Le travail de Philippe d’Iribarne continue de faire référence quand on s’intéresse à l’influence des différences culturelles sur le management des entreprises. Son nouvel ouvrage choisit comme champ d’étude le cimentier Lafarge, présent dans plus de 70 pays. Tôt ou tard, explique l’auteur, toute entreprise multinationale se trouve partagée entre le souci de respecter la diversité culturelle de ses entités et celui de diffuser dans l’ensemble du corps social de l’entreprise quelques valeurs universelles qui irriguent la culture du groupe. On mesure la difficulté de la tâche dans la comparaison du vocabulaire et du style employés sur les rives françaises et américaines pour promouvoir les mêmes valeurs d’entreprise. Le texte originel est le même, mais ce sont deux conceptions de la vie en société qui se dévoilent. « Aux États-Unis, une image marchande de la vie en société se combine à une image communautaire. Or l’une et l’autre image suscitent une vive réticence en France. » Que dire, alors, quand l’entreprise opère en Chine, où l’on attend de la retenue de la part de ses collaborateurs et où il est mal vu de se mettre trop en avant ? L’auteur souligne qu’en Chine « on a affaire à un rapport plutôt instrumental à l’entreprise », tandis qu’en France on cultive un scepticisme affirmé à l’égard de toute démarche par laquelle une entreprise vise à transmettre des valeurs. Conclusion : « Si une entreprise ayant ses racines en Occident entend promouvoir ces valeurs de par le monde, elle risque fort, en bien des lieux, d’être incomprise et mal reçue. » Bref, les spécialistes du management culturel ont du pain sur la planche.

L’Épreuve des différences. L’expérience d’une entreprise mondiale, Philippe d’Iribarne. Éditions Seuil, collection « La Couleur des idées ». 166 pages, 17 euros.