logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

Défense de la valeur travail

Idées | Livres | publié le : 01.04.2010 | Jean Mercier

Image

Défense de la valeur travail

Crédit photo Jean Mercier

Qu’est-ce qu’un “bon” travail, susceptible de vous apporter à la fois la sécurité et la dignité ? »: la question est banale, mais la réponse apportée par ce livre ne l’est pas. D’abord, du fait de la personnalité de son auteur, Matthew B. Crawford, qui se présente ainsi : philosophe et réparateur de motos. Après avoir décroché un doctorat d’histoire de la pensée politique à l’université de Chicago puis travaillé dans un think tank de Washington, il décida un jour de vivre de ce qui lui apportait le plus de satisfaction, la réparation de motos. Fort de cette expérience, il soutient aujourd’hui encore que le travail manuel est le plus, voire le seul, productif et le plus propice à la réalisation de soi. Son essai met en avant la distinction entre les « services personnels » et les « services impersonnels ». Les premiers passent par un face-à-face, comme le médecin avec son patient : ils sont pratiquement imperméables au risque de délocalisation. En revanche, il y aurait 30 à 40 millions d’emplois américains potentiellement délocalisables dans la seconde catégorie de services, dans laquelle figure aussi bien des scientifiques, des mathématiciens que des opérateurs de téléphonie ou des secrétaires. Déconnectés de toute réalisation concrète, pour la plupart, les cadres dirigeants se trouvent en permanence dans l’univers fluide et incertain du « travail intellectuel ». Ils doivent pouvoir s’adapter à des évolutions constantes sans être mis en contradiction avec ce qu’ils ont dit auparavant, ce qui expliquerait le caractère vide et aseptisé de leur discours. « La langue des managers ressemble à celle des bureaucrates soviétiques », n’hésite pas à écrire l’auteur. Pour lui, « lorsque l’activité n’est gouvernée par aucune tâche concrète – par un bien autonome visible aux yeux de tous –, les rapports sociaux dans l’entreprise sont dépourvus de base solide ».

D’où la recherche dans les loisirs de sensations extrêmes pour se sentir à nouveau exister au travers d’une activité nécessitant un engagement totalement personnel. On ne s’étonnera pas que Crawford lie la dépersonnalisation du métier de banquier à la crise des subprimes, allant même chercher le renfort de Heidegger pour affirmer qu’il y a « toujours une dimension d’investigation morale qui plane autour de nos activités pratiques ». Un livre novateur.

Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B. Crawford.

Éditions La Découverte, collection « Cahiers libres ». 250 pages, 19 euros.

Auteur

  • Jean Mercier