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Quand les entreprises sondent le terrain

Enquête | publié le : 03.11.2009 |

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Quand les entreprises sondent le terrain

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Avec les enquêtes d'opinion internes, les directions cherchent principalement une ligne directe avec les salariés, et un moyen d'améliorer les performances de l'entreprise. Simple au premier abord, cet outil doit cependant être utilisé avec précaution.

Les directions d'entreprise ont beau ne pas être élues par les salariés, elles ont quand même besoin, de temps en temps, de les sonder pour connaître leur opinion. Comme l'explique Hubert Landier, directeur du groupe Management social, « les intermédiaires entre le corps social et la direction n'existent plus : le management n'a plus le temps de remplir cette fonction et les représentants du personnel ont cessé de le faire. Dès lors, les directions générales, en état d'apesanteur, n'ont plus qu'une idée vague de ce qui se passe sur le terrain ». Et même quand ces intermédiaires existent et jouent leur rôle, les messages qu'ils passent à la direction sont orientés. D'où le besoin pour ces dernières de disposer de leur ligne directe avec les salariés, en appui de négociations sociales ou pour accompagner des changements. C'est l'objectif affiché par la Sécurité sociale (lire p. 24) et par Electricité réseau distribution France (ERDF).

Retour sur investissement

D'autres utilisent les enquêtes d'opinion avec un objectif de retour sur investissement et de création de richesses. Le postulat étant qu'« il y a une corrélation entre l'engagement des salariés et la performance de l'entreprise », explique Didier Burgaud, responsable de l'activité engagement des salariés chez Hewitt. C'est le raisonnement adopté par IBM (lire p. 27) et par l'entreprise de matériel électrique Hager (lire p. 28) lorsqu'ils diligentent des études d'opinion. Dans cette optique, « ce qui est fondamental, ce n'est pas seulement la mesure, mais le déploiement des résultats en interne, l'accompagnement des managers face à ce type d'études et l'identification de marges de manoeuvre », explique Antoine Solom, directeur du pôle management et ressources humaines d'Ipsos Loyalty.

Dialogue social constructif

Maurice Thévenet, professeur de GRH au Cnam et à l'Essec, rappelle également que les enquêtes d'opinion servent à se mettre autour de la table en vue d'aboutir à un constat partagé, donc à créer les conditions d'un dialogue social constructif (lire p. 29). Une perspective sur laquelle les organisations syndicales sont dubitatives : elles reprochent aux directions d'orienter les questions ou les réponses des salariés dans le sens qui les arrange, ou de ne pas tenir compte des résultats lorsqu'ils ne sont pas conformes à leurs attentes.

Généralisation des sondages

Utilisés depuis longtemps par les entreprises anglo-saxonnes, les sondages auprès des salariés se généralisent désormais dans les entreprises françaises. « Les études d'opinion internes sont arrivées en France à la fin des années 1980 par les multinationales anglo-saxonnes et par les entreprises publiques qui avaient besoin de faire évoluer leur dialogue social », rappelle Antoine Solom. Selon lui, parmi les grosses entreprises françaises, environ sept sur dix sont, aujourd'hui, équipées en enquêtes d'opinion.

Deux études récentes, l'une de la Cegos, l'autre de Magellis Consultants et de l'Ecole centrale de Lyon, convergent pour dire que plus d'une entreprise sur deux a mis en place des outils de «veille sociale», dont font partie les enquêtes d'opinion.

Quoiqu'elles soient devenues un outil classique pour les DRH, ces enquêtes doivent être utilisées avec précaution. Surtout en ce moment ! EADS en sait quelque chose, qui a récemment vu paraître dans le presse que seul un de ses salariés sur cinq est impliqué dans son travail, à la suite d'un sondage Gallup. Il est vrai que les journaux ont rarement l'occasion d'écrire que seulement 40 % des salariés d'ERDF ont confiance en l'avenir de leur métier (lire p. 26).

Des entreprises prudentes

Dans un contexte où les risques de tensions internes sont importants, comme en ce moment du fait de la conjoncture économique, les entreprises font en général preuve de prudence. Elles hésitent à prendre le température du corps social de peur d'y trouver de la fièvre. « Nous n'observons pas de ralentissement de la demande dans le secteur public, qui a toujours besoin d'accompagner ses changements, mais, dans le privé, des entreprises se posent la question de différer les études, car elles se demandent s'il est opportun, en période de tension, de mesurer le climat social », relève Christophe Bouruet, directeur de clientèle, en charge des études de climat social chez BVA Opinion. Et puis, comme le rappelle Antoine Solom, « on ne peut conduire un baromètre que quand le climat social n'est pas trop mauvais ». Christophe Bouruet constate, cependant, que les entreprises demandent désormais plus souvent que les questions du stress et de la charge de travail soient abordées dans les enquêtes.

Adhésion des salariés à l'enquête

Pour éviter que les enquêtes d'opinion ne se transforment en fiasco avant même qu'on en connaisse les résultats, les prestataires rappellent un certain nombre de précautions. La crédibilité des résultats d'une enquête d'opinion interne dépend du taux de participation, à la fois pour des raisons statistiques, mais aussi parce qu'il est un indicateur de l'adhésion des salariés à l'enquête. Tous s'accordent, ainsi, à dire que le taux de participation à une enquête réalisée par Internet ne doit pas être inférieur à 50 %, et la plupart estiment qu'il faut viser 70 %. C'est un enjeu en soi, notamment vis-à-vis des organisations syndicales. Ainsi, la CGT de Renault avait appelé au boycott, apparemment sans grand succès, de l'enquête «Engagement» organisée par la direction en septembre 2006.

Engagement de la direction

Pour s'assurer un bon taux de participation, il est indispensable que la direction générale s'engage, rappellent les professionnels. Cet engagement conditionne le déploiement de l'enquête, mais également, et surtout, il signifie que la direction est prête à en assumer les résultats et à agir en conséquence. Une enquête qui n'est pas suivie d'une restitution et qui ne déclenche aucune action corrective est la garantie que les salariés s'abstiendront de répondre à la suivante ou, s'ils le font - parce qu'ils y sont fortement incités -, qu'ils répondront à côté.

L'essentiel

1 Outil désormais classique pour les DRH, les enquêtes d'opinion internes ne doivent pas moins être utilisées avec précaution.

2 Ces enquêtes jouent le rôle de ligne directe entre la direction et les salariés, et doivent permettre d'améliorer les performances de l'entreprise.

3 Mais, en période de tensions internes, elles peuvent se retourner contre la direction.