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Les complémentaires s'attaquent aux addictions

Dossier | publié le : 26.05.2009 |

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Les complémentaires s'attaquent aux addictions

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Institutions de prévoyance, mutuelles et assureurs s'intéressent de plus en plus à la prévention santé en entreprise, y compris sur le champ des addictions. Ils multiplient les offres d'interventions et font oeuvre de pédagogie, en partenariat avec des spécialistes.

Depuis le début de l'année, les initiatives des organismes de protection sociale se multiplient, pour proposer aux entreprises des actions de prévention santé, notamment dans le domaine des addictions. Ionis a lancé Vitaprev, une marque destinée à porter l'ensemble de ses services de prévention ; Vauban Humanis a créé un site Internet < www.travaillersante.fr >, avec de multiples informations pratiques ainsi que des «guides méthodologiques pour agir» ; et Malakoff Médéric y est allé aussi de son propre site < www.sante-entreprise-malakoffmederic.com >, tout en s'alliant à l'organisme de formation Demos pour présenter un catalogue de stages.

« Il y a deux ans, il n'y avait pas de marché autour de la prévention. Aujourd'hui, nous sommes vraiment en phase de démarrage et la réponse à un appel d'offres se doit de proposer des actions de prévention », souligne Michel Charton, directeur santé collectives services et innovation chez AXA France.

Renforcement des actions de prévention

« Ce phénomène est probablement lié au plan santé au travail, élaboré en 2005, qui visait un renforcement des actions de prévention auprès des salariés », estime Bertrand Fauquenot, chargé de mission à l'Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). « Nous sommes davantage sollicités pour nous occuper des prestations proposées par les mutuelles à leurs propres salariés et à leurs entreprises adhérentes », indique Joseph Osman, directeur de l'Office français du tabac (OFT).

Fidéliser les clients

Pourquoi un tel positionnement des mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs ? Cela répondrait à une « demande des clients », déclarent-ils en choeur. De plus, « il existe chez nous une volonté de se différencier de la concurrence et de fidéliser nos clients », éclaire Marielle Delaunay, chef de produits santé et prévoyance chez Ionis. « Nous avons fait un état des lieux des besoins des entreprises et de leurs salariés, rencontré les partenaires sociaux, étudié les budgets, et nous nous sommes rendu compte que ces actions étaient légitimes », affirmet-elle.

Maîtrise des risques et des dépenses

« Sur leS moyen et long termes, nous sommes convaincus que la prévention est un des seuls moyens de contenir la hausse des cotisations, voire de dégager des marges de manoeuvre pour offrir de nouvelles garanties ou de nouveaux services », fait remarquer Anne-Sophie Godon, directrice de la prévention santé chez Malakoff Médéric. « L'augmentation des primes est inacceptable pour les entreprises, il nous faut donc trouver des solutions à la dérive des sinistres », poursuit-elle.

« Il faut maîtriser les risques et les dépenses de santé », ajoute Marielle Delaunay, tout en soulignant que l'on mesure faiblement l'impact des actions de prévention enclenchées, car les contrats collectifs ne sont pas conservés pendant trente ans !

Prescripteurs avant tout

« Nous ne sommes pas des fabricants de solutions, mais des prescripteurs, nous n'avons pas de médecins dans nos équipes. Nous utilisons les compétences de nos filiales spécialisées, AXA Assistance et Itelis », précise Michel Charton. AXA offre «la charte prévention santé prévoyance», documentation accompagnée d'un CD-Rom, sorte de boîte à outils pour entamer une démarche sur différents risques, dont le tabac et l'alcool. Proposé par les agents généraux, il n'a pas encore un franc succès. En revanche, AXA affirme que quelques-uns de ses clients adhèrent à des programmes plus élaborés, portés par la société d'ingénierie de services de santé Itelis, dont l'entreprise est actionnaire. Exemple, dans une entreprise de transports : un plan de formation apprend aux cadres comment détecter les signes de l'alcoolisme et dialoguer avec des personnes que l'on soupçonne de consommer de l'alcool.

Programme de sevrage tabagique

Depuis septembre 2007, la Mutuelle générale propose, dans sa gamme standard «esprit collectif», un programme de sevrage tabagique. « Un dépliant, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant, explique Xavier Toulon, directeur marketing de la Mutuelle générale. Il faut offrir davantage d'informations et, surtout, une approche plus personnalisée, tout en restant dans des coûts raisonnables pour l'entreprise et la mutuelle. » Le meilleur compromis à ses yeux : offrir aux salariés un CD-Rom, grâce auquel ils pourront identifier leur profil de fumeur. Pendant trois mois, chaque jour, un message personnalisé sera adressé au candidat à l'arrêt, en fonction de son profil. Cet outil, développé avec l'OFT, a rencontré l'adhésion d'une dizaine d'entreprises, dont La Poste et France Télécom (lire p. 25). Sur ce même thème, l'action sociale de Réunica travaille depuis 2007 avec la société Allen Carr sur un programme de suivi de 150 personnes, réparties dans dix entreprises. Les premiers résultats, en 2010, s'ils sont concluants, lui permettront de minorer les cotisations des contrats.

Conférence de sensibilisation

La Mutuelle générale organise aussi des conférences avec des spécialistes de l'OFT. A l'instar de Vauban Humanis, qui offre des conférences de sensibilisation à ses adhérents et leur propose de passer à l'action en les aidant à organiser des ateliers pour leurs salariés. Ces ateliers tel «le tabac, et si j'arrêtais», sont réalisés avec devis sur mesure et animés en partenariat avec des prestataires spécialisés. Le groupe Apicil, également, finance, par le biais des fonds de l'action sociale, des conférences sur le tabac, les addictions, ou encore la nutrition. Il est même allé jusqu'à imaginer un bus «destination prévention Apicil», qui se rend dans les entreprises et où les salariés peuvent trouver de l'information sur les conduites addictives.

