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« La prévention du stress passe par le service RH »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 01.07.2008 |

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« La prévention du stress passe par le service RH »

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Le stress s'observe, dans un premier temps, par le recoupement d'indicateurs détenus par les services RH. En les confrontant aux informations des autres acteurs dans l'entreprise, les données deviendront pertinentes. La démarche de prévention doit mêler différentes approches : technique, organisationnelle et médicale.

E & C : Vous souhaitez sensibiliser les DRH au phénomène du stress. Ont-ils un rôle particulier à jouer ?

Michel Berthet : Oui, les responsables de ressources humaines disposent de données que personne d'autre ne détient dans l'entreprise : informations sur les populations de salariés - âges, ancienneté, fonctions... - ; sur leurs trajectoires professionnelles, les postes successivement occupés ; les historiques individuels et collectifs des salaires ; les informations sur le turn-over, l'absentéisme, les coûts des accidents du travail et maladies professionnelles... Le médecin du travail, lui, ne possède pas toutes ces données. Le DRH dispose, s'il le souhaite, des courbes d'arrêts de travail par métier, secteur d'activité, unité de travail. Grâce à ce niveau d'analyse, il peut mettre en lumière des phénomènes globaux. Il peut, également, réaliser des projections à cinq ou dix ans, à partir de ces mêmes variables - âges, statuts, fonctions occupées...

Toutefois, ces données ne trouveront leur totale pertinence que si elles sont mises en écho avec celles que détiennent d'autres acteurs. Et, en premier lieu, bien sûr, le médecin du travail, qui, lui, a une vision des populations fondée sur d'autres bases, mais qu'il est également seul à détenir. Enfin, les acteurs aux prises avec le terrain - intervenants en prévention, élus au CHSCT, responsables hiérarchiques - seront également porteurs d'autres points de vue, élaborés sur d'autres références, d'autres signes.

E & C : A quels signaux la hiérarchie doit-elle être attentive ?

M. B. : La hiérarchie directe a, en général, une appréciation sur l'activité des personnes exerçant sous sa responsabilité. Elle est en bonne position pour déceler des signes avant-coureurs ou «signaux faibles» au sein d'une unité de travail. Par exemple, des salariés qui s'énervent ou se replient sur eux-mêmes, ceux qui se fatiguent anormalement ou craquent régulièrement. Ces signes peuvent être repérés sans attendre que la situation ne s'aggrave sous forme de dépression, de crise identitaire, de tentative de suicide... Toutefois, nous observons que, si la hiérarchie connaît ces signes, souvent, elle ne sait qu'en faire ! Elle peut craindre, par exemple, que leur signalement joue en sa défaveur.

E & C : Qui peut être acteur dans la prévention du stress ?

M. B. : Les salariés constituent le point de départ de la prévention... Ils sont experts de leur propre travail et peuvent expliquer qu'avec tel outil, tel horaire, telle organisation ou dans tel contexte... la charge de travail devient insupportable. Ils savent aussi évoquer ce qui constitue, pour eux, des éléments de confort ou de sécurité, des marges de manoeuvre. Leurs représentants - délégués du personnel ou au CHSCT - sont en position d'acquérir une vue plus large et plus transversale des situations. Ils sont donc en mesure de porter à la connaissance de l'entreprise des dysfonctionnements récurrents, des situations stressantes sur le long terme, des motifs généraux d'inquiétude ou d'angoisse... Le service RH, souvent en charge de l'élaboration du document unique sur les risques professionnels, peut être le «réceptacle» de ces différents points de vue. Il a le privilège de se situer au croisement des informations détenues par les autres secteurs.

E & C : Faut-il privilégier les approches collectives du stress ?

M. B. : Les approches individuelles visent à trouver une solution pour une personne donnée. Mais l'enjeu, pour la prévention, est d'interpréter en quoi ce qu'un salarié en souffrance vit au travail peut concerner un cercle plus large et traduire des problèmes touchant potentiellement ce dernier. La question essentielle est de ne pas tomber dans les travers de l'individualisation des difficultés, qui devient vite une impasse, notamment dans une démarche de prévention du stress. C'est pourquoi une approche collective et «a priori» aura plus de chances d'aboutir à des solutions utiles à tous. Ces approches visent à révéler des phénomènes ou des processus organisationnels et sociaux qui mettent des salariés en difficulté, avant l'apparition de tout traumatisme ou atteinte à leur santé.

E & C : L'entreprise peut-elle accepter une mise en cause de son organisation du travail ?

M. B. : La question de l'organisation évolue dans la tête des acteurs de la prévention et de l'entreprise. Pendant plusieurs dizaines d'années, l'approche des risques professionnels était essentiellement technique. Elle a produit, d'ailleurs, des avancées remarquables qui ont concouru à la réduction des accidents du travail. Si l'analyse de ceux-ci fait apparaître de nombreux facteurs appartenant à l'organisation, l'analyse des causes de stress a pour objet essentiel l'organisation ou les organisations. Organisation du poste de travail, de l'équipe, du flux des informations, de la relation aux clients, des horaires, des modes de rétribution...

E & C : Les managers ou plutôt les modes de management méritent-ils d'être mis en cause ?

M. B. : On observe que les marges de manoeuvre se réduisent sur les postes de travail du fait d'une certaine densification et intensification des tâches. Mais cette réduction des marges s'observe aussi pour les managers. L'enjeu pour la prévention est d'identifier et de desserrer ces contraintes. C'est possible, mais avec moins de succès lorsque celles-ci sont imposées de l'extérieur - donneurs d'ordres, clients, réglementation...

Son parcours

• Michel Berthet est responsable, depuis 2005, du département «homme au travail» de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) à Nancy. Il était, précédemment, responsable du département «santé et travail» de l'Anact.

• Il a dirigé, avec Anne-Marie Gautier, la rédaction de l'ouvrage Agir sur les conditions d'exposition aux risques professionnels (Anact, 2000).

• Il a été coauteur de la publication Organisation du travail et prévention (DRTEFP Paca, 2000), du chapitre Intensification du travail (ouvrage Risques émergents, Agence européenne de Bilbao, 2006) et du livre Prévenir le stress et les risques psychosociaux (Anact, 2007).

Ses lectures

Grain de sable sous le capot, Marcel Durand, Agone Mémoires sociales, 2006.

Traité de l'efficacité, François Julien, Grasset, 1996.