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Les pratiques

Thales convaincu par la majorité d'engagement

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 10.06.2008 |

Un an et demi avant la «position commune» sur la représentativité des syndicats, Thales a conclu un accord par lequel le groupe et ses sociétés s'engagent à ne signer que des accords majoritaires pendant trois ans.

Le cas de Thales préfigure-t-il ce que sera le dialogue social dans les entreprises, quand la «position commune» du 10 avril 2008 sur la représentativité des syndicats sera appliquée ? Depuis «l'accord sur le droit syndical et le dialogue social» de novembre 2006, signé par quatre syndicats, tous les accords signés chez Thales doivent être approuvés par des syndicats représentant au moins 50 % des voix au 1er tour des élections DP et CE. Cette «majorité d'engagement» est précisément l'objectif que se sont assigné, à terme, les rédacteurs de la position commune. Dans un premier temps, ils réclament qu'un accord soit valide si ses signataires ont recueilli au moins 30 % des voix aux dernières élections de DP et CE, et qu'une majorité ne s'y oppose pas.

Renforcement du rôle des syndicats

« Cet engagement suppose une bonne qualité de dialogue social », observe Thierry Rieutord, DRH France de Thales, avant de tirer un bilan positif d'un an et demi d'application. Même satisfaction de la part de Guy Henry, délégué central CFDT, qui salue un « renforcement du rôle des syndicats qui va dans le sens de l'histoire ».

Exigence d'accords majoritaires

L'accord a été signé pour trois ans par la CFDT, la CGT, FO et la CFTC. Seule la CFE-CGC a refusé, en raison, justement, de l'exigence d'accords majoritaires. Pour elle, de tels accords contribuent à « réduire le dialogue social ». « La CFDT est incontournable », précise Thierry Rieutord. En effet, au niveau du groupe (36 000 salariés), les cédétistes dominent largement (40 %), devant la CFE-CGC (22 %), la CGT (15 %), la CFTC et FO (7 % chacun), Supper (6 %) et des indépendants.

L'impératif d'accords majoritaires inscrit dans les textes une réalité existant depuis plusieurs années dans la multinationale. « Tous les accords étaient majoritaires depuis vingt ans », explique Thierry Rieutord, en saluant « discipline, caractère, maturité et bon niveau de dialogue social ». Il faut remonter à 1995 pour trouver un texte paraphé par les seules CFDT et CFE-CGC.

La signature de l'accord sur le dialogue social n'a pas modifié cette habitude. Guy Henry signale que le dernier accord de groupe, sur la constitution du CE européen, a été signé par tous les syndicats, à l'exception de la CFTC. Le DRH se félicite de l'unanimité autour d'un accord récent, sur les travailleurs handicapés. Et de la signature, par quatre syndicats, de celui sur l'anticipation et la GPEC. FO l'avait dénoncé comme susceptible de couvrir de futurs plans de suppressions d'emploi.

La direction estime que la majorité d'engagement lui impose encore plus de « transparence » vis-à-vis des syndicats lors des négociations, « y compris sur les orientations stratégiques » : projets, technologies et besoins en compétences.

Se considérant en pointe dans l'innovation sociale, Thales comprend mal l'idée que la recherche d'accords majoritaires puisse freiner l'innovation. Mais c'est bien là que résident les craintes et les réserves de la CFE-CGC. « Cela empêche la créativité », dénonce Gilbert Roquemaure, délégué syndical central CFE-CGC, car la recherche de majorité empêche, à son avis, les démarches innovantes, notamment dans les accords d'épargne salariale. « Dans mon entité, Thales Services, déplore-t-il, nous avons mis trois ans à convaincre la CFDT de signer un Perco, au nom de l'intérêt général. » Le Code du travail donne, encore aujourd'hui, aux syndicats majoritaires, la possibilité de s'opposer à un accord signé par des minoritaires. Et il réserve la majorité d'engagement aux entreprises appartenant à une branche l'ayant prévu. Tel n'est pas le cas de la métallurgie, dont relève Thales. Thierry Rieutord souligne que les juristes consultés n'ont rien trouvé à redire à la disposition sur la majorité d'engagement, « plus favorable » que la loi. Et conforme à une « liberté de manoeuvre » des entreprises.

« Fébrilité » à l'UIMM

En revanche, il se souvient d'une certaine « fébrilité » à l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), qui a été tenue au courant sans pour autant être consultée. « On s'est expliqué dans les différentes instances de l'UIMM, c'était précurseur, mais ça n'a pas ébranlé nos relations avec eux, car il n'y a pas eu de prosélytisme de notre part », résume-t-il. Selon lui, Thales bénéficie d'un terrain « propice à l'innovation avec deux tiers des salariés ingénieurs ou cadres, un haut niveau de culture et un personnel sensible à un dialogue raisonné et exigeant ». L'expérience n'est pas forcément transposable ailleurs.

Pour ses établissements, Thales a gardé la possibilité d'accords non majoritaires, notamment pour des approches locales sur la mobilité. Et le groupe a exclu les accords salariaux du dispositif. « Sur les salaires, reconnaît Thierry Rieutord, nous avons eu des accords minoritaires et plus souvent... des constats de désaccord. »