Il y a quelques années, parler d'intuition dans le monde professionnel semblait audacieux tant la pensée dominante ne croyait qu'au rationnel. Aujourd'hui, managers et collaborateurs admettent, de plus en plus, le rôle d'un sixième sens. Mais, précisons de quoi il s'agit.
L'intuition est la forme de connaissance la plus ancienne de l'humanité. Comme l'animal a de l'instinct, l'être humain a de l'intuition. Mais, comme l'animal trop domestiqué ne sait plus retrouver son chemin quand il est perdu, de même l'être humain, trop nourri de logique cartésienne, trop urbain, trop formaté ne sait plus utiliser son sixième sens. Précisons ce que l'intuition n'est pas : elle n'est ni de la clairvoyance, ni du bon sens. Evitons également de la confondre avec nos aspirations. « J'ai l'intuition qu'il faut que je change de job » ou « je sens vraiment qu'il faut lancer ce produit » peuvent tout simplement refléter nos voeux ou désirs personnels, mais non des intuitions.
Quant aux idées reçues, elles sont nombreuses sur le sujet. « Les femmes en ont plus que les hommes. » Non, tous les êtres humains ont de l'intuition. La différence vient surtout de l'éducation et de la sensibilité : quand on a surdéveloppé le raisonnement logique (homme ou femme) et réduit sa sensibilité pour mieux contrôler ses émotions, l'accès à l'intuition devient plus besogneux, il est comme rouillé. « L'intuition n'est pas fiable, elle peut nous induire en erreur. » Faux, l'intuition est toujours juste, c'est un guide infaillible qui nous indique quel chemin prendre. Mais on peut se tromper d'interprétation sur les signaux que l'on capte et prendre ses désirs, ses émotions ou ses peurs pour de l'intuition. Une partie de l'entraînement consiste à identifier les différentes impressions ressenties afin d'apprendre à discerner celles qui relèvent d'une véritable intuition.
Alors, intuition mode d'emploi ? Commencer par lui donner une direction. Clarifier la question que l'on se pose intérieurement, bien définir le problème, comme pour indiquer à son intuition sur quel sujet on la sollicite. Puis, se ménager des temps de tranquillité et de solitude. Il est beaucoup plus facile d'accéder à son intuition en se promenant dans la nature ou en se relaxant sous la douche qu'au milieu du tumulte ambiant. Le silence est important : l'intuition est, effectivement, une petite voix qui parle tout bas, presque dans l'intimité, il faut lui prêter attention.
Comme toute compétence, l'intuition relève de la pratique : une bonne intuition est une intuition exercée. Par exemple, plutôt que de raisonner tout de suite, essayer d'identifier ce que l'on ressent ; discerner ces petits signes intérieurs qui nous mettent sur la piste ; noter nos impressions ; observer la décision qui semble s'imposer à nous, surtout si elle n'a rien de logique ou qu'elle défie le sens commun ; puis laisser reposer les choses. Souvent, l'intuition a besoin de maturation. Elle va revenir s'exprimer au fond de nous-même et, progressivement, une certitude va se dégager. Attention, l'intuition n'est pas politiquement correcte, elle dit la vérité. Si cela ne va pas dans le sens de ce qu'on veut entendre ou que nos émotions en effervescence créent un brouhaha intérieur, on aura du mal à l'écouter.
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <
