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La rupture conventionnelle : à consommer avec modération !

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 23.09.2008 |

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La rupture conventionnelle : à consommer avec modération !

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Née de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail (art. L. 1237-11 et s. du Code du travail), la rupture conventionnelle est un nouveau mode autonome de séparation qui se veut tant flexible que protecteur du consentement du salarié. Ce nouvel outil répond, partiellement, à la demande d'Avosial de simplifier et de sécuriser les ruptures «amiables» et semble rencontrer un réel intérêt auprès des entreprises.

La rupture conventionnelle résulte, en effet, de la volonté commune des parties de mettre un terme à la relation de travail, tout en permettant au salarié de bénéficier a minima de l'indemnité légale de licenciement, des exonérations fiscales et sociales et de la couverture chômage, sans avoir à respecter, ni à payer, de préavis.

Après un ou plusieurs entretiens, les parties formalisent leur volonté commune de rompre le contrat de travail par la signature de la «convention de rupture», selon le formulaire établi par l'administration du travail, qui lui est adressé pour homologation à l'issue d'un délai de rétractation de quinze jours calendaires. La DDTE a alors quinze jours ouvrables - on aurait aimé que les deux délais soient calculés de la même manière - pour se prononcer sur cette demande. Le silence de l'administration dans ce délai vaut homologation, le contrat de travail étant rompu, au plus tôt, le lendemain de l'homologation ou de l'issue du délai. Il est recommandé de signer avec le salarié, en plus du formulaire, un accord portant rupture conventionnelle permettant aux parties de régler d'autres questions (sort du véhicule de fonction, clause de non-concurrence, primes, etc.).

Entre la négociation de la rupture, le délai de rétractation et le délai d'homologation, il faut compter pas loin de deux mois.

Cette procédure, relativement simple, doit donc être utilisée à bon escient. Notamment, il est exclu d'y recourir dans un contexte de difficultés économiques, de réorganisation, ou si une procédure de licenciement pour motif personnel est déjà entamée.

Ces précautions étant prises, plusieurs questions restent à trancher par les tribunaux ou, mieux, par une future loi.

Ainsi, par exemple, selon la circulaire du 22 juillet 2008, la vérification opérée par l'administration portera essentiellement « sur les points qui permettent de vérifier le libre consentement des parties [...] et sur les éléments fondant l'accord du salarié ». L'administration devra donc vérifier que le salarié n'est pas lésé. Mais sur quoi fondera-t-elle son appréciation ? Comment s'assurerat-elle du consentement du salarié sur la base du seul formulaire qui lui est adressé ?

Nous avons, de plus, constaté que certaines DDTE avaient pu refuser l'homologation en raison de la date mentionnée à titre indicatif pour la rupture du contrat de travail, alors que ce motif de refus n'est pas prévu par la loi. Il faut donc s'attendre à ce que l'administration fasse preuve de zèle, ce qui a pour effet de retarder la date de rupture. En effet, en cas de refus, il convient de recommencer toute la procédure et de respecter à nouveau le délai de rétractation, la saisine du conseil de prud'hommes n'étant évidemment pas souhaitable. Les parties ont donc tout intérêt à prévoir, dans la convention de rupture, ce qu'elles feront en cas de refus d'homologation.

Un autre exemple concerne le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle. Faut-il se contenter de la prescription minimale légale ou convient-il de verser au salarié une somme plus importante ? Cette somme sera-t-elle prise en compte par le juge en cas de contentieux ultérieur, portant, par exemple, sur un élément de rémunération ou sur les modalités d'exécution du contrat ? Il faut, en effet, rappeler que la convention de rupture n'emporte pas transaction. Si un litige survient, seule une transaction peut y mettre un terme : à quel moment peut-on la régulariser, et sur quels fondements ?

Des questions restent également en suspens sur les suites de la rupture : l'indemnité de rupture est-elle soumise à CSG et CRDS, y compris pour sa partie correspondant à l'indemnité de licenciement ?

Il apparaît donc indispensable que les pouvoirs publics prennent rapidement les mesures nécessaires pour lever ces incertitudes et permettre de sécuriser la rupture conventionnelle, après avoir, le cas échéant, consulté les partenaires sociaux auteurs de cette innovation.

Viviane Stulz, avocate, cabinet Clifford Chance, et Stéphanie Stein, avocate, cabinet Eversheds, membres d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.