La cible PME et TPE

Tout en conservant une offre sur mesure plus spécialement destinée aux grandes entreprises, Malakoff Médéric a décidé de s'attaquer à la cible des PME et TPE. « Nous pensons la prévention comme un produit, un service packagé, notamment pour en abaisser le coût », indique Anne-Sophie Godon. Le «cube santé entreprise-prévention tabac», facturé 499 euros hors taxes, est la première d'une série de boîtes à outils destinées à construire un programme de prévention adapté. Le groupe, dirigé par Guillaume Sarkozy, s'est également associé à Demos pour proposer un catalogue de 55 stages aux entreprises clientes. L'avantage ? « La formation est déjà financée : les entreprises dépensent deux fois plus que leur obligation légale. En outre, les salariés peuvent utiliser leurs heures de DIF », assure-t-elle.

Organisme de prévention

AG2R La Mondiale dispose même d'un organisme de formation, Primavita, qui dépend de l'action sociale. Son activité plus ancienne est liée à la gestion des âges, mais, il y a quatre ans, elle s'est lancée dans la prévention santé. L'organisme offre une démarche d'accompagnement des DRH, CHSCT, DP et médecins du travail, dans six domaines, dont les addictions, autour d'un diagnostic précis des besoins, d'un programme adapté de sensibilisation et de formation, jusqu'à l'évaluation via des indicateurs comme l'absentéisme ou les arrêts maladie.

« Nous avons besoin de développer des outils de pilotage pour mesurer le retour sur investissement, tranche Anne-Sophie Godon. Les DRH ont des attentes fortes par rapport à l'absentéisme, notamment. Nous sommes en train de travailler à la construction d'un baromètre, avec une dizaine de nos clients. » L'outil sera déployé auprès de 40 entreprises dès septembre, pour une version «industrielle», en 2010.

Indicateurs de pilotage

De son côté, le courtier en assurances Dexia Sofaxis, filiale de Dexia, qui couvre 600 000 agents des collectivités locales et établissements de santé, propose systématiquement des indicateurs de pilotage pour toutes les actions engagées. « Il y a quelques années, beaucoup de complémentaires avaient abordé le sujet par le biais du ROI (retour sur investissement) : c'était une démarche illusoire, car aucun modèle économique ne permet de faire la démonstration de la rentabilité. Mais, à l'époque, c'était un argument de vente de ces prestations, alors qu'aujourd'hui, on nous les demande », commente Xavier Toulon.

Sentiment d'intrusion

Reste tout de même des limites à l'intervention des mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs dans le champ particulier de la prévention des addictions. « Nous avons tenté, il y a trois ans, des expériences sur le risque alcool. Nous y avons renoncé car elles sont vécues comme une intrusion dans la vie privée des salariés, et, sur ce champ, les mutuelles ne sont pas les structures les plus légitimes. Toutefois, nous pensons aborder de nouveau le problème par le biais de la diététique », observe Xavier Toulon. « Drogue et alcool sont encore des sujets tabous », confirme Marielle Delaunay.

L'essentiel

1 Les groupes de protection sociale proposent de plus en plus de solutions pour aider les entreprises à mener des actions de prévention santé.

2 Les solutions vont de la simple information jusqu'à la formation.

3 Pour convaincre les employeurs, certains organismes mettent en avant des indicateurs de pilotage.

Conduites addictives et responsabilité de l'employeur

L'obligation de sécurité pour l'employeur consiste, notamment, à évaluer les risques, à les retranscrire dans le document unique et à les prévenir (article L. 4121-1 du Code du travail).

Il a à sa disposition des outils réglementaires pour prévenir les risques liés aux consommations occasionnelles (alcool, cannabis...) ou aux conduites addictives :

> le règlement intérieur, qui ne peut aborder que les points relatifs à l'hygiène et la sécurité et à la discipline (article L. 1321-1 du Code du travail) ;

> les interdictions réglementaires de consommation :

pour l'alcool, interdiction d'introduire, de distribuer des boissons alcooliques, ou de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d'ivresse sur le lieu du travail (articles R. 4228-20 et 4228-21 du Code du travail).

Pour les stupéfiants (cannabis, cocaïne...), interdiction générale de consommation (article L. 3421-1 du Code de la santé publique).

Pour le tabac, interdiction de fumer sur les lieux de travail (articles R. 3511-1 à R. 3511-14 du Code de la santé publique).

L'employeur peut aussi s'appuyer sur le code de la route : la conduite en état d'ivresse et/ou sous l'emprise de stupéfiants est sanctionnée pénalement. Des moyens de contrôle ou de dépistage permettent d'envisager le retrait du salarié de son poste.

L'employeur a une obligation de sécurité de résultat. En cas de manquement, il peut être poursuivi pour faute inexcusable en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Sa responsabilité pénale peut également être engagée (en cas, notamment, de non-assistance à personne en danger, mise en danger d'autrui...). L'employeur est, par ailleurs, responsable des dommages que ses salariés peuvent causer à des tiers (article 1384 du Code civil).

V. L.

Source : INRS.

Les addictions multiplient les risques d'accident

→ Le risque d'accident de la route est multiplié par 2 pour les conducteurs sous l'effet du cannabis, par 8 sous l'effet de l'alcool, par 16 en cas de consommation conjointe de cannabis et d'alcool.

→ Toutefois, il n'existe aucune donnée en France sur les accidents du travail liés à une consommation de cannabis.

Source : INRS