir des salariés de l'étranger. Elles cherchent donc à organiser des filières de recrutement pour les secteurs en manque de main-d'oeuvre.

S'il est une branche satisfaite de la loi du 20 novembre 2007 sur la maîtrise de l'immigration, c'est bien celle de l'intérim ! Auparavant, l'article L.341-3 du Code du travail interdisait de faire entrer un salarié en France sur la base d'un contrat de travail temporaire. A la demande du Prisme, la fédération patronale du secteur, la loi a supprimé les deux alinéas responsables de cette restriction.

Depuis, les entreprises de travail temporaire (ETT) commencent à s'organiser, avec pour objectif de devenir les grands pourvoyeurs de main-d'oeuvre légale en provenance de l'étranger. « Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine, car les entreprises s'appuient sur notre expertise dans la gestion des process de migration et sur notre capacité à détecter des talents dans d'autres pays », explique Tristan d'Avezac de Moran, en charge des affaires institutionnelles du groupe Adecco au niveau mondial. Il faut dire que l'enjeu est de taille : Adecco affirme ne pas réussir à répondre à 25 % des demandes de ses clients, faute de main-d'oeuvre disponible.

Une circulaire bienvenue

Depuis 2005, le groupe prospecte dans différents pays à la recherche de chaudronniers, de soudeurs, d'ascensoristes, etc. La circulaire du 20 décembre 2007 relative aux autorisations de travail pour les ressortissants des nouveaux Etats membres lui facilite les choses, en dressant la liste de 150 métiers auxquels la situation de l'emploi en France ne peut pas être opposable.

Mais, au goût des ETT, l'obtention des cartes de séjour salariés prend encore trop de temps. « Trois à cinq semaines sont actuellement nécessaires pour obtenir la validation de l'ambassade en Pologne. En tout, il faut compter cinq à huit semaines pour finaliser un dossier de recrutement dans un nouveau pays de l'Union européenne », regrette Jean-Etienne Souciet, directeur de la communication France d'Adia (groupe Adecco).

Un long processus de recrutement

Cela n'empêche pas la société de mettre en place de véritables filières de recrutement à l'étranger. En fonction de la demande des clients, elle recrute des équipes de deux à dix personnes environ, via son réseau d'agences ou par le biais de prestataires locaux ou, tout simplement, grâce à des offres d'emploi classiques. La sélection n'est que la première phase d'un long processus pour l'ETT, qui se charge de tout : des dossiers administratifs à la présentation à l'employeur, en passant par le logement, la visite médicale, l'ouverture d'un compte en banque, etc.

Adia a ainsi fait venir en France environ 200 travailleurs portugais en 2007 pour des missions d'intérim de plusieurs mois, à la demande de grandes entreprises du BTP (lire p. 27) ou de l'agroalimentaire. Et ce n'est qu'un début ! Des travailleurs polonais devraient arriver en France par ce biais courant 2008, probablement suivis par des salariés venant de Roumanie et de Hongrie. L'objectif : attirer la main-d'oeuvre par des rémunérations élevées et une certaine qualité de vie : « Il n'y a aucun risque de dumping social. Les salaires sont équivalents à ceux des salariés de nos clients », assure Mickaël Voirin, responsable grands comptes BTP chez Adia.

La branche du travail temporaire affirme même avoir un rôle à jouer dans la lutte contre le travail illégal : « Plutôt que de faire appel à des sous-traitants qui emploient des salariés dans des conditions invérifiables, nos clients préfèrent faire appel aux ETT, qui recrutent dans des conditions transparentes », analyse François Roux, délégué général du Prisme. Mais, bien sûr, une telle démarche a un coût pour les entreprises utilisatrices, ce qui explique que seules les plus grandes s'y risquent pour le moment.

Le filon européen risquant de s'épuiser - la Pologne souffre, par exemple, elle aussi, de pénuries sur certains métiers -, Adecco France réfléchit, actuellement, à la façon dont elle pourrait profiter de sa présence dans 62 pays pour faire venir de la main-d'oeuvre hors Union européenne (comme elle le fait déjà en Espagne). Mais les contraintes administratives concernant l'immigration de pays tiers freinent, pour le moment, cette évolution.

Fiasco chez Samro

L'expérience aura été de courte durée : le 1er octobre 2007, dix salariés polonais étaient recrutés sur le site de Nantes de Samro, un constructeur de remorques et semi-remorques de 770 salariés répartis dans 25 sociétés en Europe.

Confrontée, dans son bassin d'emploi, à des difficultés de recrutement dans la soudure, la carrosserie et la mécanique, l'entreprise avait choisi de recourir à une société d'intérim irlandaise, Atlanco. Après quatre départs au cours des trois premiers mois pour « convenance personnelle », les six salariés polonais restants se mettent en grève les 6 et 7 mars derniers : soutenus par la CGT, unique syndicat du site, ils réclament l'application de la convention collective de la métallurgie et les accords d'entreprise dont bénéficient les salariés français - primes, indemnités de grand déplacement, indemnités repas. « Leurs bulletins de paie ne reprenaient pas la totalité de leurs droits ni les heures de travail normalement effectuées », souligne Gildas Leparoux, délégué syndical CGT.

Rentrés dans leur pays pour les fêtes de Pâques, les six salariés polonais n'ont jamais remis les pieds sur le site. Un recours devant les prud'hommes est actuellement en cours d'élaboration. « En travaillant avec la société Atlanco, l'entreprise a fait le choix d'abaisser au maximum le coût du travail », souligne Gildas Leparoux, qui avance un coût de l'heure divisé par deux par rapport au coût classique du recours à l'intérim. Samro n'a pas souhaité commenter la situation.

A.D.