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Éditorial

À vot’ bon cœur, m’sieur l’président !

Éditorial | publié le : 02.03.2013 | Jean-Paul Coulange

Carlos Ghosn n’est décidément pas un patron ordinaire. Engagé dans une négociation cruciale, toujours en cours, visant à améliorer la compétitivité du groupe automobile Renault, son P-DG a finalement consenti à faire un geste, réclamé à la fois par les syndicats et par Arnaud Montebourg : dégarnir son compte en banque en abandonnant 30 % de sa rémunération variable, au titre de l’année 2012, à la condition expresse qu’un accord soit effectivement signé. Précision d’importance, le versement du bonus n’est pas supprimé mais reporté à des jours meilleurs, fin 2016.

En matière de sacrifice, Carlos Ghosn n’en est pas à son coup d’essai. En 2011, lui et son numéro deux de l’époque avaient déjà renoncé à leur part variable sur 2010 et à leurs stock-options pour 2011, en guise d’acte expiatoire, après la gestion calamiteuse de la fausse affaire d’espionnage qui avait secoué l’entreprise. Pour le salarié lambda, les 430 000 euros auxquels renonce cette fois-ci le P-DG de Renault représentent une fort coquette somme. L’équivalent de vingt-cinq années de smic. Dans les faits, Carlos Ghosn ne se serre pas trop la ceinture. Car il conserve 70 % de sa part variable, soit 1 million d’euros, ainsi que son salaire fixe, 1,2 million. Sans oublier les 10 millions d’euros qu’il perçoit au titre de président de Nissan. Le patron du constructeur automobile a beau avoir vécu pendant de longues années au Japon, on n’ira pas jusqu’à dire qu’il se fait hara-kiri ! En revanche, les ouvriers de Flins, de Douai ou de Sandouville verront leurs salaires gelés en 2013 et les augmentations générales vraisemblablement limitées à la portion congrue en 2014 et 2015, tandis que l’intéressement sera plus fortement corrélé à la marge de l’entreprise.

Le plus étrange dans cette histoire, c’est que le salaire du président n’a pas grand-chose à voir, pas plus que l’âge du capitaine, avec le deal en cours chez Renault. Ce qui est en balance, c’est, d’un côté, l’engagement de la direction sur des volumes de production, sur l’attribution de nouveaux modèles et sur la non-fermeture de sites en France ; et, de l’autre, outre la modération salariale, une augmentation du temps de travail et des réductions d’effectifs, à hauteur de 8 200 postes, par le biais d’un gel des embauches et du non-remplacement de départs à la retraite.

On observera que, chez PSA, Philippe Varin, 76e salaire parmi les patrons du SBF 120, et son directoire ont aussi renoncé à leur part variable pour 2012, après avoir fait une croix dessus l’année précédente pour mauvais résultats. Même cause, même (auto)sanction. Sauf qu’entre-temps les comptes de PSA ont plongé. La symbolique de l’effort partagé par tous n’a échappé à personne. Mais les initiatives individuelles de patrons sous pression sont loin de clore le débat sur les rémunérations des dirigeants, rouvert par le Parlement. A fortiori quand leur bonus sert de « prime » à la signature.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange