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Enquête

Une inflation de contentieux

Enquête | publié le : 02.11.2012 | E. S.

Non-respect du smic, heures sup non payées…, la grande distribution prend ses aises avec le Code du travail.

Des semaines de soixante heures payées trente-huit ! Employée au contrôle de gestion dans un hypermarché, Marie* est multitâche. Mise en rayon de 6 heures à 9 heures, inventaires, décorations de Noël… En cinq ans, la jeune femme a cumulé plus de 900 heures supplémentaires non payées et non récupérées. « Au-delà de 44 heures, c’est offert à la société. Ça fait partie de la culture d’entreprise. Il n’y a pas de badgeuse, c’est le directeur qui décide de l’heure de départ. Si on refuse, il menace de trouver quelqu’un d’autre », confie-t-elle. Marie a tenu jusqu’à l’épuisement. En cours de licenciement pour inaptitude, elle réclame devant les tribunaux six mois de salaire en guise de compensation. Des cas comme celui de Marie, il y en a plein les rayons. Des managers embauchés au forfait jours, qui bénéficient de RTT, mais aux horaires élastiques pour coller aux exigences des clients. « La plupart du temps, l’enseigne transige pour éviter le conseil de prud’hommes. Les rappels de salaire peuvent aller jusqu’à 25 000 euros », précise Anne-Marie Coat, DSC chez Casino. Le 20 septembre dernier, la Cour de cassation a rappelé qu’un responsable de magasin, obligé d’être présent aux heures d’ouverture et de fermeture, ne dispose d’aucune autonomie dans la gestion de son temps. En conséquence, le forfait jours ne se justifie pas. Et ses heures supplémentaires doivent être payées.

Brisant la loi du silence, les salariés n’hésitent plus à porter leur courroux devant les tribunaux. Comme en témoigne le procès-fleuve pour non-respect du smic. Une histoire pour amoureux du droit, qui a obligé les enseignes à revoir leurs fiches de paie. En juin 2011, Carrefour a été condamné à 3,66 millions d’euros d’amende. Motif ? Avoir intégré, jusqu’en 2008, les pauses au temps de travail effectif, ce qui faisait tomber la rémunération au-dessous du salaire minimum. Depuis, la Cour de cassation a mis le holà. Le 18 octobre, elle a donné raison à 258 salariés d’Auchan, rémunérés certes au-dessus du smic, mais victimes également de ce tour de passe-passe. « C’est de l’ingénierie RH, car le temps de pause correspondait exactement au complément résultant du passage aux 35 heures », note Stéphane Ducrocq, l’avocat des salariés.

De la lessive pour les tenues. Tout aussi regrettables en termes d’image, les bisbilles autour de la tenue de travail. Dès lors que l’employeur l’impose, il doit prendre en charge son nettoyage ou prévoir une indemnisation versée au salarié. « À condition qu’elle soit au moins égale à la dépense réellement engagée », précise Mario Califano, avocat pour la CFDT dans ce dossier. Dans la métallurgie, on appelle ça des primes de salissure. Mais dans la grande distribution, c’est le grand vide. Condamné par la Cour de cassation en mai 2008 pour offrir juste un baril de lessive par trimestre, Carrefour a ouvert à la rentrée des négociations sur le sujet. La direction propose de verser 5 euros par mois, en fonction du temps de travail. « Insuffisant », estiment les syndicats, pour compenser l’eau, l’électricité, le repassage… D’autant qu’avec en moyenne deux tenues par salarié, il faut faire tourner les machines… « La plus mauvaise décision en conseil de prud’hommes fixe le tarif à 10 euros par mois », relève Mario Califano.

Chez Auchan, les employés ont droit à une remise de 20 % sur la lessive et l’assouplissant dans la limite de 20 euros par an. Non cumulable pour un couple de salariés. Sur la base de deux tarifs de pressing différents, FO a évalué le coût total entre 3 000 et 5 000 euros sur cinq ans. Ça fait cher la veste noire immaculée…

Auteur

  • E. S.