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La furie Blackberry

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 20.01.2009 |

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La furie Blackberry

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Nous l'avons tous remarqué... Pendant les réunions, nos collègues ont les mains sous la table et tapotent à vive allure des réponses à leurs mails. D'autres participants, l'air dégagé, donnent l'impression d'écouter les échanges, mais leurs yeux sont surtout rivés sur l'écran de leur dernier smartphone... où il se passe toujours quelque chose de passionnant. La lourdeur des réunions ne fait pas le poids face à l'instantanéité des messages : comment résister ? On m'appelle, je suis demandé, quelqu'un a besoin de moi, j'aime me sentir actif..., que de tentations pour nos ego en turbulence.

En entretien de face à face, le téléphone est mis sur vibreur. On semble prendre de bonnes résolutions. Ostensiblement posé sur la table, l'appareil trône juste sous le nez de la personne. Mais dès qu'il se met à frémir, son propriétaire se jette sur lui comme le chat guettant une souris. Si c'est important, et assurément cela l'est, la personne s'interrompt pour réagir : « Excusez-moi, il faut absolument que je réponde à ce message... » Est-ce le besoin de prouver son efficacité ? L'antidote de l'anxiété ? L'envie de paraître ? Bref, le respect minimum que l'on doit à tout interlocuteur passe à la trappe, tant l'habitude est devenue compulsion... Le pire est que la personne pense sincèrement que son comportement est adapté. Elle se croit pro, répondant sans tarder aux sollicitations. Aurait-elle le même comportement dans un entretien de recrutement ?

Les loisirs ne sont pas exempts de la furie Blackberry. Dans les remontées mécaniques, à la plage, en forêt, sur le bord de la piscine... l'addiction bat son plein. Certains enfants négocient avec leur parents : « OK, on va se promener, mais sans ton téléphone ! » Ne jamais interrompre le flux délicieux des messages, se sentir relié, réclamé, sous le feu de l'urgence, c'est tellement plus simple que de se relier à soi-même. L'ennui est qu'avec un ratio d'attention à 50 %, la conversation avec les autres s'appauvrit de 75 %. Car l'écoute est comme l'engrais : c'est elle qui rend l'échange fertile.

Besoin irrésistible, quand tu nous tiens ! Certains adeptes n'arrivent même pas à s'abstenir... sur la route. On croit rêver, mais non : les mains rejointes sur le haut du volant, ils répondent à leurs SMS sur leur terminal favori. Ils vous diront probablement qu'ils maîtrisent, et qu'à cette vitesse, il n'y a aucun risque. A ce stade, l'addiction est plus que grave, elle est devenue dangereuse. Mais, curieusement, cette dérive hallucinante permet aux autres de se sentir normaux, en comparaison.

Profiter pleinement du futur sans en devenir esclave. S'enthousiasmer des merveilles de la technologie sans piétiner le savoir-vivre. Bâtir un meilleur «vivre ensemble» fondé sur l'efficacité collective et le respect mutuel. C'est vers ces voies qu'il faut sans doute se diriger. Au fait, on a survécu des années sans recevoir instantanément ses messages. Comment faisait-on ?

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. < lesagetconseil@wanadoo.fr >