logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Activistes de la RSE

Dossier | publié le : 01.03.2010 | Cécile Thibaud, Thomas Schnee

L’espagnol Inditex collabore avec les syndicats pour veiller au grain et impliquer les organisations locales. L’allemand Metro mise surtout sur les contrôles chez ses sous-traitants.

ESPAGNE

Inditex, un exemple de conduite à suivre

Les ouvriers de l’usine textile Topy Top à Lima, au Pérou, ne demandaient pas la lune. Juste des conditions de travail décentes. Pour échapper aux douze heures par jour devant les machines à coudre, sept jours sur sept, payés 42,50 euros mensuels, avec contrats de travail de trois mois, renouvelables… ou non. Mais quand, en décembre 2006, ils s’organisent en syndicat, Topy Top, l’un des plus gros fabricants péruviens de textile, ne fait pas dans la demi-mesure : 93 supposés « meneurs » du mouvement sont licenciés entre mars et juin 2007. C’est en Espagne que se joue le deuxième acte. Topy Top, qui exporte 70 % de sa production, compte parmi ses plus gros clients Gap et, surtout, Inditex (propriétaire de Zara). Les syndicalistes péruviens licenciés lancent un appel aux syndicats internationaux. Fiteqa, la fédération des industries textiles et chimiques du syndicat espagnol Commissions ouvrières, majoritaire chez les salariés d’Inditex, réagit sur-le-champ. La direction du groupe est alertée des agissements de son fournisseur. « Tout est allé très vite », se souvient Isidor Boix, responsable de l’action syndicale internationale et de la coopération pour Fiteqa. Il se rend sur les lieux avec Javier Chércoles, le directeur du département RSE d’Inditex. En une semaine, tout est réglé. Les 93 licenciés sont réintégrés, le syndicat péruvien est officiellement reconnu comme interlocuteur par la direction de l’usine et des négociations sur les conditions de travail sont ouvertes.

Personne n’attendait Inditex sur ce terrain-là. La multinationale du textile, née en 1975 en Galice, dans l’ouest rural de l’Espagne, s’est plus fait une réputation sur la rapidité de ses délais de fabrication et sa rigueur logistique que sur sa défense des droits de l’homme. Contrairement à d’autres grands du secteur, l’entreprise ne communique pas sur ses actions solidaires ou ses engagements humanitaires. Et pourtant, à la suite de cette affaire, Inditex signe, le 4 octobre 2007, un accord pionnier avec la Fédération syndicale internationale du textile, la FITTHC, un code de bonnes pratiques pour garantir le respect de conditions de travail décentes chez ses quelque 2 000 fournisseurs à travers le monde. Les signataires s’engagent à « œuvrer ensemble pour assurer le respect […] de toutes les normes internationales du travail à tous les échelons de la filière d’approvisionnement d’Inditex ». Le code n’est pas né du hasard, mais du choc provoqué, en 2005, par la mort de 60 ouvriers dans l’effondrement d’une usine, au Bangladesh, qui travaillaient en sous-traitance pour Inditex (mais aussi pour Carrefour et KarstadtQuelle, devenu Arcandor). Fini la politique de l’autruche. C’est une sorte de proclamation de « devoir d’ingérence »: le groupe espagnol annonce une collaboration avec les syndicats pour veiller au respect sur le terrain des engagements pris sur le papier. Non seulement le texte prohibe le travail des enfants et limite la durée du temps de travail, mais il introduit la notion de « salaire minimum vital », parfois supérieur au salaire minimum légal en vigueur dans certains pays. Plus de 300 fournisseurs qui ne respectaient pas leurs engagements ont été radiés ces dernières années.

Implication du commanditaire. Pour les organisations syndicales, l’engagement d’Inditex en matière de RSE est l’exemple à suivre : quand un problème surgit dans un atelier à l’autre bout du monde, l’alerte est donnée, le constat est fait, les mesures sont prises en quelques jours, comme cela s’est passé lors d’un récent conflit dans l’usine péruvienne Textil San Cristobal, fournisseur d’Inditex. Alors que le même type de conflit a duré seize mois au sein de l’usine Desa, en Turquie, fournisseur de Prada, Marks & Spencer, Mulberry et Samsonite, entre autres. « Ce qui fait la différence, c’est l’implication du commanditaire pour faire comprendre à ses fabricants qu’ils ont tout à gagner à améliorer les conditions de travail et de vie de leurs employés », souligne Isidor Boix, de Fiteqa.

