Les représentations du travail se révèlent extrêmement contradictoires. Au salarié-acteur - mis en avant par le management, au tournant des années fordistes, quand il fallait l'amener à l'autonomie après des décennies d'obéissance passive - s'oppose le discours, plus récent, des sociologues dénonçant les nouvelles formes de subordination par l'intériorisation de la performance.

L'une des analyses les plus pertinentes de ce changement de paradigme était certainement celle de Valérie Brunel, titrée significativement Les managers de l'âme. Le développement personnel en entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ? (La Découverte, 2004). La contradiction entre des injonctions à la créativité et à l'initiative, et le cadre de plus en plus contraint a été amplement dénoncée. Mais cette problématique du travail a été reléguée au second plan, supplantée par celle de l'emploi, à une époque où un dixième de la population active était au chômage.

Pour approfondir la question du travail sans la réduire à une caricature, Olivier Cousin, sociologue, s'est fait embaucher dans une très grande entreprise du secteur de l'automobile et a mené, durant dix-huit mois, soixante-treize entretiens auprès de cadres RH et de production. Le «tableau» du travail qui en ressort est d'une étonnante précision. Le salarié est loin d'être dans un rapport univoque avec son entreprise et, dans des limites bien précises définissant sa subordination, il reste sujet d'initiatives. Celles-ci contribuant à nourrir «l'expression de soi», un aspect essentiel du travail, surtout pour les cadres. Les multiples nuances de cette liberté sous contrainte définissent la complexité du rapport à l'emploi.

Olivier Cousin est sociologue, chargé de recherche au CNRS.