Les entreprises se transforment beaucoup et vite. Elles modernisent leurs outils de travail, se dotent de systèmes d'information performants, renouvellent leurs processus, lancent de grands projets participatifs, valorisent l'innovation. Mais, derrière la mise en place de ces approches nouvelles, bien souvent, les façons de penser n'ont pas évolué. On se retrouve en quelque sorte avec un TGV prometteur, mais les passagers vivent encore à l'âge du charbon. Le hardware de l'entreprise se transforme, mais son software n'évolue pas à la même vitesse. Nous avons collectivement besoin d'une sérieuse mise à jour. L'enjeu de beaucoup d'entreprises se trouve là : renouveler les façons de penser des différents services, afin de se projeter ensemble vers le futur. Et justement, le futur ne se pense pas comme aujourd'hui.
Mise à jour n°1. La collaboration prend le devant de la scène, reléguant au placard les raisonnements traditionnels en territoires. Il n'y a plus de domaine réservé, le partage de l'information irrigue les échanges. La raison en est simple : les problèmes complexes relèvent rarement d'une seule direction, d'autres personnes sont concernées : utilisateurs, clients, décideurs de services voisins, fournisseurs... Quelle décision peut être prise et appliquée intelligemment sans construire avec ces parties prenantes ? Certains adoptent des attitudes défensives et voient d'un mauvais oeil les actions qui empiètent sur leur territoire. Ils n'ont pas compris que le soleil brille pour tout le monde. Empêcher l'autre d'accéder à la lumière ne leur donnera pas plus de visibilité. Vouloir avancer seul pour aller plus vite ne leur procurera pas davantage de succès. La vie dans l'entreprise de demain n'est pas un camembert que l'on partage, où le jeu consiste à s'assurer la meilleure part. Plus on échange, avec un réel esprit de cocréation, et plus le camembert s'élargit.
Mise à jour n°2. La vérité n'est pas partisane. Elle se place rarement du côté des jaunes ou des bleus, elle est plus subtile. Dans beaucoup de situations d'entreprise, la réalité est à multifacettes ; il faut donc volontairement explorer le point de vue des différents interlocuteurs pour tenter de mieux percevoir l'ensemble ; et être prêt à changer d'opinion, si les nouveaux éléments que l'on découvre révèlent une réalité plus nuancée que ce que l'on croyait. Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, dit-on à juste titre.
Rester campé sur ses positions n'est pas un signe d'intelligence. Par rapport au monde de demain, c'est plutôt une marque de fragilité mentale, parce qu'on se raccroche à ses certitudes plutôt que d'explorer la réalité telle qu'elle est. Dans un séminaire que je suivais il y a quelques années sur ces thèmes, l'animateur nous faisait défendre devant un partenaire l'intérêt d'une petite boîte d'allumettes par rapport à une grande. Le partenaire, lui, nous vantait les avantages de la grande boîte. Mais, au cours de l'exercice, sans que nous le sachions au départ, il nous demandait d'inverser nos rôles. C'était un jeu, mais certains participants s'étaient tellement identifiés à la première partie de l'exercice que changer de perspective leur était impossible. Savoir regarder la réalité à partir de points de vue différents, voire divergents, afin de mieux la saisir, est une des clés de l'efficacité de demain.
Dans cinq ans, les entreprises qui réussiront ne penseront pas comme aujourd'hui. Mais, qui se prépare, en faisant consciemment l'effort de collaborer différemment ? Il n'y a pourtant pas de secret : quel que soit leur positionnement dans l'entreprise, les champions de demain s'entraînent déjà aujourd'hui.
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <
