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Les pratiques

Une écoute neutre pour tout salarié

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 03.02.2009 |

Depuis trois ans, les Mutuelles de France Centre-Est proposent un lieu d'écoute neutre, pluridisciplinaire, ouvert à tous, spécialisé dans la souffrance au travail. Un dispositif modeste mais qui fait la preuve de son utilité.

«Allo ! Ici le réseau «Souffrance et travail». Vous avez laissé un message pour être rappelée. Il s'agit bien d'un problème de clinique du travail... Ici, vous pouvez rencontrer un médecin du travail, un psychologue clinicien, un psychodynamicien du travail, en journée ou le soir. Mercredi ? Vous allez recevoir une confirmation écrite. » Le Dr Annie Deveaux, médecin du travail, raccroche et commente : « C'est un cas typique : cette dame de 55 ans est cadre au sein d'un service public social. On vient de lui confier une nouvelle responsabilité, mais elle se trouve dans un conflit éthique avec les orientations que lui impose son directeur. »

Garantir l'anonymat

Le Dr Deveaux est l'une des vacataires du réseau créé, en mars 2006, à Lyon, par les Mutuelles de France Centre-Est. « Nous avons voulu apporter une contribution spécifique du mouvement mutualiste à la question des risques psychosociaux », explique Cécilia Pita, secrétaire générale de Souffrance et travail. Il s'agit d'un lieu extérieur aux entreprises, aux administrations, aux services de médecine du travail, ouvert à tous, salariés, agents de la fonction publique... Si la Fnath (association des accidentés de la vie) met à sa disposition un juriste, la mutuelle n'est pas, pour autant, une structure revendicative. « C'est important que les personnes se sentent anonymes et puissent même garder secret le nom de leur employeur », affirme Anne Flottès, ergonome et psychodynamicienne du travail, intervenant à Souffrance et travail. C'est d'ailleurs grâce au secret médical qu'elles ont généralement parlé de leur souffrance à leur généraliste : en 2008, 26 % des personnes ont été envoyées par leur médecin. Elle-même généraliste, le Dr Gwenaël Greppo témoigne : « Il s'agit de personnes qui ont tout essayé pour tenir, car ce sont toujours des gens consciencieux, ni combatifs, ni procéduriers... C'est pourquoi ils en arrivent là ! »

Une de ses jeunes patientes, salariée d'une entreprise de livraison, s'est laissée traiter d'incapable pendant dix ans, avant de développer une phobie de la conduite pour ne plus «pouvoir» travailler, sans porter préjudice à son patron... qui n'était autre que son frère. « Les symptômes sont généralement très spectaculaires et résistent aux thérapeutiques habituelles, explique Anne Flottès. Neuf fois sur dix, le généraliste a envoyé la personne voir un psychiatre, qui n'a pas forcément su interpréter : si un salarié se dit «harcelé par son chef», il ne faut pas forcément en déduire que le chef est pervers, mais étudier la situation qui a créé cette perception. »

Décortiquer le ressenti du salarié

Le montant de l'adhésion au service a été fixé à 20 euros. Entre mars 2006 et juin 2007, 75 personnes avaient bénéficié d'un suivi et l'avaient terminé. En 2008, elles étaient 110. Mais, nouveauté, de nombreuses personnes se contentent de téléphoner pour demander un conseil, une orientation, ou simplement parler de leur situation professionnelle, sans pour autant demander de suivi... et adhérer. Cécilia Pita envisage, pour 2009, de les dénombrer.

Dans 64 % des cas, l'entretien d'accueil téléphonique et un rendez-vous suffisent. Mais la cotisation donne droit, en un an, à quatre consultations dans les locaux de la mutuelle, de deux heures chacune en moyenne. Elles consistent à «décortiquer» la situation et le ressenti du salarié. « Je conçois mon intervention comme une aide à penser, explique Anne Flottès. L'action est renvoyée du côté de la personne. » Cette posture peut déstabiliser certains : Marc, fonctionnaire territorial, témoigne, par exemple, avoir été « très bien écouté », mais a eu, ensuite, le sentiment d'être « abandonné ». Pourtant, comme d'autres, il y a trouvé la force de reprendre sa situation en main.

Eviter la désinsertion

« Certains peuvent repartir embarrassés parce qu'ils ont vu la complexité de leur situation, ajoute la psychodynamicienne. Mais ils ont identifié les problèmes sur lesquels ils peuvent agir... et ceux qui sont objectivement insolubles. » Le suivi vise surtout à éviter la désinsertion professionnelle. Ainsi, 45 % des personnes accompagnées n'ont pas eu d'arrêt maladie. Et, sur un échantillon de 32 salariés ou agents ayant terminé leur suivi en 2007, 24 sont ensuite restés dans leur entreprise, service ou collectivité, dont 11 au même poste.

Contact : souffrance-et-travail @wanadoo.fr.

QUEL EST LE PROFIL DES USAGERS ?

Les personnes faisant appel à Souffrance et travail sont à 68 % des femmes - « elles ont plus de facilité à parler de leurs difficultés », analyse Cécilia Pita -, et 59 % « ont plus de 40 ans et bénéficient d'une expérience professionnelle non négligeable ».

En 2008, le secteur privé est représenté à 62 %. Depuis l'origine, on dénombre 34 % d'employés, 27 % de professions intermédiaires et 23 % de cadres.

Toutes les personnes interrogées apprécient l'aspect externe de la consultation et conseillent le dispositif à leurs collègues. Plusieurs d'entre elles ont même accepté de témoigner en public, lors de l'assemblée générale de la mutuelle.

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