La nouvelle convention collective des grands magasins du Corte Inglés (leaders en Espagne sur le secteur) et d'Alcampo (Auchan) a mis sur le pied de guerre les syndicats de Commissions ouvrières (CC.OO.) et d'UGT. Majoritaires en Espagne, mais minoritaires dans le secteur des grandes surfaces (avec 12 % pour CC.OO. et 14 % pour UGT), les fédérations du commerce de ces deux centrales ne voient pas bien, pourtant, comment elles pourraient modifier la nouvelle réglementation.

Cette convention collective permet, en effet, d'organiser différemment les horaires de travail. Le Corte Inglés a été le premier à se lancer dans une grande réorganisation du travail, suite à un jugement du Tribunal suprême, rendu fin septembre 2008, qui accédait aux revendications de certains syndicats. Ceux-ci avaient, en effet, déposé une plainte pour réclamer que les salariés de Carrefour et de Makro puissent bénéficier d'un nombre minimal de périodes de repos hebdomadaire de 48 heures dans l'année. Ce jugement doit s'appliquer, désormais, à tout le secteur des grandes surfaces. En général, les salariés des grandes surfaces ne disposent souvent que d'une journée ou d'une journée et demie de repos hebdomadaire.

Si les syndicats se sont alors réjouis des conclusions du tribunal, ils en ont profité pendant à peine un an, leur initiative se retournant finalement contre eux. « En septembre, le Corte Inglés nous a convoqués à propos de la convention collective. Mais ils sont allés beaucoup plus loin que la décision du tribunal, et le résultat est terrible », indique Rafael Peinado, secrétaire général de la section syndicale de CC.OO au Corte Inglés.

Concrètement, outre l'augmentation salariale de 2 % pour 2009 et une hausse de 1 % pour 2010, la nouvelle convention introduit un nombre minimum de repos de deux jours entiers, ainsi que des augmentations de rémunération pour les dimanches et jours fériés travaillés. Conséquence : les salariés auront droit à six samedis-dimanches ou dimanches-lundis de repos par an.

« Mais cela veut dire aussi qu'au lieu des 272 jours travaillés par an, il y en aura 12 de moins et il faut donc distribuer le temps de travail autrement », explique Jose Ramón Rincón, secrétaire de l'action syndicale de Fetico, l'un des syndicats majoritaires des grandes surfaces, avec 48 % de représentation.

Le Corte Inglés a trouvé la solution : il concentre, depuis le 1^er novembre, ses 40 000 employés des grands magasins lors des pics d'affluence, entre 11 h 30 et 14 h 30 et entre 18 h 30 et 21 h 30 et allonge la journée de travail des salariés. « Au lieu des 6 h 40 quotidiennes, du lundi au samedi, la journée pourra s'allonger jusqu'à une durée de neuf heures ; et la direction fait d'une pierre deux coups, toutes ces mesures éviteront d'engager du personnel extra pour les périodes de forte affluence, à Noël par exemple », proteste Rafael Peinado. Les syndicats minoritaires critiquent fortement cette nouvelle organisation qui porte préjudice à la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. « Cela faisait des années qu'ils avaient organisé leur emploi du temps et, là, il faut tout recommencer », poursuit Rafael Peinado.

De son côté, Fetico aussi regrette ces changements. « Nous n'avions pas déposé la plainte auprès du Tribunal suprême, nous nous doutions des conséquences néfastes et, surtout, avoir deux jours d'affilée de repos n'était pas forcément une demande spécifique des salariés du secteur », assure Jose Ramón Rincón. Ce dernier essaie, désormais, lors de la négociation de cette convention collective dans chaque entreprise, d'améliorer le texte de base : « Nous tentons, par exemple, de pouvoir bénéficier de trois jours de repos consécutifs pour compenser tous ces changements d'horaires. » En tout cas, la machine est lancée, toutes les grandes surfaces sont en train de suivre le même mouvement que le Corte Inglés.