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L'introduction des caisses automatiques dope la GPEC

Les pratiques | publié le : 26.05.2009 |

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L'introduction des caisses automatiques dope la GPEC

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Sous les feux des projecteurs depuis la forte mobilisation des syndicats, soucieux des conséquences sociales de l'automatisation des caisses dans les supermarchés, la profession se mobilise sur la GPEC.

L'inauguration du nouveau magasin Carrefour d'Auteuil, le 13 mai, à Paris, a une nouvelle fois remis sur le devant de la scène médiatique la question de l'automatisation dans la grande distribution. Dévoilé après quatre mois de travaux, le nouveau concept de l'hypermarché «sur mesure» fait, en effet, la part belle à la technologie : produits non alimentaires disponibles via une commande en ligne, caisses libre-service et «Rapid'Ticket», le fameux système de douchettes permettant de scanner les produits au fur et à mesure des achats. En 2007, alors que la grande distribution connaissait sa toute première vague d'automatisation, la CFDT, soucieuse des conséquences de ces technologies sur l'emploi des caissières, lançait, avec un important succès médiatique, la pétition SBAM, «Sans bornes automatiques, merci», paraphée, à l'époque, par 80 000 clients.

Scénarios économiques et sociaux à l'horizon 2015

Désireuse d'« anticiper les évolutions en termes d'emploi », la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) avait alors commandé au Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) et au cabinet Geste une étude prospective destinée à établir des scénarios économiques et sociaux à l'horizon 2015. Si l'automatisation des caisses - le «self check out», où le client déballe ses achats devant un automate, et le «self-scanning», où le client scanne lui-même les produits au fur et à mesure de ses achats - figure bien en première position sur la liste des « axes de changement ayant un impact sur le contenu des métiers », l'étude, publiée en mars 2008, relativise ses conséquences sur l'emploi : si, selon le scénario le plus pessimiste, qui suppose une « intensification de la concurrence par les prix », les grandes surfaces en France risquent de perdre près de 40 000 emplois - 6,3 % de leurs effectifs - d'ici à 2015, moins noirs, les deux autres scénarios - fin du développement massif des points de vente sur le territoire et nouveau cadre réglementaire favorisant la création de commerces de proximité -, prévoient un gain respectif de 36 000 et 86 000 emplois pour le secteur.

Une logique de veille sur les métiers et de sécurisation des parcours professionnels

Qu'ils aient largement écarté le spectre de 200 000 suppressions de poste, agité depuis 2007 par les syndicats, n'a pas empêché les auteurs de l'étude de recommander vigoureusement la signature d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) de branche. Engagée dans la foulée, la négociation préconisée a donc abouti, le 13 novembre 2008. « Le nouvel accord, qui met en avant une logique de veille sur les métiers et de sécurisation des parcours professionnels, illustre la volonté des partenaires sociaux de préserver l'emploi, souligne Pierre-Eric Fleury, DRH de Métro et président de la commission des affaires sociales de la FCD. De fait, l'introduction des nouvelles technologies s'est, jusqu'à présent, faite «en douceur», sans plan social. »

Selon Guy Laplatine, délégué syndical central CFDT d'Auchan, c'est avant tout au succès de la mobilisation que l'on doit l'absence de «casse» sociale à ce jour : « Avec l'hôtesse de caisse érigée au rang de référence «ouvrière» des médias, non seulement les enseignes, pour ne pas contrarier leurs clients, marchent sur des oeufs en ce qui concerne l'emploi, mais elles ont considérablement freiné les déploiements escomptés de caisses automatiques. L'actuel niveau d'automatisation est, en effet, sans commune mesure avec les projets dont j'ai pu avoir connaissance il y a deux ans. » Si plus de 600 caisses automatiques sont en activité chez Casino, presque autant chez Carrefour et 550 chez Auchan, rares sont, en effet, les magasins qui, à l'instar d'un Carrefour de Rennes, ont totalement marginalisé les caisses traditionnelles : la plupart des enseignes ne dépassent pas un ratio de 10 % de caisses automatiques.

Un développement inéluctable

Persuadés de vivre aujourd'hui la préhistoire de l'automatisation, les syndicats ne relâchent cependant pas leur attention. « Le développement des caisses automatiques est progressif, mais inéluctable, soutient Dejan Terglav, secrétaire fédéral de la FGTA-FO. La principale difficulté est que les grands groupes, qui testent à l'étranger, en Chine ou en Europe de l'Est, des magasins entièrement automatisés, avancent masqués. Nous n'avons aucune perspective claire sur leur stratégie. » Rares sont, en effet, les entreprises à s'être engagées, à l'instar d'Auchan dans son accord GPEC, signé le 23 mars dernier, à présenter un « bilan précis des perspectives sociales préalablement à tout déploiement généralisé de nouvelles technologies pouvant avoir un impact sur l'emploi ».

Les syndicats, qui avaient souhaité l'ouverture de négociations spécifiques à l'introduction des nouvelles technologies, regrettent également que l'accord GPEC signé par la branche ne fasse pas explicitement référence à l'automatisation. « La grande distribution est soumise à de nombreuses évolutions technologiques et organisationnelles, dont l'automatisation n'est qu'un volet, précise Pierre-Eric Fleury. L'accord GPEC n'a pas pour but de répondre à l'introduction des caisses automatiques, mais d'offrir un cadre permettant d'accompagner les évolutions de métiers aussi diverses que le développement des normes d'hygiène dans la boucherie ou la boulangerie. »

Déclinaison de l'accord de branche

Cas d'école chez Metro - le grossiste n'est pas concerné par l'automatisation -, dont l'accord GPEC, signé dès 2006, a récemment permis le reclassement de 112 comptables impactés par la mise en place d'un nouveau logiciel. A l'occasion d'une réunion de suivi, le 13 mai, les syndicats ont cependant obtenu la réalisation d'une enquête destinée à évaluer la déclinaison de l'accord de branche dans les enseignes. « Si les grands groupes ont tous signé un accord ou toiletté un texte préexistant, nous nous inquiétons particulièrement de la situation chez les indépendants du secteur, où la présence syndicale est extrêmement réduite et où il n'est pas rare de croiser une caissière d'une cinquantaine d'années vous expliquant qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'apprendre à se servir d'un ordinateur », relève Dejan Terglav. Le responsable syndical évoque un dernier sujet d'inquiétude : « Du fait des nombreuses réorganisations réalisées au cours des trois dernières années, le secteur de la grande distribution a déjà reclassé énormément de personnel. Ajoutez à cela un moindre recrutement et un turn-over en chute libre du fait de la conjoncture économique, et nous craignons de voir disparaître les marges de manoeuvre qui permettraient de reclasser les salariés impactés par l'automatisation. »

L'essentiel

1 La première vague d'automatisation, lancée en 2007, dans la grande distribution, n'a pas produit les effets escomptés, soit la destruction de 200 000 emplois annoncés à l'époque par les syndicats.

2 La plupart des enseignes ne dépassent pas un ratio de 10 % de caisses automatiques.

3 Cependant, la profession reste vigilante et table sur la GPEC pour anticiper les mutations.