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Les pratiques

Les employés de seconde classe des drogueries Schlecker

Les pratiques | publié le : 16.02.2010 |

Le «scandale Schlecker» illustre les conditions de travail et de rémunération des intérimaires, et les pratiques de création d'agences d'intérim par des entreprises de tous secteurs, pour contourner les accords couvrant les salariés.

Il aura fallu les propos musclés lors d'une émission télévisée, le 10 janvier 2010, de la nouvelle ministre de l'Emploi et des Affaires sociales, Ursula von der Leyen, pour que l'opinion publique prenne enfin conscience des pratiques de dumping salarial des drogueries Schlecker et que ces dernières opèrent une volte-face.

Selon le syndicat des services Verdi, Schlecker, leader européen de la droguerie avec 14 000 points de vente et 52 000 salariés, remplace de manière systématique une partie de ses «salariés maison» par des travailleurs intérimaires deux fois moins payés, selon un habile procédé. Ainsi, depuis un an, l'entreprise ferme une partie de ses petits magasins et les remplace par des grandes surfaces de vente, gérées par une nouvelle société «indépendante», Schlecker XL GmbH.

Un choix biaisé

Les salariés des magasins fermés ont alors le choix entre le chômage ou une embauche dans l'entreprise d'intérim Meniar, également «indépendante»... mais ne travaillant que pour Schlecker XL GmbH. Pour le même travail, ils perçoivent des salaires réduits de 30 % à 50 %. Car, pour rémunérer son personnel, Meniar s'appuie sur les tarifs négociés avec un petit syndicat chrétien (environ 6 euros l'heure), inférieurs de 30 % à 50 % aux salaires fixés par les principaux accords collectifs du secteur, conclus avec le syndicat Verdi (environ 12 euros l'heure). Verdi estime à environ 4 300 le nombre de travailleurs intérimaires envoyés par Meniar chez Schlecker.

Après l'intervention de la ministre des Affaires sociales, le réseau de drogueries a certes annoncé l'abandon de cette pratique, mais s'estime victime d'une « campagne de diffamation ». Et, selon, la Confédération des syndicats allemands DGB, Schlecker est loin d'être un cas isolé.

Pratiques courantes

Depuis la libéralisation, en 2003 de la loi réglant l'emploi des intérimaires par l'ancien gouvernement Schröder, de plus en plus d'entreprises créent leur propre agence d'intérim pour contourner les accords collectifs. « Il n'est pas rare que les mêmes salariés reviennent par ce biais à leur ancien poste de travail, mais pour un salaire bien inférieur et avec des conditions de travail moins avantageuses », explique Claudia Weinkopf, directrice de l'Institut du travail et des qualifications (IAQ) de l'université Duisburg-Essen, ajoutant que ces pratiques ont lieu dans presque toutes les branches. Alois Baumgarter, directeur du conseil du diocèse de Munich, dresse un même constat. De nombreuses entreprises (Deutsche Bahn, Deutsche Telekom, Münchner Flughafen...) ont fondé, selon lui, leur propre société d'intérim pour pouvoir recourir à une « main-d'oeuvre flexible de seconde classe », contribuant ainsi à la naissance d'un « nouveau prolétariat ».

Ces pratiques ne sont pas illégales. Si les travailleurs temporaires doivent être autant rémunérés que les salariés fixes, selon le principe «à travail égal, salaire égal», la règle ne s'applique pas quand l'intérimaire est couvert par un accord collectif signé par l'entreprise d'intérim qui l'emploie. Ce qui est le cas pour environ 95 % des intérimaires.

Face à cette situation, le DGB a de nouveau exhorté le gouvernement à donner son feu vert à l'instauration d'un salaire minimum légal dans le secteur de l'intérim et à imposer le respect du principe de l'égalité de traitement. Les syndicats espèrent aujourd'hui que l'affaire Schlecker va, enfin, permettre d'améliorer le sort des travailleurs intérimaires.