Au nom du « modèle de 1945 », tout effort de rationalisation des dépenses de la Sécurité sociale passe pour une remise en cause des acquis de la Libération. Mais, depuis le choc pétrolier de 1974, la France a vécu pendant quarante ans dans l’idée que son système de protection sociale allait de crise en crise. Pour Colette Bec, cette contradiction a été résolue en rejetant sur des causes externes les problèmes de notre modèle social. Il faut chercher « dans la construction même du système français de protection sociale, dans des distorsions continues entre principes et logiques de mise en œuvre, les vecteurs principaux de sa dégradation ».

La protection sociale française s’est construite sous bien des points dans le miroir de celles de l’Allemagne et des États-Unis. Dans l’entre-deux-guerres, la prise de conscience se fait que rien de décisif ne verra le jour sans l’impulsion vigoureuse de l’intervention étatique. Celle-ci se trouve pleinement légitimée à la Libération, où l’idée d’État social émerge. La pierre de touche de ce projet sera la création de la Sécurité sociale. Les idéaux qui avaient présidé à la création de l’institution s’estomperont pour laisser la place, face à la crise économique des années 1970, à une logique gestionnaire. Parallèlement, une véritable révolution idéologique s’effectue autour de la question de l’équité et de celle du risque.

La chercheuse décrit une déconstruction du système social qui se réalise notamment à travers la partition entre la logique de l’assistance et celle de l’assurance. Au bout du chemin, avertit-elle, c’est la démocratie qui risque de sortir minée de ce processus. Pas sûr qu’elle ait accueilli avec enthousiasme les récentes annonces de François Hollande.

La Sécurité sociale : Colette Bec. Éditions Gallimard. 326 pages, 23 euros.