Dans Travailler à en mourir deux journalistes, Paul Moreira et Hubert Prolongeau, reviennent sur la série de suicides qui endeuilla le Technocentre de Renault, à Guyancourt. Ils font parler les conjoints et collègues des suicidés, montrent comment les nouveaux objectifs fixés par le P-DG, Carlos Ghosn, à sa prise de fonction se sont traduits par une course à la productivité et à l’innovation qui, pour certains salariés fragiles, ont pu se transformer en une sorte de « harcèlement institutionnel ». Moreira et Prolongeau dénoncent le projet du P-DG, le fameux « contrat 2009 », qui constitua une sorte de « traitement de choc » pour l’ensemble de l’organisation. « Les auditeurs transversaux, matriciels, deviennent de plus en plus importants, raconte le livre. Ils cherchent des problèmes. Armés d’un carnet, ils viennent, ils regardent, et ils relèvent les insuffisances. » Leur reporting circule dans l’entreprise « avec une quantité de mises en copie suffisante pour faire naître la culpabilité chez les moins placides ou les plus exposés ». Dépassant le cadre de Renault, Moreira et Prolongeau mettent en cause la forme moderne de gestion des ressources humaines, qui mobilise désormais non seulement le savoir-faire, mais aussi le « savoir-être » des salariés. Avec le risque que se confondent la mise en cause du premier avec celle du second. Quant à l’ouvrage d’Yvan du Roy, intitulé Orange stressé, il décrit avec une glaçante précision le portrait d’un groupe écartelé entre deux cultures, privée et publique, qui a mis en place en son sein un système de stress à grande échelle.

Travailler à en mourir, Paul Moreira et Hubert Prolongeau. Éd. Flammarion, coll. « Enquête ». 246 pages, 20 euros.

Orange stressé, Ivan du Roy. Éditions La Découverte, collection « Cahiers libres ». 252 pages, 15 euros.