Ceux qui ont bien connu l’époque où Edmond Maire, André Bergeron et Georges Séguy incarnaient le mouvement revendicatif français se souviennent avec nostalgie de ce que représentait le syndicalisme dans le débat public. Ses leaders étaient des gens qu’on écoutait, ils défendaient des revendications claires, à défaut d’être toujours réalistes, et l’action syndicale baignait dans le grand bain post-soixante-huitard, porteur de dangereuses utopies mais aussi d’espoirs. C’est cette période que le livre de Jean-Michel Helvig ressuscite à travers le parcours d’Edmond Maire, technicien chimiste chez Pechiney devenu dans les années 1970, à la tête de la CFDT, une des personnalités centrales de la négociation sociale, avant d’engager sa confédération dans un « recentrage » qui a fait bouger les lignes du paysage syndical, et même, d’une certaine façon, du champ politique.

En lisant cet ouvrage, on prend mieux conscience de la force de caractère et de la charpente intellectuelle dont il fallait faire étalage pour s’imposer au sommet d’une organisation aussi remuante, où anciens militants chrétiens et nouveaux hérauts du gauchisme pouvaient s’affronter pendant des congrès interminables. Peu connues, les circonstances qui ont conduit Jean Kaspar à prendre la succession de Maire alors que ce dernier aurait souhaité confier les rênes à Yves Lichtenberger sont relatées en détail. Ensuite, le moment venu, Edmond Maire poussera Nicole Notat face à Jean Kaspar, sans succès. Un récit riche en informations inédites sur une fin de carrière syndicale digne, comme le fut de bout en bout l’itinéraire de cet intellectuel militant qui nourrissait à l’égard du syndicalisme une passion aussi impatiente que pragmatique.

Edmond Maire, une histoire de la CFDT, Jean-Michel Helvig. Éditions Seuil. 594 pages, 25 euros.