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Enquête

Des actionnaires salariés pour sécuriser l'entreprise

Enquête | publié le : 27.01.2009 |

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Des actionnaires salariés pour sécuriser l'entreprise

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91 % des 6 000 salariés français du groupe familial Pierre Fabre détiennent 6 % du capital. Cette part passera à 10 % avec l'élargissement du dispositif à l'international.

A l'approche de ses 80 ans, en décembre 2005, Pierre Fabre a décidé de sécuriser l'avenir de son «enfant» unique : l'entreprise qu'il a créée en 1960, à Castres, et qui compte aujourd'hui 10 000 salariés à travers le monde. Il a donc créé une fondation humanitaire reconnue d'utilité publique, et lui a confié 65 % du capital du groupe pharmaceutique. Il a conservé 25 % du capital et préparé la distribution des 10 % restants entre les salariés. A ce jour, quatre ans après la mise en place d'un plan d'actionnariat salarié, 91 % des 6 000 collaborateurs français du groupe se partagent 6 % du capital via un fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) sur lequel ils peuvent placer leur intéressement et/ou leur participation. « Nous sommes en train d'étendre le dispositif à l'international », commente Jean-François Couret, responsable de l'épargne salariale groupe.

La voix des salariés

« Ce dispositif est conforme à la personnalité de Pierre Fabre, estime Philippe Leroux, médecin au sein du laboratoire pharmaceutique et président du conseil de surveillance du FCPE. Aux yeux de ce dirigeant atypique, nous avons toujours été un peu plus que des salariés. Quand il ne sera plus là, les nouveaux actionnaires ne pourront pas nous ignorer. » En étant actionnaires de l'entreprise, les salariés peuvent faire entendre leur voix : « C'est un autre relais que l'action syndicale », apprécie Philippe Leroux, qui siège, en tant que président du FCPE, au conseil de surveillance du groupe.

Au moment de son lancement, le plan d'actionnariat salarié a été «vendu» à l'interne par 150 collaborateurs du groupe qui se sont portés volontaires pour faire de la pédagogie et expliquer à chacun ce qu'il pouvait attendre de cette nouvelle forme d'épargne. « Au lieu de faire passer le message par le DRH et la hiérarchie, nous avons voulu que les salariés parlent aux salariés », se souvient Philippe Leroux.

Bilan flatteur

Bilan flatteur pour ces 150 pédagogues de l'actionnariat salarié : sur la grosse centaine de millions d'euros d'épargne accumulés par les salariés, 77 millions ont été placés sur le FCPE et 30 millions seulement sur d'autres supports. Ce qui est logique si l'on considère qu'être actionnaire salarié d'un groupe patrimonial est relativement sécurisant : « Pour calculer la valeur des actions du FCPE, nous avons missionné un expert indépendant (en l'occurrence, le cabinet Deloitte Finances) qui utilise une méthode de calcul validée par l'AMF (Autorité des marchés financiers), explique Jean-François Couret. Basée sur les résultats consolidés et certifiés de l'année précédente, cette valorisation est exclusivement liée aux performances de l'entreprise... et déconnectée de la spéculation et des fluctuations boursières. » Ce dispositif a reçu, en novembre dernier, le Grand Prix de l'actionnariat salarié dans la catégorie des entreprises non cotées.

PIERRE FABRE

• Activité : pharmacie.

• Effectifs : 9 500 salariés dans 130 pays, dont 6 000 en France.

• Chiffre d'affaires 2007 : 1,68 milliard d'euros.

Groupe GT : partager la culture du risque

Petit-fils du fondateur du groupe de transport et logistique GT (1 500 salariés), Eric Sarrat l'admet bien volontiers : sa culture managériale est paternaliste. Mais si le codirigeant (avec son frère Michel) n'hésite pas à instaurer des primes «anti-grèves», il défend aussi la philosophie de l'actionnariat salarié, « qui associe les collaborateurs aux résultats de l'entreprise », et « leur fait partager la culture du risque de l'entrepreneur ».

« Dès 1987, nous avons créé un plan d'épargne entreprise (PEE) pour accueillir l'intéressement, se souvient Eric Sarrat. Mais, plutôt que proposer un fonds commun de placement d'entreprise (FCPE), nous avons préféré émettre un emprunt obligataire, abondé par l'entreprise et garantissant un rendement supérieur de 2 points au Livret A. » 60 % des salariés ont placé leur intéressement dans cet emprunt. En 1990, ils ont souhaité être associés au capital de cette entreprise 100 % familiale : « Nous avons alors transformé les obligations en actions. »

Croissance de l'épargne

Quand il a également pris la casquette de Pdg d'une nouvelle filiale, GT Logistics, en 1991, Eric Sarrat a immédiatement mis en place un dispositif similaire. Résultat : 63 % des 500 salariés détiennent 6,5 % du capital de cette filiale. « Durant les premières années, quand l'activité logistique était en forte croissance, leur épargne a crû de façon spectaculaire : +130 % en cinq ans. Aujourd'hui, la croissance est moins rapide, mais les actions progressent toujours de 6 % à 15 % par an », se félicite Eric Sarrat, soulignant, au passage, la revanche des entreprises familiales sur les cotées.

Sur un marché davantage soumis aux aléas de l'activité qu'aux cours boursiers, il admet que le taux d'affectation de l'intéressement dans le FCPE « varie selon les années et les perspectives de croissance de l'entreprise ». Mais il n'en démord pas : « Quand les salariés sont actionnaires de l'entreprise, ils sont plus impliqués dans ses performances et le climat est moins conflictuel. »

Groupe Auchan : trente-deux ans d'actionnariat salarié

Dès 1977, Gérard Mulliez, fondateur du groupe Auchan, créait le fonds Valauchan ; 98 % des salariés du groupe en sont aujourd'hui actionnaires : ils détiennent, ainsi, 13 % du capital du groupe. « En France, chaque salarié possède en moyenne 28 000 euros d'épargne sur ce fonds », commente Laurent Darras, directeur d'hypermarché (à Englos, dans le Nord) et président du conseil de surveillance de Valauchan. Un tiers des salariés ont placé au moins l'équivalent d'un an de salaire dans le fonds maison.

Les performances de Valauchan sont d'une régularité de métronome, avec une moyenne supérieure à 6,5 % de croissance par an au cours des six années écoulées (6,25 % en 2008). Un rendement qui ne faisait peut-être pas rêver lorsque les valeurs des cotées s'envolaient mais qui, aujourd'hui, a de quoi faire des jaloux.

Pour calculer la valeur d'une action d'une part du fonds, le groupe Auchan a constitué un collège d'experts indépendants, régulièrement renouvelé par le tribunal de commerce de Roubaix : « Chaque année, ils valorisent l'entreprise en fonction de ses résultats, de ses objectifs et de ses perspectives de développement. »