La « juridiciarisation » du social est un thème souvent évoqué par le patronat, les dirigeants se plaignant de l’incertitude qu’elle fait peser sur des actes managériaux considérés parfois comme indispensables à la survie de leur entreprise. Vus du côté syndical, les tribunaux servent de dernier rempart aux droits du salarié, quand le rapport de force est trop en sa défaveur. C’est ce versant de l’intervention du pouvoir judiciaire que Françoise Champeaux, rédactrice en chef de la Semaine sociale Lamy, et Sandrine Foulon, rédactrice en chef adjointe de Liaisons sociales magazine (deux titres de Wolters Kluwer France), ont choisi d’illustrer. La première partie du livre est consacrée au dossier Metaleurop, devenu le symbole du comportement de « patrons voyous ». Un combat judiciaire de huit ans, qui se terminera en demi-teinte pour les fondeurs de plomb. La bataille de l’amiante a pris une autre tournure, puisqu’elle est parvenue, en 1996, au bannissement de ce type de minéraux. Victoire historique due à l’investissement de deux cabinets d’avocat et au travail d’une association, l’Andeva, qui a su faire sortir le dossier de son anonymat. Beaucoup plus ambiguë est l’émergence du harcèlement moral dans l’arsenal du droit social. Les auteures montrent comment la multiplication des plans sociaux depuis 2008 a fait subir au harcèlement moral un « glissement sémantique ». Désormais, il est absorbé par le phénomène plus large des risques psychosociaux, dont les suicides chez Renault et France Télécom ont été les plus brutaux révélateurs. Un livre précieux pour comprendre la mutation profonde des relations du travail qui n’avait jamais été remise en perspective avec un tel luxe de détails.

Dernier Recours. Le monde du travail devant les tribunaux, Françoise Champeaux et Sandrine Foulon.

Éditions Seuil. 310 pages, 20 euros.