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Nexter craint de perdre ses interlocuteurs syndicaux

Les pratiques | publié le : 28.10.2008 |

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Nexter craint de perdre ses interlocuteurs syndicaux

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Chez Nexter (ex-Giat Industries), les prochaines élections professionnelles se dérouleront fin 2009. Ni la direction, ni les syndicats ne sont encore entrés de plain-pied dans la préparation de cette échéance, mais ils ont commencé à réfléchir au paysage syndical qui va en résulter. La très forte implantation des syndicats actuels (le taux de participation aux élections est de 90 %) exclut, a priori, l'ancrage de nouveaux et l'émiettement du paysage. En revanche, « la CFTC et FO risquent de disparaître du paysage syndical de Nexter ; si tel était le cas, la négociation annuelle obligatoire deviendrait plus compliquée : il est arrivé, quelquefois, que des organisations syndicales minoritaires signent des accords salariaux », explique Jean-Christophe Benetti, DRH de Nexter. Or, FO et la CFTC ont respectivement obtenu 3,5 % et 0,2 % des suffrages aux précédentes élections. L'essentiel des votes se sont portés sur la CGT (39,8 %), la CFDT (30,4 %) et la CFE-CGC (19 %).

Nouvelles règles de représentativité depuis la réforme

La reproduction d'une telle configuration, fin 2009, aurait pour conséquence, compte tenu des nouvelles règles de représentativité des syndicats, issues de la loi du 20 août 2008, la disparition de FO et de la CFTC. D'autre part, dès le 1er janvier 2009, un accord ne sera pas valide - du fait du seuil des 30 % - sans au moins la signature de la CGT ou celle de la CFDT, et encore, à la condition que les non-signataires ne fassent pas jouer leur droit d'opposition. Depuis la réforme du 20 août, un projet d'accord est frappé de nullité si des syndicats qui représentent 50 % des suffrages s'y opposent. Or, la direction a face à elle une CGT qui « appose très difficilement sa signature » - dixit Jean-Christophe Benetti -, une CFDT « réformiste », et une CFE-CGC « qui se détermine en fonction des intérêts qu'elle représente ». Le scénario noir, pour la direction, serait celui d'une alliance d'opposition CGT-CFE-CGC.

Risques de blocage

Les risques de blocage ne sont donc pas exclus. Mais Jean-Christophe Benetti espère que les nouvelles règles de validité des accords responsabiliseront les syndicats. « Un refus de signer pourrait entraîner la multiplication des décisions unilatérales de l'employeur, et coûterait cher aux salariés », estime-t-il. Aux salariés et, donc, aux syndicats. Un syndicat en situation d'annuler un accord en ne le signant pas ou en s'y opposant pourrait, en effet, se voir reprocher, par les salariés, de les priver de ses avantages. Un risque dont Jean-Pierre Brat, le délégué central CGT, est bien conscient, mais auquel il oppose deux arguments : s'opposer à un accord ne signifie pas retomber au niveau de la convention collective, c'est créer un rapport de force pour obtenir plus ; d'autre part, il consulterait les salariés avant de chercher à s'opposer à un accord.

Côté syndical, les préoccupations sont différentes selon qu'ils sont du bon ou du mauvais côté du seuil des 10 %. La CFTC et FO jouent leur survie. Cette dernière est maintenant consciente qu'il va lui falloir aller à la pêche aux voix, à rebours de sa culture (lire p. 14). Si Jean-Pierre Brat paraît assez indifférent au sort de FO et de la CFTC, qu'il n'estime pas vraiment légitimes pour signer des accords, Daniel Coutaudier, délégué CFDT, affiche, en revanche, le souci de « ne pas mettre FO ni la CFTC sur la touche ». Pour tenter de maintenir ces dernières dans le jeu, « les syndicats ont unanimement décidé d'exclure les termes «syndicats représentatifs» du prochain accord de droit syndical », actuellement en négociation, explique-t-il.

La direction et les syndicats se retrouvent sur la question du « retour à l'opérationnalité » des militants. Un syndicat qui perdra sa représentativité perdra en même temps ses mandataires et ses heures de délégation, ce qui implique que ceux qui en bénéficient retournent à leur poste de travail. Les partenaires sociaux auront l'occasion de traiter cette question avant même l'élection de l'année prochaine.

De très nombreuses heures de délégation

Dans les semaines qui viennent, la direction souhaite aboutir à un nouvel accord de droit syndical qui reviendra sur la très généreuse dotation d'heures de délégation, équivalant à 25 permanents, héritée de l'époque où l'entreprise avait partie liée avec le ministère de la Défense. Ces heures de délégation sont d'ailleurs souvent utilisées en dehors de l'entreprise, dans les fédérations ou les unions locales.

Accessoirement, leur suppression pose la question des ressources humaines disponibles pour ces structures. « Il faudra que notre prochain accord de droit syndical comporte un paragraphe sur les carrières », estime Jean-Christophe Benetti. D'accord, répond Jean-Pierre Brat : « On ne fait pas carrière comme permanent syndical, mais le retour en poste doit tenir compte de l'expérience acquise pendant le mandat. »

Objectif cadres

Si le syndicat FO de Nexter ne dépasse pas, aux élections professionnelles de fin 2009, les 3,5 % qu'il a réunis aux précédentes élections, il perd sa représentativité.

En position très délicate, Hervé Duverger, délégué syndical central de FO, ne baisse pas les bras pour autant : « La tâche est difficile, mais notre objectif est de passer la barre des 10 %. » Comment ? En se rapprochant d'autres syndicats ? « Une fusion serait difficile, explique-t-il, car il n'est pas certain que les adhérents reprendraient leur carte. » Une liste commune ? « Il n'y a pas de discussions formelles avec les autres organisations », déclare le syndicaliste.

Compte tenu du paysage syndical de Nexter, cette dernière solution est complexe à mettre en oeuvre. Une alliance avec la CFTC (0,2 % des suffrages) ne permet pas d'atteindre les 10 %. Avec, respectivement, 39,8 % et 30,4 % des voix, la CGT et la CFDT n'ont pas besoin de FO pour maintenir leur représentativité. Quant à la CFE-CGC (19,1 %), prendra-t-elle le risque de perdre la sienne en partageant ses voix avec FO ? Son statut de syndicat catégoriel complique encore les choses.

Reste la pêche aux voix. « Nous n'avons jamais eu pour politique d'aller chercher les gens, il va peut-être falloir changer de ligne », admet Hervé Duverger. Avec seulement 10 % des salariés qui s'abstiennent de voter, la réserve de voix est mince de ce côté-là. « Dans le premier et le deuxième collège, la CGT fait le plein », estime-t-il. Mais il reste les cadres : « C'est là qu'il y a le plus de possibilités. » Seulement, FO n'est pas présente dans ce collège. « Si nous trouvons des candidats dans le collège cadres, on ne sera pas loin des 10 % », espère-t-il.

E. F.

L'essentiel

1 Chez Nexter, le paysage syndical pourrait être bouleversé par les résultats des élections professionnelles de fin 2009.

2 La direction de l'entreprise craint que la disparition de la CFTC et de FO ne complique la négociation collective.

3 Depuis la loi du 20 août 2008, la représentativité des syndicats est subordonnée à leurs résultats aux élections professionnelles.