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Rouen, côté social

Une cité industrielle en reconversion

Rouen, côté social | Métropoles | publié le : 04.10.2013 | Anne-Cécile Geoffroy, Manuel Sanson

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La communauté d’agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe (Crea)

Crédit photo Anne-Cécile Geoffroy, Manuel Sanson

Menacée par la désindustrialisation dans ses secteurs traditionnels, la ville met le cap sur des activités d’avenir. Avec pour atout ses universités et sa proximité avec la capitale.

La ville de Rouen parviendra-t-elle un jour à faire croire, comme Nantes, qu’elle se trouve en bord de mer ? Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la capitale de Loire-Atlantique, tant le grand port maritime rouennais est mis en avant par les édiles et industriels locaux. Le GIE Haropa, constitué il y a un an et demi, réunit les ports du Havre, de Rouen et de Paris qui, désormais, « draguent », main dans la main, les armateurs pour faire remonter la Seine à des bateaux au tonnage toujours plus important. « En anglais, Haropa peut s’entendre Harbour of Paris, précise Frédéric Henry, président du grand port maritime et patron du groupe chimique Lubrizol. Un avantage quand on va à l’étranger pour défendre l’attractivité de notre territoire. »

Preuve que le fleuve revient au centre du développement économique de la ville, le chenal de la Seine est en train d’être approfondi. Même les industriels locaux redécouvrent l’utilité du fleuve. Ferrero, dont le siège social est à Mont-Saint-Aignan, sur les hauteurs de Rouen, fait désormais remonter ses pots de Nutella vers son entrepôt de Gennevilliers en péniche. D’un bateau par semaine, l’entreprise agroalimentaire espère à terme passer à cinq. « On ne le sait pas, mais Rouen est aussi le premier port céréalier européen », rappelle Gérard Lissot, président du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Haute-Normandie.

Le renouveau de la capitale normande s’organise également sur les rails. Cet été, les arbitrages de Matignon concernant les investissements ferroviaires entre Paris et Rouen ont rassuré. La création d’une nouvelle gare à Rouen et d’une autre à la Défense mettrait réellement la ville à moins d’une heure de la capitale et de son centre d’affaires. Et pourrait booster l’attractivité de l’agglomération, qui compte près de 500 000 habitants, dont un peu plus de 110 000 à Rouen. « Il faut absolument créer de nouveaux événements pour faire venir des touristes. Ça m’énerve de voir les automobilistes rouler en direction de la côte normande pour le week-end sans s’arrêter à Rouen, se plaint Daniel Havis, P-DG de la Matmut. Il faut que nous construisions notre notoriété comme Nantes et Rennes l’ont admirablement fait. »

Transition. Frédéric Sanchez, à la tête de la communauté d’agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe, et Yvon Robert, le maire de Rouen, doivent juguler la désindustrialisation qui grignote leur territoire. Le chômage atteint plus de 11 % de la population. « L’industrie représente encore 21 % de l’activité économique », rappelle Christian Hérail, président de la chambre de commerce et d’industrie depuis 1999. La fermeture de Petroplus est l’exemple le plus récent. Près de 500 emplois ont été supprimés. Mi-juillet, une petite centaine de salariés ont retrouvé un emploi plus ou moins stable.

L’histoire industrielle de la région s’est construite autour du textile et de la corderie. Puis dans le courant des années 1950 et 1960, au moment où la France engageait un mouvement de décentralisation, ce sont les industries chimiques, pétrochimiques et métallurgiques qui ont peuplé les boucles de la Seine, fait la richesse de la région et fourni pendant des années un gisement d’emplois. La chimie représente ainsi près de 10 000 emplois dans plus de 130 entreprises. Renault installe à Cléon son usine de motorisation et de boîtes de vitesses en 1958. Thales s’implante à Ymare, au sud-est de la ville, pour y fabriquer des radars. Cette tradition ouvrière se retrouve dans l’histoire syndicale locale, très marquée par la CGT et le Parti communiste qui administre Grand-Couronne, dans la banlieue rouennaise. Quant à la CFDT, elle est mieux implantée à Rouen, une ville de tradition démocrate-chrétienne très longtemps incarnée par son maire centriste Jean Lecanuet.

Mais « Rouen doit construire sa transition et ne plus vivre sur ses acquis », souligne le président du Ceser. Le territoire s’est tertiarisé ces dernières années et met tous ses efforts dans une reconversion vers des secteurs plus porteurs d’emplois de haut niveau telles l’énergie, la santé, l’aéronautique… « Le technopôle du Madrillet regroupe des filières d’excellence pour la région comme le pôle automobile Mov’eo ou encore la filière aéronautique autour de Normandie AeroEspace. Il faut aussi développer le tertiaire supérieur et faire venir des entreprises du secteur de la banque-assurance », poursuit Gérard Lissot. La fermeture de la raffinerie Petroplus est le symbole de cette reconversion en marche. « Le comité de pilotage chargé de repositionner le site ne veut pas entendre parler du maintien de la raffinerie. La seule chose qui intéresse les représentants de l’État, c’est la reconversion du site et sa dépollution », constate Yvon Scornet, le syndicaliste CGT qui a mené la lutte et préside l’association des anciens de la raffinerie pour défendre l’idée de la reprise du site.

Rouen dispose d’un atout important pour la reconversion de son tissu économique : « c’est une ville universitaire de 45 000 étudiants qui abrite des établissements de très bon rang comme Neoma Business School [issue de la fusion des écoles de commerce de Rouen et de Reims] ou encore l’Esigelec et l’Insa pour les écoles d’ingénieurs », explique Christian Hérail à la CCI. Reste à convaincre les étudiants de rester, car ils ont plutôt tendance à déserter la ville une fois diplômés, faute d’emplois adéquats. Selon la chambre de commerce et d’industrie, 12 000 à 15 000 emplois ne sont pas pourvus. Aujourd’hui, en dehors de Ferrero, de la Matmut, d’Astera (répartiteur de médicaments), la ville ne compte pas de sièges sociaux importants. Reste à savoir si la nouvelle ligne ferroviaire normande attendue pour 2020 convaincra des sièges sociaux de se poser à Rouen.

A.-C. G.

Les sept premiers employeurs locaux

CHU de Rouen

9 000 agents

Groupe Matmut

1 500 salariés à Rouen

Renault

4 000 salariés à Cléon

Astera

500 salariés à Rouen

Ferrero

300 salariés à Mont-Saint-Aignan

Grand Port maritime de Rouen

484 salariés

Thales Air Systems

300 salariés à Ymare

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Manuel Sanson