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Les PSA de Rennes bougent à reculons

À la une | publié le : 01.09.2013 | Anne-Cécile Geoffroy

Malgré l’accompagnement et les aides financières, la mobilité interne ne séduit pas les salariés de PSA Rennes. Démotivés, attentistes, beaucoup repoussent leur décision à la fin de la phase volontaire du PSE.

Dans la grande salle de réception située à l’entrée de l’usine PSA La Janais, au sud de Rennes, des salariés s’attardent autour d’un buffet. Ce jour de juin, une quarantaine d’entre eux vient de recevoir un certificat de qualification professionnelle. « C’est important, positive Jean-Luc Perrard, le directeur du site. Les salariés ont parfois du mal à prendre conscience qu’ils ont de vraies compétences. » Malgré les diplômes, les petits-fours et le jus d’orange, l’ambiance n’y est pas.

Depuis plus d’un an et demi, le site tourne au ralenti. Les salariés vivent au rythme du chômage partiel. Au total cinquante-sept jours en 2012. Cet été, le site s’est arrêté six semaines. Seules deux équipes sur les trois sont sur le pont. Et à l’automne elles pourraient n’être qu’une et demi. « Ça fait aussi plus d’un an qu’on vit avec le plan de restructuration. Annoncé en juillet 2012, il a officiellement été lancé le 2 mai 2013, en pleine période de chômage partiel. Et, depuis cinq ans, les plans de départs volontaires s’enchaînent. On a perdu environ 3 000 postes. Difficile de se réjouir », décrypte Nadine Cormier, déléguée syndicale Force ouvrière. D’ici au 1er avril 2014, 1 400 postes supplémentaires vont être supprimés sur les 5 400 que compte encore l’entreprise ; 600 salariés devraient quitter PSA, 400 partir dans le cadre de la réindustriali­sation du site et 400 en mobilité interne.

À la direction des ressources humaines, on espère bien trouver ces 400 volontaires. Dans son bureau qui fleure bon les années 1960, Bruno Bertin, le DRH du site, veut y croire. « La phase de volontariat ne sera réussie qu’à la condition de réaliser ces 400 mobilités internes », assure-t-il. Fin décembre, les salariés n’auront en effet plus le choix de l’affectation. S’ils refusent l’offre de PSA, ils seront licenciés. Une première pour le site rennais qui n’a encore jamais connu de plan contraint.

Pour atteindre ses objectifs, le constructeur automobile a mis des moyens importants sur la table. Au beau milieu de l’usine, le point zéro du site, un pôle de mobilité professionnelle (le PMP) est ouvert depuis le 13 février. Sa mission : informer et accompagner les salariés candidats au départ. Placardées sur les murs de cet espace, des affiches listent les postes disponibles au sein du groupe. Un intranet recense également l’ensemble des offres internes en France et dans le monde. « Mi-juin, nous répertoriions 620 offres, comptabilise le DRH. Ceux qui le souhaitent pourront rester chez PSA. » Fin juin et début juillet, les sites de Poissy, Caen, Sochaux, Vélizy, Trémery et Metz-Borny sont venus se présenter aux salariés rennais. « Tout au long de la phase de volontariat, nous nous déplacerons également dans les ateliers, sur le temps de travail, pour parler des dispositifs aux ouvriers qui n’osent pas encore venir nous voir », explique Jean-Michel Diverres, le responsable du PMP.

FREINS. Au-delà de l’accompagnement, les conditions financières pour inciter les salariés à bouger en interne ont été revues à la hausse par le constructeur. Prime d’installation équivalant à trois mois de salaire à laquelle s’ajoutent 1 863 euros par enfant, prime de mobilité de 10 977 à 48 666 euros selon la composition de la famille et la destination (région parisienne ou province), prime de transfert de 5 000 euros, prime d’incitation d’un mois de salaire si la mobilité se fait durant la phase de volontariat… « Nous avons travaillé sur tous les freins qui bloquent la décision, explique Bruno Bertin, comme le logement et le travail du conjoint. »

Des cabinets extérieurs aident les salariés. Et PSA s’est même engagé à fournir deux offres valables d’emploi au conjoint. « Nous avons également introduit la notion de célibataires géographiques, à la demande des organisations syndicales », ajoute le DRH. « La mobilité interne n’est plus un sujet tabou à Rennes. Quand on a commencé à travailler sur le sujet, en 2007, les salariés pouvaient avoir un sentiment de trahison à quitter le site de Rennes pour un autre. Ce n’est plus le cas, explique Laurent Morival, responsable emplois, carrières. Les salariés s’aperçoivent que l’environnement de travail est le même d’un site à l’autre, tout comme le vocabulaire. »

Sur les 1 600 techniciens et cadres de la direction de la recherche et du développement de Rennes, 700 ont ainsi participé à des missions temporaires de trois mois à plus d’un an. Des contrats de détachement qui permettaient au site d’ajuster ses effectifs en fonction de l’activité. Pour Yannick Louesdon, conseiller au PMP, « à Rennes, les salariés sont plus mobiles qu’ailleurs. Il existe une vraie culture. Certains mois nous gérions plus de 900 mobilités temporaires simultanément. »

Dans les ateliers et les bureaux, le discours volontaire de la direction sur les mu­tations ne semble pas pour le moment soulever l’enthousiasme. Mi-juillet, deux mois après le lancement des mesures d’accompagnement, 140 salariés s’étaient renseignés sur les mutations mais 57 mouvements seulement étaient enclenchés, selon les syndicats. « Les 400 mobilités internes, je n’y crois pas, martèle Laurent Valy, à la CFDT. Depuis 2007, les salariés ont déjà vécu de fortes contraintes dans le cadre de la GPEC. Des mobilités, il y en a eu, et beaucoup. La carotte pour les techniciens, c’était de passer cadres. Aujourd’hui, c’est terminé. Les postes proposés sont moins intéressants. Et des volontaires, il n’y en a plus. » Pour Pascal Steinbach, du syndicat SIA, « les salariés rennais sont sédentaires, contrairement à ce que pense la direction. Des familles entières travaillent dans l’usine. Difficile de quitter toute une vie ». « PSA a un discours tellement négatif sur l’avenir que les salariés n’y croient plus, ajoute Didier Picard, à la CFE-CGC. On se dit tous et après ? Qui peut croire que les autres sites ne seront pas un jour concernés par une nouvelle restructuration. »

STRATÉGIE. Les salariés attendent donc et, surtout, comptent leurs « points » pour adopter la meilleure stratégie. Car, suivant l’ancienneté, le nombre d’enfants ou de parents à charge, les situations financières personnelles et leurs « qualités professionnelles », ils cumuleront les points et pourront passer entre les gouttes du PSE. « C’est décidé, j’attends la phase contrainte, assure Arnaud, technicien qualité, chez PSA depuis dix-huit ans. Les efforts, ça suffit ! Et y’a pas qu’le pognon dans la vie. J’ai enchaîné les déplacements à Aulnay, à Sochaux et même à l’étranger. J’ai 43 ans, et j’ai besoin de me poser. Mes enfants n’ont pas terminé leurs études. Pas question de les laisser seuls. » Nadine Cormier, chez FO, est frappée par la tension qui règne dans les ateliers. « Les gars ont les yeux rivés sur le chiffre des volontaires. Chacun suppute la décision des autres en fonction de ce qu’il pense connaître de leur situation personnelle. C’est très triste ; et, au fur et à mesure, les salariés se détachent de PSA. »

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy