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Métropoles

Dix figures lilloises du social et de l’emploi

Métropoles | publié le : 01.01.2010 | A. F.

Ils sont avocats, DRH, syndicalistes, chefs d’entreprise ou universitaires et pleinement impliqués dans la sphère sociale de l’agglomération nordiste.

PATRICK TILLIE, AVOCAT
Le soutien de la CGT et des salariés

Voilà l’avocat roubaisien qui fait trembler les patrons nordistes. Pensez, à 14 ans, collégien boursier, Patrick Tillie gagnait déjà un premier prix d’éloquence. Depuis 1977 qu’il l’a mise au service de la CGT du Nord, des comités d’entreprise et des salariés, nombre d’employeurs s’en souviennent : le groupe Metaleurop, dont il fait reconnaître la responsabilité sociale dans la liquidation de la fonderie de Noyelles-Godault (avant jugement contraire de la Cour de cassation) ou les 3 Suisses récemment. À 57 ans, Patrick Tillie n’a rien renié de son engagement dans la défense des droits des salariés. C’est viscéral : fils de syndicaliste, il a été marqué par les discriminations subies par son père. Au point d’abandonner une carrière universitaire et de fonder avec Daniel Joseph un cabinet, de 11 avocats désormais. « Au début, nous faisions plus de droit pénal que social », rappelle l’intéressé, qui n’a eu de cesse d’étoffer le second. En matière de discrimination, de restructuration et, aujourd’hui, de modification du contrat de travail. Mais il garde du temps pour représenter le Mrap ou les victimes des fauteuils allergènes de Conforama : « Mon plaisir est de défendre des personnes et, derrière, les causes. »

CHRISTINE JUTARD, DRH DE KIABI
La distribution, c’est son rayon

Depuis qu’elle a pris la direction des ressources humaines de Kiabi, mi-2009, cette quadra passe beaucoup de temps à l’étranger. D’ici à 2011, le spécialiste du prêt-à-porter familial va presque doubler le nombre de ses magasins, entre la France, l’Europe du Sud, la Russie et la Roumanie. À la clé, plus de 2500 recrutements. « Je continue à faire du développement des ressources humaines », s’enthousiasme cette diplômée de l’ESC Bordeaux, qui n’a connu que des entreprises ch’ties en croissance. Décathlon, d’abord, où elle a gravi les échelons, de la direction d’un rayon jusqu’aux RH groupe. Cofidis, ensuite, où elle a accompagné en trois ans 300 recrutements et renforcé la politique d’égalité des chances envers les personnes handicapées et les seniors. Autant de sociétés qui misent sur la promotion interne et la responsabilisation des salariés. « Le manager ne doit pas manager que du chiffre d’affaires ou des clients, il a un rôle essentiel d’animation d’équipes. » Cette culture, Christine Jutard compte bien la transférer. De quoi alimenter les débats des clubs RH d’Entreprises et Cités, où elle est très impliquée.

BRUNO PLATEL, AVOCAT
Le conseil des patrons

La défense des entreprises, bien sûr, mais surtout une démarche de conseil pour prévenir les contentieux. C’est 75 % de l’activité de Bruno Platel, et ce qui fonde sa notoriété sur la scène nordiste. Gros bosseur, rigoureux, joignable à tout moment, cet avocat de 40 ans a rendu incontournable auprès du patronat sur tous les sujets de droit social le cabinet Capstan, devenu en dix-sept ans le plus important de la place, avec 12 avocats.

Parmi ses sujets de prédilection, les restructurations. « Leur accompagnement appartient au quotidien », note ce Lillois qui intervient de plus en plus en relations sociales. Les demandes explosent à mesure que se judiciarisent les relations de travail. Ancien du CJD nordiste, ardent promoteur d’un libéralisme responsable, il y voit une prise de conscience. « Les entreprises se rendent compte des limites du paternalisme et de la nécessité de privilégier un cadre construit de relations sociales. » Rien de déplaisant pour ce « passionné de négociations collectives ». Avec un père délégué syndical CGT, il a été aux premières loges, mais a choisi son camp : la défense des entreprises qui, ici plus qu’ailleurs, ont une sainte horreur de la médiatisation.

ANDRÉ DUPON, PRÉSIDENT DU GROUPE VITAMINE T
L’entrepreneur social

Personne n’est inemployable. » C’est le leitmotiv d’André Dupon, 52 ans, président de Vitamine T (T pour travail), l’un des plus gros employeurs nordistes avec ses 13 entreprises d’insertion, 2 600 salariés dont 2000 en parcours d’insertion. Cinq fois plus que lorsque cet ex-directeur d’office HLM a pris les manettes. C’est sa « fierté ». En quinze ans, il a fait de l’entreprise de BTP un groupe d’insertion par l’activité économique inédit, par sa taille, sa capacité à défricher et à rentabiliser de nouvelles activités. « Dès que j’ai créé, je m’ennuie », explique ce fils de mineur qui met en tout la même énergie. Jusqu’à apprendre la langue fon pour vivre sa passion du Bénin. Chez Vitamine T, il a professionnalisé l’encadrement et resserré les liens avec les entreprises au conseil d’administration : Décathlon, Rabot Dutilleul… Il a aussi réuni tous les réseaux de l’insertion à l’Union régionale, qu’il préside. Il rêve d’en faire un outil de GPEC, pour mettre plus de cohérence dans les parcours d’insertion entre structures.

AGNÈS LE BOT, SECRÉTAIRE DU COMITÉ RÉGIONAL CGT
La cégétiste réformatrice

Secrétaire du comité régional de la CGT depuis 2007, Agnès Le Bot mesure la montée en puissance des politiques territoriales sur l’emploi. « C’est un défi énorme pour le syndicalisme. S’il n’adapte pas son organisation pour refléter la réalité du salariat et peser sur les politiques territoriales, il joue son avenir », assène cette native de Fourmies, 40 ans, partisane d’une refonte de l’organisation cégétiste. Elle a animé les débats sur le sujet au congrès de Nantes. Secrétaire à l’organisation durant deux mandats à l’UD du Nord, elle a réussi à stabiliser les effectifs à 35 000 adhérents. Au comité régional, elle a arraché l’aval de la rouge fédération du Pas-de-Calais pour signer le pacte territorial de continuité professionnelle. « Une signature offensive. Nous devons être présents pour que les dispositifs soient élaborés dans l’intérêt des salariés », précise Agnès Le Bot, qui vient d’intégrer le bureau confédéral de la CGT (voir aussi page 11). Estampillée nouveau visage réformateur, elle n’a d’autre expérience du privé qu’un job d’hôtesse d’accueil au complexe Kinépolis de Lomme pendant ses études…

JEAN-PIERRE GUILLON, D’ENTREPRISES ET CITÉS
Le décloisonneur patronal

Pour résumer sa vision de l’économie, et son parcours, Jean-Pierre Guillon, 66 ans, n’a qu’un mot : « mutation ». « J’ai vite compris que les acteurs sociaux sont plus à l’aise dans l’analyse des conséquences que dans la simple analyse », note l’ex-DRH des Forges Dembiermont. Frappé par l’immobilisme du patronat durant la crise de la sidérurgie, il l’a incité au décloisonnement, pour initier des stratégies de développement et faire foisonner les idées. Son outil, la Maison des professions, rebaptisée Entreprises et Cités, qui est devenue le réseau des réseaux patronaux nordistes et un mode d’animation du monde économique. Une organisation qui, depuis vingt-cinq ans, n’a pas d’équivalent. À la fois regroupement de 35 professions pour plus de 4 200 entreprises, centre de conseil, de formation, de services (juridiques, RH, financiers) et lieu de rencontres. Les politiques passent sur ce campus. Le Comité Grand Lille en a fait son siège.

Comme le Medef régional, que le très influent Jean-Pierre Guillon préside depuis 1994. Des critiques sur le mélange des genres, il n’a que faire. « Ma fierté est de ne pouvoir être rangé dans aucune catégorie mais d’interpeller », note ce Parisien qui a modernisé l’image du patronat local.

MARTIAL BOUTON, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’ALLIANCE EMPLOI
Combattant antiprécarité

L’immobilisme, Martial Bouton ne connaît pas. Depuis que ce quinqua a pris la tête, fin 2008, du groupement interprofessionnel d’employeurs Alliance Emploi, il rayonne pour promouvoir ce dispositif « mal connu » qui, en mutualisant les besoins saisonniers des entreprises, permet de créer des emplois en CDI. Arpentant les CCI de la région. Allant jusqu’à l’Assemblée nationale, où la proposition de loi déposée mi-2009 pour lever les freins à la création des groupements d’employeurs « a été oubliée ». « Ils participent à la déprécarisation de l’emploi », martèle l’ancien DRH passé par Pechiney, Bouygues et des sociétés de HLM. Sa meilleure carte de visite : les 690 salariés – dont 84 % en CDI – employés dans les six antennes d’Alliance Emploi. Le plus gros groupement d’employeurs français, fort de 300 entreprises adhérentes. Renégociation de la mutuelle, accord de GPEC avec mise en place d’un passeport formation, engagement à recruter des seniors…, il veut en faire un exemple. Mais son principal fait d’armes est d’avoir évité, malgré la récession, l’effondrement des mises à disposition de salariés, à force de rencontrer les entreprises.

