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Les pratiques

Quand les Orange sont stressés

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 09.06.2009 |

Né dans le scepticisme général en 2007, l'Observatoire du stress et des mobilités forcées chez France Télécom, d'initiative syndicale, est aujourd'hui invité dans des assemblées d'experts. Il témoigne d'un sérieux mal-être des salariés et apporte son aide aux CHSCT.

Depuis sa création, en juin 2007, par la CFE-CGC et Sud, l'Observatoire du stress et des mobilités forcées chez France Télécom a fait du chemin. Le bilan de ses dix-huit premiers mois d'existence, présenté par l'un de ses membres, Pierre Gojat, cadre CFE-CGC, au séminaire «Crise, santé, conditions de travail»*, fait froid dans le dos : 18 suicides ou tentatives de suicide recensés depuis début 2008 - et non contestés par la direction -, une grève de la faim, et des situations de souffrance au travail qui ont dépassé, depuis longtemps, le cadre de la marginalité. Tel est, selon lui, l'impact sur la santé de « la restructuration perpétuelle subie par les salariés ».

Le rapport 2008 du médecin du travail d'une entité du groupe de 6 500 salariés ne dit pas autre chose. Il y est question de « problématiques déstructurantes » et de « risques psychosociaux nécessitant la mise en place d'une politique générale de prévention ». Trois médecins du travail auraient d'ailleurs démissionné ces deux dernières années, affirme l'Observatoire, faute de pouvoir exercer correctement.

Face à « la défaillance de la direction, qui ne mesurait pas le phénomène, ne communiquait pas les données, refusait le dialogue social sur ces thèmes », l'Observatoire, doté d'un conseil scientifique, a fait sa propre enquête. Deux questionnaires quantitatifs (fin 2007 et mi-2008) ont livré le constat suivant : 66 % des salariés se disent stressés ; 15 % avouent être en détresse.

Mobilité forcée

Croisés avec une enquête qualitative confiée, fin 2008, à des sociologues, ces résultats ont permis à l'Observatoire d'identifier différents facteurs de risques psychosociaux, parmi lesquels la mobilité forcée (lire encadré). Si France Télécom, bénéficiaire, ne peut recourir aux licenciements économiques, le groupe n'en reconnaît pas moins 22 000 départs volontaires sur la période 2006-2008. « Hormis les départs naturels à la retraite, la majorité d'entre eux sont consécutifs à des pressions », affirme Pierre Gojat.

Dans la seconde enquête, dont un volet est consacré aux plus de 45 ans, l'Observatoire constate que 77 % d'entre eux se disent discriminés du fait de leur âge en matière d'évolution professionnelle, et 75 %, en matière de salaire, et que plus de 90 % considèrent que leur expérience n'est pas reconnue. Plus inquiétante, cette confirmation des moins de 45 ans qui jugent à 80 % que l'âge est bien un handicap pour leur carrière...

48 ans de moyenne d'âge

« La moyenne d'âge étant, chez nous, de 48 ans, je ne vois pas comment on pourrait ne pas offrir des perspectives d'avenir aux plus de 45 ans, qui bénéficient, comme les autres, de la formation », répond Laurent Zylberberg, directeur des relations sociales (DRS). « Cette association pose des questions intéressantes, mais la méthodologie employée - n'importe qui peut répondre, salarié ou non de France Télécom - ne permet pas de garantir la représentativité du personnel », ajoute-t-il, annonçant que la direction vient de proposer au CE européen d'introduire des questions sur le stress dans son prochain sondage sur l'engagement des salariés.

Certes, l'Observatoire a constaté, en 2008, de « petits changements » de la part de la direction, comme la généralisation des espaces d'écoute pour les personnels en difficulté, « sollicités, selon Laurent Zylberberg, par environ 400 salariés depuis mi-2007 ». Mais l'association doute de l'efficacité de « ces groupes où la direction est représentée » et poursuit ses actions : soutien aux personnels lors de suppressions de site, publications du livre Orange stressé, édité fin 2008, avec le CNRS, ou, surtout, de fiches pratiques CHSCT téléchargeables sur son site. « Nous orientons également les collègues vers les professionnels susceptibles de les aider - médecins du travail, assistants sociaux, psychiatres, élus, CE, CHSCT... », témoigne Pierre Gojat.

En septembre, enfin, l'Observatoire entreprendra une tournée d'information et de recueil de témoignages dans une demi-douzaine de grandes villes françaises.

* Organisé le 30 avril à Lyon, par Astrees et l'Anact. < http://observatoiredustressft.org >

LES CINQ «M», FACTEURS DE RISQUES PSYCHOSOCIAUX

Au vu des différentes enquêtes qu'il a réalisées, l'Observatoire a identifié cinq facteurs de risques psychosociaux.

Management par le stress : la hiérarchie fixe des objectifs impossibles à atteindre.

Mobilité forcée (géographique ou fonctionnelle).

Mouvement perpétuel : une mobilité accélérée pouvant, à l'origine, être consentie, mais dans laquelle, « en changeant de collègues et de ligne directrice tous les six ou neuf mois, les salariés finissent par ne plus avoir de repères. Fragilisés, ils s'investissent moins et peuvent être conduits à la faute ».

Mise au placard (à l'écart des canaux de décision, par exemple).

Mise en condition de retraite pour les plus âgés : « Au-dessus de 50 ans, les gens n'ont plus de formation, on ne leur donne plus de travail. »

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