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Enquête

Les avocats sur la sellette

Enquête | publié le : 25.11.2008 |

La justice prud'homale est souvent accusée d'être trop lente. Sont en cause, principalement, les avocats qui multiplient les demandes de renvoi, mais aussi les parties, jusqu'au-boutistes, qui font souvent appel.

En 2006, une affaire durait en moyenne dix mois (chiffre stable depuis plusieurs années) : 12,4 mois pour une procédure au fond, et un mois et demi en référé. Rien de scandaleux donc. Mais il s'agit là d'une moyenne, car, dans certains conseils, une procédure peut largement dépasser vingt mois, sans compter les appels et les pourvois en cassation. Le déroulement se comptent alors en années.

Encombrement liés aux renvois

La cause principale serait les trop nombreux reports d'audience, demandés par les avocats. « Sur un bureau de jugement, environ douze affaires sont audiencées et, parfois, il arrive que les deux tiers d'entre elles soient renvoyées, ce qui a pour conséquence d'encombrer le rôle. Lorsque ces affaires sont renvoyées à une autre date, elles prennent la place de contentieux nouveaux qui auraient pu être jugés plus tôt », s'indigne Robert Isabella, DRH adjoint du pôle transport de STEF-TFE, siégeant au collège employeurs de Lyon.

Les avocats attendent souvent le dernier moment pour communiquer leurs pièces à la partie adverse. Du coup, celle-ci, n'ayant pu étudier le dossier, refuse de plaider et demande un renvoi.

Gagner quelques mois de trésorerie

Philippe Caquet, fondateur du cabinet-conseil Boost'rh, président de la section encadrement du conseil de Bernay (Eure), regrette que « certains employeurs utilisent les renvois d'audience ou l'appel comme un moyen de repousser la date des jugements afin de gagner des mois de trésorerie ». Le salarié n'ayant, en général, aucun intérêt à faire traîner la procédure.

Bien sûr, les avocats réfutent : le problème est que « les prud'hommes souffrent du manque de règles de procédure et donc de rigueur. Si un calendrier obligatoire était fixé, dès la saisine, pour la communication de pièces et de l'argumentaire, on n'en serait pas là », déclare Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet Raphaël, qui réclame la rédaction d'un vrai échéancier.

David Jonin, avocat de Gide Loyrette Nouel, préconise la création d'une audience, après la conciliation, réservée au dépôt des conclusions. En attendant, il faudrait plus de sévérité.

Le renvoi doit être une exception

« Les conseillers prud'homaux doivent considérer le renvoi comme une exception, retenir plus d'affaires et obliger à plaider », estime Marc Desgorces-Roumilhac, DRH du Groupe Marie Claire, conseiller prud'homal à Paris. Pour Robert Isabella, lorsque le demandeur (soit le salarié, dans la quasi-totalité des cas) à l'origine de la saisine n'est ni prêt, ni présent à l'appel des causes pour s'expliquer, c'est la caducité qui doit être prononcée. Pendant ce temps-là, certains conseillers prud'homaux accordent plusieurs renvois, d'autres non et radient l'affaire !

Des parties jusqu'au-boutistes

Faire appel multiplie par deux la durée d'une affaire : environ 32 mois s'il y a un appel (53 mois s'il y en a deux), contre 14,7 mois sans appel. Comme beaucoup de décisions font l'objet d'au moins un appel (27,7 %), il en résulte une augmentation arithmétique de la durée moyenne des procédures (10 mois).

« C'est un problème de mentalité, qui se révèle dès la conciliation. Quand on a perdu, autant tenter le tout pour le tout », observe Jean-Louis Jamet, vice-président de la CGPME et conseiller prud'homal. En effet, qu'est-ce qu'on risque si ce n'est les frais d'avocats ?

« Et puis, il y a cette attitude récurrente qui consiste à croire que le verdict de magistrats professionnels sera différent de celui des juges prud'homaux », explique Marion Ayadi, associée du cabinet Raphaël. Un calcul pas tout à fait erroné puisqu'environ 45 % des décisions prud'homales sont modifiées, totalement ou partiellement, en appel. Mais « le taux des véritables infirmations de jugement portant sur le fond du droit est de l'ordre de 20 %. Le reste est avant tout indemnitaire », explique Michel Bournat, DRH de Saur et conseiller à Etampes (91).