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Enquête

La contestation des AT ou la «politique du bâton»

Enquête | publié le : 13.01.2009 |

La filiale d'Air France conteste les accidents du travail pour révéler les tricheries des salariés et réduire sa cotisation AT/MP.

Le climat social est plutôt tendu au sein du groupe Servair, filiale d'Air France basée à Roissy et spécialisée dans le «catering» aérien (restauration, nettoyage). En effet, direction et syndicats s'opposent autour de la question des accidents du travail (AT). Les risques sont nombreux pour les 9 600 employés affectés, pour la plupart, à des opérations de manutention, dans des contextes difficiles (sites aéroportuaires, entrepôts, frigos). « La cotisation AT/MP de Servair SA s'élève à 3 millions d'euros par an, assure Serge Jacquemot, DRH du groupe. L'enjeu est donc important dans notre activité à faible marge. »

«Gestes et postures»

Pour diminuer cette charge, l'entreprise travaille à l'amélioration des conditions de travail. « Depuis deux ans, nous consacrons 2 % à 3 % de la masse salariale (300 millions d'euros au total), à améliorer les processus, avec l'aide de nos ergonomes, explique le DRH. Nous proposons également aux agents de maîtrise une formation «gestes et postures».

En l'absence d'impact suffisamment rapide des actions préventives, Servair a cependant opté pour une méthode complémentaire : « Nous contestons les AT dès que nous avons une suspicion de tricherie - absence de témoin, comportement non conforme aux règles d'hygiène et de sécurité -, reconnaît Serge Jacquemot, soit une déclaration sur trois. » Environ un tiers de ces cas contrôlés par les médecins d'un cabinet privé mandaté seraient, ainsi, non fondés : « Il peut s'agir, par exemple, d'une blessure de loisirs transformée en chute d'escabeau au travail », cite le DRH.

300 000 euros d'économies

Entre 2004 et 2008, Servair a ainsi vu son taux de cotisation passer de 3,9 % à 3,5 %, soit une économie de 300 000 euros par an. Selon Manuel Goncalvès, délégué CGT, ces contestations ne sont qu'un aspect « d'une politique dissuasive » : « En 2005, la direction a voulu réduire le complément de salaire versé lors des AT. Les syndicats ont refusé, mais, à présent, nous constatons que cela a été compensé par une politique insidieuse nommée «lutte contre l'absentéisme». La direction tarde à envoyer les attestations de salaires des salariés arrêtés, diffuse un discours sur les «soit-disant faux malades»... Du coup, certains renoncent à leur arrêt de travail, ce qui engendre stress et usure. »

La CGT est allée jusqu'à diffuser, sur Internet, l'enregistrement audio pirate d'un entretien post- arrêt maladie : le ton du manager, visiblement excédé par les arrêts récurrents de l'employé, sert d'argument au syndicat pour dénoncer des « pressions sur les salariés ».

Le DRH, lui, parle de « responsabilisation » et confirme que « les contestations peuvent concerner plus largement les arrêts maladie : si une personne jeune, apparemment en bonne santé, s'arrête longuement plusieurs fois par an, ce n'est pas normal ». Un discours qui pèse, selon Manuel Goncalvès, sur les malades chroniques, contraints à ces arrêts. De son côté, Serge Jacquemot constate l'impact immédiat sur le nombre d'arrêts de cette «politique du bâton».

SERVAIR

• Activité : catering aérien (restauration, nettoyage).

• Effectifs : 9 600 salariés.

• Chiffre d'affaires 2007 : 747 millions d'euros.