A droite comme à gauche, la précarité est dénoncée comme ce fléau lié à la mondialisation qu'il faut combattre à grand renfort d'innovations économiques ou sociales. Et les tenants de l'un ou l'autre parti de se battre à coups de chiffres et de théories pour savoir s'il vaut mieux favoriser la flexibilité, la sécurité de l'emploi, la déréglementation, la réglementation, l'inflation, le déficit...

Ce que personne ne dit jamais, en revanche, c'est que la paupérisation d'une frange croissante de la population représente, pour les professionnels du social, une manne inespérée, qui transite par les réseaux occultes du clientélisme local ou national. L'exclusion sociale qui frappe la «France d'en bas» représente un marché juteux, et bon nombre d'intervenants n'ont pas intérêt à ce qu'il disparaisse.

Mais Thierry Vieille, romancier, ne s'en tient pas à cette analyse iconoclaste et chiffrée de la précarité. Selon lui, la facture du social, assumée essentiellement par les classes moyennes, pénalise près de la moitié de nos concitoyens, assez près de rejoindre les rangs grossissants des exclus de la société, malgré le fait qu'ils travaillent et disposent d'un salaire : non pas parce qu'ils n'auraient pas de quoi manger (encore que...), mais parce qu'ils n'ont pas les moyens de participer aux standards de notre société. Un livre peut-être excessif, mais largement argumenté, et qui a le mérite d'interpeller le lecteur.

Thierry Vieille est romancier et essayiste. Il a été assistant social, conseiller socio-éducatif et conseiller juridique auprès de diverses collectivités locales.