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Les pratiques

IBM enfin prêt pour un accord sur la prévention du stress

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 24.11.2009 |

Le géant de l'informatique ne nie plus la souffrance de ses équipes depuis que des médecins du travail ont donné l'alerte en 2003. Un accord sur la prévention du stress devrait être bientôt adopté.

«IBM n'a pas la prétention d'avoir résolu le problème du stress au travail. Dans ce domaine, il faut faire preuve de modestie et d'humilité », martèle Tim Stevens, DRH d'IBM France. Deux qualités qui s'accompagnent, depuis six ans, d'un certain immobilisme, mais, au moins, le géant de l'informatique a intégré la souffrance au travail dans son logiciel.

En décembre, la DRH va présenter au comité central d'entreprise un projet d'accord sur la prévention du stress. Lequel prévoit, notamment, la création d'un comité national paritaire de prévention et de réduction du stress et la mise en place d'indicateurs permettant d'évaluer les risques de stress par métiers. Le texte tombe à pic, le ministère du Travail faisant obligation aux entreprises de plus de 1 000 salariés de négocier un accord d'ici à février prochain. Mais la CGT et la CFDT, qui critiquent la mollesse de la direction, refuseront d'apposer leur paraphe. « L'accord tend à affaiblir les prérogatives du CHSCT au profit d'un observatoire, critique Marie-Claude Picard, secrétaire du CHSCT-Est. IBM prétend vouloir lutter contre le stress, mais refuse catégoriquement de revoir l'organisation du travail, les systèmes d'évaluation et de rémunération ; les médecins du travail et les assistantes sociales sont en effectif réduit. »

Des salariés en «mode panique»

IBM tarde à s'attaquer aux racines des maux depuis que des médecins du travail ont tiré le signal d'alarme. En 2003 d'abord, leur étude a révélé que 44 % des salariés étaient en situation de stress élevé. En cause : la charge de travail, un collectif éclaté avec une hiérarchie parfois à l'étranger, des consultants «sans bureau fixe» plus isolés, un système de notation brutal... En 2006, la situation s'est encore dégradée : sur les 3 500 salariés de La Défense, les deux tiers étaient « en mode panique », selon des syndicalistes, une quarantaine en dépression ou en burn-out. La même année, un consultant de 33 ans se donnait la mort. Comme souvent, cette tragédie a obligé la direction à sortir du déni. Une responsable de la prévention du stress, qui travaillait auparavant au service formation, a été nommée en 2007.

Impuissante à modifier une organisation du travail définie depuis les Etats-Unis, la direction française préfère infléchir les pratiques managériales. Dans le cadre de son plan de prévention du stress (PPS) lancé en 2008, IBM a entrepris de former ses 900 managers. « La formation vise à leur expliquer le stress et à les responsabiliser sans les culpabiliser », explique Tim Stevens. Trente-deux «sessions de travail» sur le modèle des groupes de parole ont en outre réuni les managers et leurs équipes pendant deux jours pour évoquer les facteurs de stress. « Ces sessions peuvent déboucher sur des actions concrètes comme une clarification de l'organigramme dans un service », se félicite Tim Stevens.

Bien que nécessaire, la sensibilisation des cadres à la prévention du stress s'avère pernicieuse dans la mesure où elle leur fait porter seuls le chapeau, sans leur donner les moyens de travailler autrement. « Le PPS fait plutôt figure de plan de propagation du stress, dénonce Bernard Lepers, délégué syndical CGT. La direction continue de nier le fait que l'organisation puisse être source de stress. »

Managers sans moyens

Olivier Galamand, médecin du travail et infatigable lanceur d'alertes, a subi maintes pressions de la direction avant de quitter IBM, fin 2008. Le bilan qu'il dresse des actions entreprises est sombre. « Malgré un message fort de la direction affirmant vouloir s'attaquer au stress, elle n'a pas donné aux managers les moyens de le faire. Par exemple, les directions locales ont toujours refusé que certains cadres dits référents consacrent de leur temps à la prévention du stress. » Pour Olivier Galamand, « la seule chose qui pourrait faire changer les entreprises, c'est qu'elles soient reconnues responsables des pathologies qu'elles provoquent ».

CHRONOLOGIE

Septembre 2003 : les médecins exercent leur droit d'alerte. Leur étude révèle que 44 % des salariés souffrent d'un stress élevé (niveau 6 sur une échelle de 1 à 10) ; 3 % sont proches du burn-out (épuisement professionnel).

Septembre 2004 : la DRH lance un groupe pilote - six membres de la direction, deux médecins du travail, une infirmière et trois secrétaires des CHSCT - chargé de réfléchir à la prévention du stress.

Janvier 2006 : un cadre se donne la mort chez lui. Fait exceptionnel, la Sécurité sociale reconnaît son suicide comme accident du travail.

Une deuxième étude des médecins du travail montre une aggravation de l'état de santé des salariés.

Janvier 2008 : IBM lance son plan de prévention du stress en s'appuyant sur l'expertise du cabinet Stimulus, de Patrick Légeron.

Octobre 2008 : la cour d'appel de Paris reconnaît l'existence d'un risque grave et valide la désignation par le CHSCT du cabinet Syndex pour mener une expertise.