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Une autre manière de voir ?

Enquête | publié le : 12.01.2010 |

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Une autre manière de voir ?

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Restructurer les Opca sur la base d'une collecte de 100 millions est une chose. L'envisager sous l'angle de «l'intensité d'engagement financier et paritaire» des entreprises et des branches vis-à-vis de leur Opca en est une autre.

Bizarre le tableau ci-contre ? Complexe en tout cas. Explications.

En bleu, les Opca de branche du champ des trois organisations patronales Medef, CGPME et UPA ; en jaune, les Opca de branche «hors champ», dépendant d'autres organisations patronales que les trois citées ci-dessus ; en rouge, les deux Opca interprofessionnels-interrégionaux-interbranches du Medef (Opcalia) et de la CGPME (Agefos-PME) ; en vert, les Opca réunissant aujourd'hui plus de 100 millions d'euros sur leur collecte total 2009 ; en orange, ceux qui font moins et qui doivent, dans la logique de l'actuelle réforme, se restructurer.

Comment sont classés les Opca ? Tels qu'ils apparaissent dans dernière colonne de droite : pourcentage de la collecte plan par rapport à la collecte professionnalisation. Pourquoi ? Parce que la collecte professionnalisation est obligatoire, et les taux, définis par la loi. Alors que la collecte plan dépend d'autres variables : part d'entreprises de moins de 10 salariés devant verser obligatoirement sur le plan de formation, accords de branche fixant des montants de collecte conventionnelle obligatoire pour les entreprises de plus de 10 salariés, pratiques des entreprises versant des parts libres de leur plan, voire au-delà...

Le niveau de collecte professionnalisation est «fixe» et «encadré», il ne dépend pas de la volonté des partenaires sociaux de l'Opca (son usage, en revanche, dépend vraiment de leurs choix).

Construction paritaire

La collecte plan dépend, elle, pour partie, de l'intensité de la construction paritaire de l'Opca (signature d'accords, rôle de la CPNEF, volonté de se forger un destin commun...), et, pour partie, du sentiment de service rendu par l'Opca auprès des entreprises (qualité des prestations, capacité de cofinancement, politique de services...). Le rapport plan/professionnalisation exprime donc une forme «d'intensité d'engagement financier et paritaire» des entreprises et des branches vis-à-vis de leur Opca, et témoigne ainsi d'une culture, d'un historique, d'habitudes... Une branche est, ainsi, plus ou moins «attentive» ou «concentrée» autour de son outil Opca.

Les deux autres colonnes, pour information, rappellent le montant de collecte totale 2009 et son classement ; ainsi que le rapport plan/total et son classement. Le rapport plan/total est également un témoin de l'engagement d'une branche autour de son Opca, mais il peut être parasité par la collecte CIF. Plus la collecte CIF est importante, plus le total augmente et plus le rapport plan/total est faussé. Les Opacif de branche estiment néanmoins, que le fait de garder la collecte CIF, plutôt que de la voir transférée aux Fongecif du fait de la réforme, est un de leurs combats.

Quatre familles

Sur la base du classement des collecteurs selon le rapport plan/professionnalisation, nous avons identifié quatre familles d'Opca, ce qui est évidemment discutable :

- ceux dont la collecte plan vaut plus de trois fois celle de la professionnalisation (Fafsea, Opca2, Unifaf) ;

- ceux dont le montant de la collecte plan atteint entre deux et trois fois celui de la collecte professionnalisation (de Agefomat à FormaHP) ;

- ceux dont le montant de la collecte plan atteint entre une et deux fois celui de la collecte professionnalisation (d'Intergros à Opcaim) ;

- enfin, ceux dont la collecte plan est inférieure à la collecte professionnalisation (de Faf Sécurité sociale à Opca-Banques).

Ce classement permet de questionner à la fois la logique des 100 millions et celle de la place des collecteurs hors champ dans la gouvernance globale de la formation professionnelle, et notamment dans celle du futur Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

Selon l'histoire et les acquis

Au final, le mot Opca a-t-il le même sens partout ? Prenons le cas de deux Opca : l'un atteint 150 millions de collecte, l'autre 114 ; mais le premier affiche un rapport plan/professionnalisation de 252 %, alors que celui de l'autre est de 37 %. L'un n'est pas fondamentalement «mieux» que l'autre, simplement, leurs histoires et leurs acquis sont différents.

Une restructuration des Opca sur la base des 100 millions est dans l'air, mais la loi dit aussi qu'elle doit prendre en compte « leur capacité financière et leurs performances de gestion » ; « la cohérence de leur champ d'intervention géographique et professionnel ou interprofessionnel » ; « leur mode de gestion paritaire » ; « leur aptitude à assurer leur mission compte tenu de leurs moyens » ; « leur aptitude à assurer des services de proximité au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises ainsi qu'à développer les compétences, au niveau des territoires, notamment en milieu agricole et rural » ; ainsi que « la transparence de la gouvernance, la publicité des comptes et l'application de la charte des bonnes pratiques ». Par définition, cela ne peut pas être simple.

Le mercato des Opca

Dans le haut du tableau ci-contre, la «première famille», selon nous, compte trois Opca hors champ. Fafsea (agriculture) n'est pas impacté par la logique des 100 millions et, concernant la problématique du FPSPP, la FNSEA a obtenu, dans la loi, d'en être exemptée : son Opca gérera lui-même l'équivalent des fonds qu'il aurait dû verser au FPSPP.

Opca2 (agroalimentaire coopératif) fait moins de 100 millions, mais on l'imagine mal se rapprocher du Fafsea, avec lequel les synergies métiers sont faibles. On pourrait davantage envisager un rapprochement avec l'Agefaforia (industries agro-alimentaires) sur la base d'une logique métier, celle de la transformation agroalimentaire. Unifaf (économie sociale...) pèse très lourd, mais cherche à se faire entendre auprès du FPSPP. Depuis longtemps, ses organisations patronales demandent à être reconnues comme «quatrième constituante» des organisations patronales représentatives au niveau national. Ce que les trois autres ne lui facilitent pas.

