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Clause de non-concurrence : l'impossible équation

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 13.01.2009 |

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Clause de non-concurrence : l'impossible équation

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Depuis ses trois arrêts du 10 juillet 2002, la Cour de cassation considère qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est assortie d'une contrepartie pécuniaire, motif pris de l'atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.

Malgré les critiques sur le caractère rétroactif de ce revirement et la violation consécutive de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (portant droit à un procès équitable), les entreprises n'ont pas eu d'autre choix que de s'adapter, selon des moyens divers.

Modifier la clause de non-concurrence pour y insérer une contrepartie financière requiert l'accord du salarié : face au refus de celui-ci, l'employeur ne peut que renoncer à la modification projetée ou procéder à un licenciement pour motif économique. Mais ce licenciement risque fort d'être jugé sans cause réelle et sérieuse, la mise en conformité de clauses de non-concurrence pouvant difficilement constituer une cause économique au sens de la jurisprudence.

Certains employeurs ont choisi de signer des accords d'entreprise pour fixer la contrepartie pécuniaire. Mais la signature d'un accord d'entreprise suffit-elle à assurer la mise en conformité de clauses contractuelles nulles en l'absence de contrepartie pécuniaire ? Si un accord d'entreprise ne peut emporter modification du contrat individuel de travail, il peut, en revanche, prévoir des dispositions complémentaires plus favorables que celles figurant dans le contrat de travail. Et on ne voit pas quelle atteinte subirait un salarié au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, s'il peut bénéficier, en application du statut collectif, d'une contrepartie pécuniaire.

Si la régularisation par voie conventionnelle devait être jugée inopposable au salarié, la mise en conformité de ces clauses, valides au moment où elles ont été signées, ne dépendrait plus que de la volonté du salarié. Or, dans le prolongement des arrêts rendus en juillet 2002, la Cour de cassation a jugé qu'une clause nulle permettait au salarié qui a respecté son obligation de non-concurrence d'obtenir une indemnisation du préjudice subi de ce fait. Dès lors que nul n'est censé ignorer la loi, se pose la question de savoir comment un salarié peut sérieusement prétendre, depuis 2002, avoir subi un préjudice, en soutenant qu'il aurait respecté une clause qu'il est censé savoir nulle ?

Afin de ne pas prendre le risque d'une telle condamnation, la plupart des entreprises qui n'ont pu régulariser leurs clauses de non-concurrence ont préféré les lever, pensant que le salarié, libéré de son interdiction de non-concurrence, ne pourrait prétendre avoir subi un quelconque préjudice. Mais le bon sens n'est pas nécessairement l'ami du droit. Certaines juridictions ont, ainsi, retenu que l'employeur ne pouvait unilatéralement lever la clause de non-concurrence dès lors que cette levée n'était pas prévue contractuellement. Pourtant, l'interdiction pour l'employeur de renoncer à une clause de non-concurrence du fait de l'absence de mention contractuelle n'a toujours concerné que les clauses comportant une contrepartie pécuniaire, et donc élaborées dans l'intérêt des deux parties. Or, les clauses de non-concurrence qui ne comportent aucune contrepartie pécuniaire n'ont nécessairement été édictées que dans l'intérêt de la seule entreprise.

Rien ne devrait donc s'opposer à ce que l'employeur puisse lever une clause de non-concurrence nulle, même si cette levée n'est pas prévue contractuellement. S'il devait en être jugé autrement, le tableau serait bien sombre pour les entreprises, et la question du respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme se poserait avec encore plus d'acuité.

Il ne serait, en effet, pas acceptable que l'employeur soit condamné pour une clause qui était licite au moment où elle a été convenue. Il serait ainsi instauré une nouvelle responsabilité sans faute de l'employeur et un nouveau type de réparation sans préjudice pour le salarié.

Elisabeth Laherre, avocate associée, Coblence et Associés, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social