JEAN-CLAUDE BLANQUART, DÉLÉGUÉ SYNDICAL CFDT DE LA REDOUTE
Le panseur de plaies

Malheureusement », Jean-Claude Blanquart n’a pas été surpris, fin 2008, par l’annonce d’un plan social à La Redoute. « Nous vivons une restructuration continue depuis sept ans », soupire le délégué syndical CFDT du leader de la vente à distance, qui vacille face à la montée d’Internet et au déclin des ventes sur catalogue papier. C’est l’ampleur des suppressions de postes (672) qui a estomaqué ce chauffeur, entré il y a trente-trois ans dans la maison roubaisienne, et l’a poussé à la résistance médiatique. À 54 ans, il a fait son premier direct sur France 3 Régions, la voix cassée d’avoir trop crié dans les manifestations. Un « passage obligé » pour bonifier le plan social et… arracher des préretraites, cofinancées par le groupe et l’Unedic. Il n’en est « pas fier ». Mais « remettre des personnes de 40-50 ans dans un bassin d’emploi sinistré, c’est les condamner au chômage ». Pas plus qu’il ne fanfaronne d’avoir ensuite signé un plan de départs volontaires, puis son extension. « Il faut savoir écouter les salariés, ils sont usés et n’y croient plus. Et mieux vaut des départs voulus que contraints », plaide ce syndicaliste de terrain qui a multiplié par dix le nombre d’adhérents CFDT depuis 1999. Et ne craint aujourd’hui qu’une chose : un nouveau plan social.

SÉBASTIEN RICHARD, RESPONSABLE DU MASTER MANAGEMENT DES RH DE LILLE I
Le développeur de DRH

Les tours d’ivoire, ce n’est pas le truc de Sébastien Richard. Responsable pédagogique du réputé master Management des ressources humaines, abrité à Lille 1, il l’a ouvert à l’alternance peu après son arrivée, à la rentrée 2007. « Pour répondre à la demande des entreprises » et des candidats, plus de 400 frappant à la porte chaque année pour 50 places. Et il a initié un suivi personnalisé sur leurs lieux de travail. « Voir les contraintes économiques auxquelles sont soumises les entreprises peut avoir des implications directes sur le contenu pédagogique », note ce diplômé d’économie, auteur d’une thèse sur les incitations à l’effort. Depuis deux ans, le master a renforcé certaines matières opérationnelles : droit du travail, audit social ou relations sociales. Mais pas de professionnalisation à outrance. Sébastien Richard défend la mixité de l’équipe pédagogique, pour moitié constituée d’universitaires. « Ils permettent aux professionnels de prendre du recul », plaide le Nordiste qui prépare depuis deux ans la fusion avec le master MRH dédié à la recherche.

FRÉDÉRIC LAMBIN, PRÉSIDENT DE L’ÉCOLE DE LA 2E CHANCE (E2C)
Le chantre de l’égalité des chances

Les grands discours, très peu pour lui. Président de l’école roubaisienne de la 2e chance, Frédéric Lambin, 46 ans, se bat pour insérer les 16-25 ans non qualifiés. Enthousiaste face à la prochaine augmentation des capacités d’accueil (de 100 à 1 000 places), il rappelle vite que « ce n’est qu’une goutte d’eau : 10 000 jeunes sortent sans diplôme chaque année dans la région ». Il connaît le sujet pour avoir initié la création de l’E2C au sein de la CCI lilloise. « J’étais l’Azouz Begag local ! » note ce fils d’enseignants communistes allergique à toute forme de discrimination. Son cabinet de conseil en RH suit les seniors et les personnes handicapées. Président régional de la CGPME de 2002 à 2009, il a signé un accord avec la CFDT favorisant l’embauche des immigrés dans les zones franches de Roubaix. « Les PME privilégiaient par réflexe les Français du cru », rappelle ce récent partisan d’une discrimination positive. Désormais président de Lille Grand Palais, le conseiller municipal MoDem n’oublie pas son combat. « 1 euro investi dans le tourisme d’affaires, c’est 8 euros récupérés dans la métropole. » Et, espère-t-il, des opportunités d’emploi pour les sans-diplôme.

Auteur

  • A. F.