Dans la deuxième famille, Agefos-PME et Opcalia sont hors jeu. Grosso modo, tout bonnement, ils proposent aujourd'hui d'accueillir tous les autres.

Anfa (réparation automobile...) frôle les 100 millions. En revanche, Agefomat (matériel agricole), Opcams (coiffure, artisanat divers...), Opca EFP (enseignement privé) sont petits en termes de masse financière, mais leurs entreprises et leurs branches sont très impliquées autour de leur Opca, comme le traduit leur fort rapport plan/professionnalisation. C'est même un facteur primordial de structuration et d'animation de la vie paritaire. Ils devront trouver des points de chute. Opcad (alimentaire de proximité et de détail), Formapap (papier-carton) sont dans une situation assez proche.

Fafsab (salariés de l'artisanat du bâtiment) devrait s'arranger pour atteindre les 100 millions afin de survivre en tant que tel. A moins que le grand monde du bâtiment et des travaux publics s'unisse et réunisse Opca bâtiment, OpcaTP et Fafsab. Claude Neuschwander, consultant Ten, leur avait conseillé cette solution il y a fort longtemps. Mais, politiquement, entre FNB, FNTP et Capeb, ce n'est pas évident.

Pérennisation de l'Opca

Uniformation (associations, mutuelles...) et Afdas (spectacle vivant, audiovisuel...), tous deux hors champ, cumulent chacun plus de 100 millions d'euros, mais partagent la préoccupation de se faire entendre auprès du FPSPP. Habitat Formation, également hors champ, est à mi-chemin des 100 millions de collecte, mais possède, en revanche, une personnalité forte au travers du poids relatif de sa collecte plan : 2,5 fois sa collecte professionnalisation. Il y a quelques années, Unifaf, Uniformation et Habitat Formation ont envisagé de se rapprocher, mais cela ne s'est pas fait. Et, la semaine dernière, les instances paritaires d'Habitat Formation ont déclaré être décidées à « agir pour la pérennisation de leur Opca non pas jusqu'au 31 décembre 2011, mais au-delà de cette date. Ce positionnement a été constamment confirmé de manière unanime par notre conseil d'administration depuis octobre 2008. De ce fait, aujourd'hui, aucune discussion ou négociation sur le thème d'un rapprochement ou d'une fusion avec d'autres Opca n'a été engagée ni même envisagée ».

FormaHP (hospitalisation privée) est un cas très spécifique. Une logique métier pourrait le rapprocher de l'hospitalisation publique (qui a un collecteur spécifique, l'ANFH, ne figurant pas dans notre tableau), mais les rapports politiques entre ces deux mondes ne sont pas au mieux. L'ANFH est une association paritaire devenue Opca de la fonction publique hospitalière en 2007. Elle assure la gestion et la mutualisation des fonds versés au titre de la formation continue par l'ensemble des établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux publics adhérents.

Logique métier

Dans la troisième famille, le rapport plan/professionnalisation devient moins fort et passe en dessous de 2. Intergros (commerce de gros et international), Forco (commerce), Fafih (industries hôtelières), Opca transports et Opcaim (métallurgie) sont tous au-dessus des 100 millions et ont leurs entrées au FPSPP. Dans la logique de l'actuelle réforme, ils devraient vivre leur vie en tant que tels, sauf surprise. A noter que les rapports plan/professionnalisation de l'Opca transports et de l'Opcaim les rapprochent de la quatrième famille, ceux dont la collecte plan ne dépasse pas la collecte professionnalisation.

Forcemat (matériaux, carrières...), Forthac (cuir, habillement...), FAF propreté, Plastifaf (plasturgie), Opca CGM (industries graphiques), Opciba (bois, ameublement...) vont, eux, devoir trouver des alliances ou des points de chute.

Opca PL (professions libérales) est le seul Opca hors champ de cette famille. Il cumule moins de 100 millions de collecte, mais rassemble une foule d'entreprises de moins de 10 salariés. Lui trouver un secteur proche en termes de logique métier semble impossible. Un accord technique avec un autre collecteur (GIE ou conglomérat, lire p. 29) sera peut-être la solution.

Conglomérat possible

La quatrième famille est celle des paradoxes. Fafiec (conseil, études, ingénierie...), Faf TT (travail temporaire) et Opca C2P (chimie, pétrole, pharmacie) dépassent les 100 millions, mais leur rapport plan/professionnalisation est bien moindre que celui d'autres Opca du champ. L'Opca y est moins central dans la construction des plans de formation. Mais ces secteurs ont souvent des plans de formation internes bien nourris. Dans ce cas, l'Opca joue surtout le rôle de financeur de la professionnalisation (période, DIF, contrat), mais c'est un rôle donné par la loi et non par la construction paritaire.

Point de chute

Opcassur (assurance) et Opca- banques sont dans la même logique. Des plans de formation internes bien nourris depuis longtemps, un rôle de l'Opca essentiel en matière de financement de la professionnalisation. En se rapprochant, Opcassur et Opca-Banques atteindraient tout juste les 100 millions d'euros de collecte.

Restent quatre Opca hors champ. Faf Sécurité sociale et GDFPE-Agecif Cama (crédit agricole) sont des cas très spécifiques dont l'avenir dépend en partie du statut de leur secteur d'appartenance. Notons que, pour tous les deux, le poids de la collecte CIF est important. Auvicom (télécoms) et Médiafor (presse écrite) devront, eux aussi, trouver leur solution.

L. G.