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Les négociateurs doivent prendre en compte les exclus de l'assurance chômage

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 17.02.2009 |

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Les négociateurs doivent prendre en compte les exclus de l'assurance chômage

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Partout en Europe, au-delà des disparités, la tendance est au rétrécissement général du champ de l'assurance chômage au profit de l'assistance subordonnée à la reprise de petits boulots.

E & C : Le gouvernement a-t-il raison d'agréer l'accord sur l'assurance chômage signé uniquement par la CFDT ? Pensez-vous qu'une baisse des cotisations, en pleine accélération du chômage, est opportune ?

Florence Lefresne : Avec une seule signature, en l'occurrence celle de la CFDT, cet accord n'est pas doté d'une forte légitimité sociale. Il aurait sans doute été préférable de le renégocier. Le refus, par quatre organisations syndicales, d'envisager une baisse des cotisations est parfaitement compréhensible. A fortiori devant une récession aussi sévère. En France, seuls 48 % des demandeurs d'emploi perçoivent l'assurance chômage. La responsabilité des partenaires sociaux consisterait donc à se pencher sur les exclus de ce régime qui sont renvoyés vers les minima sociaux, le RMI - 454 euros par mois pour une personne seule -, l'ASS, ou vers les familles, notamment pour les jeunes qui ne bénéficient d'aucune couverture.

E & C : Qui décide des règles d'indemnisation du chômage dans les autres pays ?

F. L. : Dans les pays du nord de l'Europe, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, ce sont traditionnellement les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance chômage. Les pays nordiques ont même la singularité de ne pas avoir d'assurance obligatoire. Les salariés doivent être affiliés à une organisation syndicale pour en bénéficier. D'où leur fort taux de syndicalisation. Par ailleurs, ce régime est largement financé par l'impôt. A l'inverse, dans les pays du sud ou de l'est de l'Europe et dans les pays anglo-saxons, les règles de l'assurance chômage sont fixées par l'Etat.

E & C : L'accord français du 24 décembre va-t-il dans le sens de ce que l'on observe dans les autres pays européens ? Quel est le pays le plus proche de notre modèle ?

F. L. : Les disparités restent importantes au sein de l'Union européenne. Notre système se rapprochait, jusqu'ici, de celui de l'Allemagne. Mais les lois Hartz ont fait subir à ce dernier des inflexions très sévères. Prenons les critères d'éligibilité. La France est le seul pays qui permet à un demandeur d'emploi, avec le nouvel accord, de toucher l'assurance chômage au bout de quatre mois d'activité - contre six auparavant. Mais l'avantage n'est valable qu'une fois. Il faut ensuite six mois d'affiliation pour être réadmis. Niveaux et montants d'indemnisation sont également variables. Au Danemark, un demandeur d'emploi peut toucher 82 % de son salaire brut antérieur sur quatre ans. Mais, comme en Suède, le plafond d'indemnisation est fixé à 2 000 euros, contre 5 643 euros en France, ce qui autorise une redistribution en faveur des bas revenus. A contrario, au Royaume-Uni, qui a pourtant inventé l'assurance chômage obligatoire, un chômeur touchera un forfait de 300 euros par mois pendant six mois.

Au-delà de ces disparités, la tendance est au rétrécissement général du champ de l'assurance chômage au profit de l'assistance subordonnée à la reprise de petits boulots.

E & C : Avec la crise, le spectre du chômage ressurgit. Cet accord est-il de nature à contrer les dégâts des prochains mois ? Quelles seront les personnes les plus touchées ?

F. L. : L'accord fait le pari que les jeunes et les précaires se qualifieront à l'assurance après quatre ou six mois de cotisation, mais rentreront-ils seulement sur le marché du travail ? Ils sont en première ligne, avec les intérimaires. La durée du chômage s'élève, ce qui fera basculer toujours plus d'assurés vers les minima sociaux. Pour répondre aux objectifs de l'activation - RSA... -, le gouvernement devra déployer davantage de contrats aidés dans le secteur non marchand, qui risquent fort de se substituer pour partie aux emplois statutaires, la précarité en prime pour leurs titulaires. Chacun sait qu'à l'issue des emplois temporaires, c'est souvent le chômage qui guette à nouveau. L'une des réponses possibles serait une vraie politique de grands travaux qui considérerait, enfin, les emplois publics comme un investissement, et qui ne ferait pas l'impasse sur la formation.

E & C : Le 11 janvier 2008, les partenaires sociaux signaient l'accord «historique» sur la flexisécurité à la française. Quelles sont, aujourd'hui, les conséquences de la flexibilité ?

F. L. : La récession relaie au second plan la soi-disant nécessité de flexibiliser le contrat de travail. Si les CDI étaient si rigides, aurions-nous autant de licenciements actuellement ? La flexisécurité à la française répond avant tout à un désir de sécurisation juridique de l'employeur. De leur côté, les modalités concernant la portabilité du DIF et des complémentaires santé restent encore à définir.

PARCOURS

• Florence Lefresne est socio-économiste à l'Ires (Institut de recherches économiques et sociales) et enseigne à l'université de Marne-la-Vallée. Ses recherches portent sur la transformation de l'emploi, notamment sous l'effet des politiques publiques. Son approche privilégie les comparaisons internationales.

• Dans le numéro de Chronique internationale de l'Ires de novembre 2008 qu'elle a coordonné, elle propose une synthèse portant sur 12 pays : «Regard comparatif sur l'indemnisation du chômage : la difficile sécurisation des parcours professionnels».

• Elle est l'auteure de Les jeunes et l'emploi (La Découverte, 2003) ; coauteure de Les mutations de l'emploi en France (La Découverte, 2005) et de l'article «Les perspectives d'un marché du travail européen», Futuribles, décembre 2008.

LECTURES

La crise, M. Aglietta, éd. Michalon, 2008.

Un pur capitalisme, M. Husson, éd. Page Deux, 2008.

Trois leçons sur l'Etat-Providence, B. Palier, G. Esping-Andersen, Seuil, 2008.