Paradoxalement, Inditex avait eu, depuis ses débuts, une politique sociale plutôt paternaliste, méfiante à l’égard des syndicats. Mais Isidor Boix a trouvé le très efficace Javier Chércoles, directeur du département RSE d’Inditex. « Peu à peu, nous avons travaillé ensemble sur des missions au Maroc, au Portugal ou en Turquie. Nous sommes intervenus à chaud comme médiateurs dans les conflits sociaux au Cambodge ou au Pérou… L’important est moins d’écrire un code éthique que de se donner les moyens de l’appliquer. Il faut convaincre tout le monde, pouvoir faire des audits avec intervention syndicale, des réunions de formation. » Et savoir rester à sa place, celle d’un syndicat espagnol dont le rôle est d’impliquer les syndicats locaux, les aider à trouver les moyens de se former pour être en situation de négocier et d’agir. Sans faire de paternalisme syndical.

ALLEMAGNE

Le groupe Metro renforce les contrôles

Le groupe de distribution allemand Metro pensait avoir déjà tout fait pour mériter les palmes de l’excellence dans le domaine de la RSE. Présent dans 32 pays (270 000 salariés), il s’est doté d’une charte de développement durable dès la fin des années 90. Celle-ci fixe notamment le cadre « social » minimal exigé par l’entreprise pour ses sous-traitants (respect des standards de l’OIT, salaires et temps de travail décents…). La multinationale a ensuite lancé des programmes de formation pour ses producteurs et sous-traitants. Aujourd’hui, des groupements de pêcheurs indiens et pakistanais apprennent à mieux respecter les réserves des océans ou à améliorer la chaîne du froid. Les maraîchers égyptiens s’entraînent à diminuer les temps de livraison afin de réduire leurs pertes pendant que les bouchers russes découvrent une production plus biologique.

Mais, en 2008, est survenu le décès de Fatema Akter. Atteinte de fièvre et de coliques chroniques, cette jeune couturière de 18 ans s’était vu refuser de quitter le poste de travail qu’elle occupait soixante-dix heures par semaine. Frappée par un supérieur hiérarchique et transportée tardivement à l’hôpital, la jeune fille y décédait trois jours plus tard, épuisée, sous-alimentée et déshydratée. Le fabricant de jeans R.L. Denim, son employeur, livre 80 % de sa production au groupe Metro. Pris au dépourvu, celui-ci n’a vraiment réagi que sous la pression d’une campagne organisée par plusieurs ONG occidentales : « Lors d’un contrôle effectué il y a quatre ans, nous avons constaté des manquements importants. Nous aurions dû contrôler un an plus tard si tout avait été mis aux normes. Cela n’a pas été fait », a finalement reconnu un porte-parole du groupe en annonçant la cessation de toute relation avec R.L. Denim. En juin 2009, Frans Muller, responsable des achats du groupe Metro, rectifiait le tir en expliquant que l’arrêt des relations commerciales entre son entreprise et son sous-traitant R.L. Denim serait une erreur et ne concordait pas avec les engagements pris. Il promettait alors de régler l’ensemble des problèmes sociaux et salariaux existants chez R.L. Denim et, de manière générale, de doubler les procédures de contrôle des standards sociaux chez les sous-traitants du groupe. En septembre 2009, Metro créait aussi un « conseil du développement durable », directement subordonné au P-DG du groupe : « Notre objectif est un meilleur contrôle et une meilleure mise en réseau de nos activités de RSE », explique Marion Sollbach, responsable de la RSE chez Metro : « Il nous manquait une définition claire des responsabilités et un comité capable de piloter nos nombreuses activités et d’implanter la logique du développement durable dans toute l’entreprise. »

Depuis l’affaire Akter, le groupe multiplie les initiatives de RSE. En décembre dernier, il a inauguré un partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Unido) afin de former ses sous-traitants. Et s’est affilié à plusieurs associations d’autocontrôle telles que Business Social Compliance Initiative (respect des standards sociaux) ou encore Globalgap (promotion des bonnes pratiques agricoles).

Auteur

  • Cécile Thibaud, Thomas Schnee